PAMPELUNE-SANTIAGO OU ANNA 10/2022
Début de la fin de l'aventure : 700 kilomètres à faire
Après nos 300 kilomètres en avril 2022, nos pieds ont soif de finir ce challenge avec nous-mêmes.
Pourquoi si tard en saison et pourquoi ce choix : Santiago de Compostella (Saint Jacques de Compostelle en français) ou Anna ?
Si tard en saison parce qu'il y avait un baptême collectif de nos petits neveux le 25 septembre en région parisienne. Donc, nous ne pouvions pas partir plus tôt. Nous allons partir de Paris juste après, ce qui évite de faire un aller-retour inutile jusqu'à notre maison au fin fond du Nord pour revenir ensuite traverser Paris.
Ensuite, Anna sera notre première petite fille et son arrivée est prévue le 15 novembre. Aurons-nous assez de temps pour finir notre Chemin avant sa venue ? il faudra entre 30 et 40 jours pour faire le Chemin. Nous sommes tellement impatients de finir notre voyage mais aussi de rencontrer Anna... Si elle arrive en avance avant la fin de notre périple, nous arrêterons le Chemin et reviendrons rapidement à notre maison sinon, nous finirons notre marche vers Santiago. Nous faisons confiance à la Providence du Chemin....
Nous partons de Paris le mardi 27 septembre par train et bus et finissons la journée dans le même petit hôtel de Pampelune où nous étions arrivés en avril : souvenirs souvenirs...
Première semaine
Le mercredi 28 septembre 24km : Pampelune --> Puente-la-Reina.
De bon matin, après un solide petit déjeuner dans notre café pampelunien préféré, nous prenons le Chemin de Compostelle qui passe par l'ancienne citadelle que nous avions déjà visitée en Avril. Pampelune n'a plus de secret pour nous... Il n'y a pas beaucoup de marcheurs à sac-à-dos sur le Chemin, nous avons choisi cette période pour être plus tranquille. Il pleuvine un peu, le ciel est chargé mais le soleil brille dans les coeurs, c'est le plus important. Pour un premier jour, nous prévoyons une étape de 24 kilomètres. Après avoir passé le premier village qui suit Pampelune, le nombre de pèlerins augmente sérieusement. Beaucoup de coquilles Saint-Jacques pendent sur les sacs à dos. Nous trouvons un bar où nous achetons des bocadillos (sandwichs). Il y a un beau dénivelé pour cette première journée : 260 m pour arriver au col où se trouve une sculpture métallique de silhouettes de pèlerins, idéal pour les photos. Et là, effectivement, il y a une foule armée de téléphones portables en mode prise de vue....
Pour fêter ce premier jour, j'ai emporté dans mon sac à dos une mini bouteille de vin, un bourgogne, pour accompagner le premier déjeuner. Nous repartons après ce premier pique-nique et croisons un groupe de joyeux français en train de finir leur repas : ils sont au moins une quinzaine. Pour les narguer, je leur montre la bouteille de verre vide, ils rigolent en disant qu'ils avaient oublié cet important élément d'un repas français ; eux, ils sont à l'eau...
Plus loin dans un autre village, sur le muret d'un jardin, quelques vieux godillots servant de pots de fleurs sont exposés : ça nous fait bien sourire aussi. Nous y rencontrons Etienne (avec son béret basque) et Christelle, deux jeunes français qui se sont trouvés sur le Chemin et qui continuent ensemble. Devant les chaussures fleuries, une blague me vient : << Quelle est la plante qui devient odorante quand on ne l'arrose pas ? >> . Christelle ne connaît pas, Etienne non plus. << La plante des pieds évidemment ! >>. Etienne n'est pas le dernier à pratiquer l'humour et nous partageons de bons moments.
Nous arrivons en milieu d'après-midi à l'albergue. Une albergue, c'est l'auberge de jeunesse espagnole pour les jeunes de 7 à 77 ans... Laquelle choisir ? La première n'est pas très chère, y a t'il une raison ? On hésite : déjà un dortoir ? L'albergue, qui est située en début de village, se remplit très vite. La suivante est déjà complète... N'allons pas plus loin, cette première albergue conviendra.
La spécialité de la ville, c'est le poivron. Il y a un marché spécialisé avec de grands cylindres tournés à la main par une manivelle pour faire tourner les poivrons au-dessus d'un feu qui grille leur peau. Des piquillos aux belles couleurs rouges sèchent dans les boutiques. Hélas, dans un sac à dos, pas de poids inutile. Nous n'emporterons donc que quelques photos électroniques, c'est beaucoup moins lourd...
L'albergue était très bien avec de belles arcades et un joli nom : los Padres Reparators (Les Pères Réparateurs). Nous y rencontrons Etienne et Christelle, Jean qui dit être masseur, Florent un jeune de Belgique que nous rencontrerons tout au long du Chemin, trois amies inséparables, Anne, Sophie et Babette, et aussi une famille de coréennes, une mère et ses deux filles dont les prénoms étaient inaccessibles ni à mes oreilles ni à mes vieux neurones du souvenir. L'une des filles avait un problème de pied, un début d'ampoule. Je lui propose le Z-Trauma, un cocktail d'huile essentielles bio pour réparer la peau et les muscles. Nous la reverrons le lendemain, elle me remerciera très chaleureusement, en me serrant dans ses bras. J'étais un peu surpris, je n'ai pas fait beaucoup mais ça lui a redonné du courage.
Je propose un massage de pieds avec mon huile à l'arnica à Chrislaine puis à Etienne. Florent me regarde faire, il aimerait essayer, Christelle lui propose ses pieds... Je tu il nous massons... Nous avons bien dormi après le retour d'un petit restaurant pas trop cher dans cette rue principale où ont défilés pleins de marcheurs rencontrés dans la journée. Il n'y aura pas beaucoup de massage sur ce dernier voyage car le niveau de la petite bouteille d'huile d'arnica est plutôt bas et d'ailleurs, elle ne finira pas le voyage, abandonnée vide dans une poubelle espagnole...
Le jeudi 29 septembre 22km : Puente-la-Reina --> Estella.
En quittant la ville au petit matin, je comprends le nom de la ville : Puente-La-Reina, le Pont de la Reine. Il y a sous nos yeux un magnifique pont médiéval pour quitter la ville en franchissant la rivière. C'est le matin, je suis en forme, je repars en arrière pour prendre une photo du pont en descendant sur la berge. Je prends quelques photos.
Ce matin encore ça commence fort : une belle montée mais heureusement, elle n'est pas trop longue : moins d'un kilomètre. Nous y rencontrons beaucoup de têtes connues : Florent, notre ami belge, la famille Coréenne que l'on retrouve marchant à reculons dans la descente pour éviter de fatiguer les genoux. C'est quand même beaucoup plus long de cette façon. Nous les retrouverons encore une dernière fois le lendemain. Elles arrivent tard aux gîtes.
Parfois le Chemin est magnifique, bordé d'arbres, de panoramas découvrant des collines jonchées de parcelles cultivées aux couleurs différentes, parfois le Chemin suit une autoroute lointaine mais bruyante ou la croise par un pont ou un tunnel. Parfois, il y a un monastère fermé, un vieil arbre remarquable, des colchiques des Pyrénées, de jolies bruyères... Tout ce que l'on peut voir est différent d'un passage express en voiture ou en vélo... Sur les collines voisines nous distinguons les traces d'un été torride : plusieurs sommets de collines ont été brûlés et exposent leur noirceur comme les anciens mineurs de notre pays se faisaient photographier la tête couverte des poussières de charbon (les gueules noires).
Vous remarquerez que maintenant, je mets un C majuscule au Chemin : on respecte ceux que l'on fréquente... Ce Chemin prend une forte emprise sur nous, il devient un support, un but, une joie, une partie de vie.
Nous franchissons un pont médiéval encore une fois. L'accès à ce pont et sa sortie sont vraiment difficiles avec de hautes marches. Nous y rencontrons deux soeurs d'un certain âge, Geneviève et Béatrice, que nous allons revoir assez souvent. La police fait de la surveillance de l'autre côté du pont. Nous discutons avec un jeune policier français du groupe qui connaît bien le Nord-Pas-De-Calais... En ce moment, il y a une action de coopération des polices entre l'Espagne, la France et le Portugal. Nous ne savons pas ce qu'ils cherchent sur ce chemin qui, je pense, n'est pas trop mal fréquenté...
Nous trouvons un petit restaurant à Villatuerta pour reprendre des forces pour finir les 4 derniers kilomètres.
Nous arrivons à notre destination du jour. La porte d'une église est ouverte, nous entrons et découvrons un magnifique retable doré avec des niches pour loger plus d'une douzaine de statues et tout autant de bas-reliefs et hauts-reliefs : une œuvre à contempler pendant des heures. Mais le temps est un peu limité et la photo s'impose pour en garder le souvenir.
Le soir, nous logeons dans une chambre pour 2 dans l'albergue Capuchinos-Rocamadour (le nom m'avait fait sourire en imaginant un café au fromage de chèvre), le prix pour la chambre pour deux était à peine plus élevé que le dortoir voisin (4 euros de plus par personne). En plus, il y a une machine à laver et un sèche-linge payant. Nous y mettons tout notre linge depuis notre arrivée. En passant du bâtiment principal au coin laverie, il y a une petite terrasse avec quelques vignes qui la surplombent et offrent un raisin d'une grande saveur, peut-être bien un muscat. La nuit fut réparatrice.
Le vendredi 30 septembre 21km : Estella --> Los Arcos.
Le matin en quittant Estella, nous arrivons rapidement à un lieu unique et surprenant : La Fontaine à Vin. Oui, oui, vous avez bien lu ! Deux robinets sont disponibles : à droite l'eau potable, à gauche, le vin très potable... Un négociant en vins offre ce petit réconfortant aux pèlerins avec un argument choc : << Pèlerin. Si tu veux arriver à Santiago avec force et vitalité, bois un verre de ce grand vin et trinque au bonheur >>. La fontaine a été inaugurée en 1991 pour continuer la tradition des moines bénédictins dont le monastère est juste à côté. Il est demandé de ne pas stationner trop longtemps devant les robinets et de ne pas remplir les gourdes (sinon nous-mêmes). Donc, comme de nombreux pèlerins, nous prenons un petit verre de vin à 9h du matin... Bon, ce n'est pas notre habitude mais ce petit vin est très bon et nous donnera beaucoup d'entrain et de chaleur toute la matinée. Le pas sera joyeux et chantant... Comme feront remarquer certains, il vaut mieux ne pas en abuser sinon le Chemin sera 2 fois plus long en zigzag...
En partant de là, nous avons 2 chemins possibles jusqu'au prochain gîte : bord de route avec des villages pour le ravitaillement du matin ou dans les forêts avec un peu plus de relief. Beaucoup choisissent la route, nous prenons les forêts et nous ne le regrettons pas tant les lieux sont calmes et apaisants.
Nous prenons l'albergue municipale de Los Arcos. Nous sommes heureux d'y retrouver les amis Etienne et Christelle, Jean et Florent. Les lits de l'albergue sont très rapprochés au point que je ne peux pas passer mes épaules de face et je marche de travers pour rejoindre mon lit : ah ! rentabilité ! que de travers commet-on en ton nom...
Nous décidons avec quelques connaissances, de faire un repas commun dans la cuisine de l'auberge. Super ! sauf que certains ont oublié de revenir à temps... donc nous nous retrouvons à 4 autour de la table à attendre les derniers qui n'arriveront pas. Autour de nous plusieurs groupes se forment autour des tables et envahissent bruyamment la cuisine. Il y a même une italienne qui prend place au bout de notre table avec son enfant de 2/3 ans et sa fille de 8/9 ans qui font le Chemin. L'enfant de 2/3 ans, trop fatigué, est plus que insupportable, il n'a pas faim, pleure, est agressif malgré tous les soins que lui prodigue sa maman : un premier plat de spaghettis carbonaras valdingue sur la table, presque sur les genoux de Chrislaine. Le deuxième plat qu'elle lui prépare n'a pas plus de succès : elle veut qu'il mange, lui frotte son nez, ses yeux et déclare ainsi sa fatigue. Comment peut-on emmener un enfant si jeune sur ce Chemin ? Il voyage en poussette-canne. Il ne doit pas beaucoup dormir vu l'aspect chaotique du Chemin : des pierres, des trous, des escaliers, des déclivités montantes ou descendantes où sa maman le pousse avec force et obstination et sans préoccupation du confort de son enfant. Comment a t'elle pu passer le pont médiéval avec les hautes marches dangereuses ? Heureusement, l'albergue lui met à disposition un petit coin de chambre pour elle et ses enfants dans un autre bâtiment. Elle était déjà dans la précédente albergue, aujourd'hui elle a dû faire 21 km avec ses enfants.
Nous, nous avons la grande salle commune de 17 lits superposés soit 34 couchages... avec un spécialiste du ronflement, un bourreau des dortoirs. Cet homme, dont nous connaîtrons plus tard le prénom Magnus (prononcer Mag-Nuss), ronfle vraiment bruyamment et fait de l'apnée du sommeil. Il commence à grointer avec son haut-parleur naturel, s'arrête soudain en cours d'action, lance quelques soubresauts, va t-il périr, ou relancer sa machine, on est à l'écoute, inquiets, et là, il finit sa musique sur quelques petites croches tonitruantes puis se dégonfle comme une baudruche. C'est amusant mais insupportable, surtout pour Etienne qui dort... enfin, qui essaye de dormir dans le lit voisin de 50 cm... Au cours de la nuit, Etienne emmènera son matelas et son duvet sur la table de la pièce voisine pour essayer de trouver un semblant de sommeil. Mal lui en pris car les 33 autres occupants de la pièce du ronfleur ne sachant pas dormir, vont régulièrement aux toilettes : bruits des portes qui grincent et claquent, lumière, bruits d'eau, de chasse... Bref, il reviendra se coucher dans le dortoir au petit matin encore plus exténué. Vers 6h du matin, tout le monde (enfin, 33 personnes) en a assez de cette nuit infernale et c'est le coup de pied dans la fourmilière : on se lève bruyamment, on range son sac, on triture des sacs plastiques où s'entassent les objets, on zippe les fermetures éclairs, on fait tomber malencontreusement des objets qui résonnent sur le sol, on claque les portes, on allume la lumière générale qui inonde la pièce mais rien n'y fait, le professionnel du ronflement dort encore et toujours et surpasse même tous les bruits que génèrent tous les autres occupants. Ceux-ci finissent par parler à voix haute et même par en rire. Les joies des dortoirs... Son ami, charitable, finit par le réveiller en le secouant fortement. Je pense que l'on peut donner une nouvelle graduation sur l'échelle de Richter.
Le samedi 1 octobre 18km : Los Arcos --> Viana
Nous repartons sous un ciel sans nuage, où la chaleur du soleil nous enveloppe doucement. C'est la première fois depuis notre départ que le temps est clément. On voit des plaines à perte de vue, ça va être monotone. Nous traversons quelques champs d'oliviers, de vignes, de céréales fraîchement coupées. Dans les fossés, quelques vignes sauvages nous offrent leurs tous petits grains de raisins gorgés de soleil... Le goût est moins fermenté qu'hier à la fontaine, plus acidulé mais finalement plus agréable en cette belle matinée. Ca met du baume au coeur : ça va être une belle journée.
Après Torres Del Rio, au niveau de l'ermitage de la Virgen Del Poyo, au bord de la route dans une ravine, nous retrouvons les 3 amies Anne, Sophie et Babette (des nantaises) qui ont eu un gros problème. Babette s'est pété un tendon au niveau du genou. Hier déjà, elle était fatiguée, avait mal, marchait loin derrière ses amies et le corps, qui donnait pourtant des signes d'alerte, vient de lâcher. Pas de chance. Déjà, avant de partir, elles étaient 4 mais l'organisatrice s'est fait une entorse la veille du départ. En marchant, elles se sont rendues compte que les distances quotidiennes qu'elles avaient prévues étaient trop importantes. Elles avaient rechangé toutes leurs réservations pour avoir des étapes plus raisonnables. Maintenant, elles s'arrêtent complètement toutes les trois : à quoi bon continuer à deux et abandonner leur amie ? Elles attendent un taxi qui devrait les ramener à Logroño puis, prendre un nouveau taxi pour aller à Roncevaux récupérer leur voiture et retourner chez elles. Nous avions beaucoup échangé avec elles sur le Chemin. Nous sommes tristes pour elles. Il leur faudra 1H45 pour faire Logroño-Roncevaux au lieu de 7 jours à pieds. Finalement, c'est bien la voiture....
Nous sommes rattrapés par les deux soeurs Geneviève et Béatrice et nous continuons notre chemin ensemble. Elles ont droit à 15 jours de Chemin jusqu'à Burgos. Elles sont mariées mais leurs époux n'ont pas la capacité physique de faire le Chemin et ils les attendent à la maison. Elles ne préfèrent ne pas les laisser seuls trop longtemps. Nous parlons de choses et d'autres et justement de cette Providence qui accompagne les gens sur le Chemin. Béatrice nous explique alors qu'elle avait perdu ses lunettes de vue sur le Chemin avant Condom. Elle était très embêtée, repartir en arrière pour les retrouver, c'est presque mission impossible. En arrivant le soir à son gîte (sachant qu'il y a 7 gîtes et 9 maisons d'hôtes à Condom), curieusement, elle remarque sur le bureau de l'accueil des lunettes qui ressemblent aux siennes. Ça ne peut pas être les siennes, elles les a perdues bien avant Condom, c'est impossible qu'elles soient déjà là. Elle demande à l'hospitalière qui porte aussi des lunettes si ce sont les siennes. Elle répond que non, les siennes, elle les a sur le nez, que c'est quelqu'un les a apportées et déposées ici. Incrédule, elle les essaie et découvre que ce sont bien les siennes. Les lunettes qu'elle a perdues loin derrière, l'ont précédée et se retrouvent juste dans le bon gîte !
Et ce n'est pas tout. Le lendemain, elle trouve un bâton de marche sur le Chemin. Comme elle n'a qu'un bâton, elle se dit, qu'elle pourrait essayer avec deux, de toute façon, la personne qui l'a perdu ne reviendra pas. Elle marche un bon moment, le temps de s'habituer à une marche à double bâtons. Elle aperçoit au loin une femme qui arrive en sens inverse. Cette femme fait demi-tour un peu avant de la croiser. Béatrice la rattrape un peu plus loin, discute avec elle et s'aperçoit que cette femme était repartie en arrière pour chercher son bâton perdu puis y a renoncé. << Ne serait-ce pas celui là, dit-elle ? >> Si !
Nous arrivons à Viana, une belle petite ville. Nous rencontrons Etienne et Christelle qui sont désespérés mais contents. Contents d'être enfin arrivés à Viana, désespérés parce que Christelle souffre des cervicales et ne peut plus porter son sac. Il leur reste 10 km pour aller à Logroño, ville où ils pensaient arriver et trouver un moyen de transport pour retourner chez eux. Ici à Viana, les transports en commun entre les villes ne courent pas les rues et le taxi est bien trop onéreux pour 2 jeunes. Nous ne pouvons pas trop approfondir leurs soucis ni leur demander leur téléphone car une envie naturelle très pressante vient de se déclarer à l'un de nous en pleine ville (là où il n'y a pas d'endroit propice), l'urgence entraîne la précipitation dans l'arrêt de la communication. Dommage, j'aurais bien aimé avoir leurs e-mail.
Nous décidons de chercher une chambre pour 2 pas chère plutôt qu'un dortoir car, après la dernière nuit bruyante, curieusement, nous avons besoin de sommeil. Les premiers prix sont déjà pris. Tant pis, nous paierons un peu plus cher mais nous trouvons un beau gîte dans une rue tranquille où nous aurons une douche bien chaude, un WC rien que pour nous, un lit douillet de toiles douces, des serviettes-éponges bien épaisses... Un bonheur sur terre. Les restaurants ne nous inspirent pas beaucoup (un peu chers), nous décidons d'aller dans une épicerie chercher de quoi grignoter discrètement sur le balcon de la chambre pour le repas du soir, ça compensera une partie de la chambre.
En faisant les courses, nous retrouvons Etienne et Christelle tout sourire. Leurs problèmes se sont résolus facilement (ah la Providence !). Etienne devait aller jusqu'à Logroño pour prendre un train pour Roncevaux puis le bus pour Saint-Jean-Pied-De-Port, puis un train pour son domicile dans le sud de la France car il retravaille Lundi. Et bien, il a rencontré les trois amies Anne, Sophie et Babette qui ont interrompu leur voyage. Elles prendront Etienne le lendemain matin avec elles dans leur taxi pour Roncevaux où elles retrouveront leur voiture et elles le déposeront à Saint-Jean-Pied-De-Port. Une providence, une ! Quant à Christelle, elle voulait continuer. Peut être qu'un peu de repos serait bénéfique pour ses cervicales. Elle, elle a rencontré le groupe des 15 français que nous avons régulièrement croisé et qui ont une logistique à toute épreuve : ils ont un ou deux mini-vans pour les accompagner (comme ça, ils ne portent pas leurs sacs et prennent les personnes de leur groupe qui ont des difficultés). Ils ont proposé de prendre Christelle dans un premier temps jusqu'à Logroño ou plus suivant son rétablissement. Providence deuxième !
Nous prenons enfin le numéro de portable de Christelle. Nous leur donnerons l'adresse de ce site résumant nos souvenirs. Pour fêter tout ça, ils vont à la fiesta de Viana qui se trouve... juste sous les fenêtres de l'albergue municipale. Le début de nuit va être difficile pour ceux qui ont choisi ce gîte.
Le dimanche 2 octobre 22km : Viana --> Navarrete
Le dimanche, c'est comme en France : tout est fermé. Par précaution, comme nous allons dormir dans un petit village, nous décidons de réserver le gîte dès le matin pour le soir. Le premier gîte que l'on appelle est déjà complet. Nous appelons un second gîte : << Bonjour >> nous dit-il en parfait français. Je lui demande s'il a deux places en dortoir. Il dit oui et me demande si je connais ce chant et il chante le chant des pèlerins :
Tous les matins, nous prenons le Chemin
Tous les matins nous allons plus loin
C'est la route qui nous appelle,
C'est la voix de Compostelle...
Ultréïa, ultréïa...
Alors, je reprends la chanson et chante avec lui au téléphone. C'est improbable, insolite et ça arrive. On se dit à ce soir.
Ce petit chant sera sur mes lèvres toute la journée, il nous a donné de la force, du courage. Entendre ça du matin, c'était une grande joie. Nous avons marché toute la journée avec une température en hausse à 27°. Il a fait très chaud, le chemin était difficile et nous n'avons pas eu le réflexe de boire beaucoup parce qu'au début de notre périple, le temps était plutôt frais, nous avons pris l'habitude de boire une moindre quantité d'eau... qui ne convient plus avec les nouvelles températures anormales pour la saison.
Nous arrivons à Logroño, ornée de belles allées bordées d'arbres pour le passage des pèlerins : un bel accueil. Nous rencontrons un écureuil qui est très intéressé par les noix du jardin que j'ai ramenées et que je grignote : il vient les chercher dans ma main. Nous passons devant un grand lac qui donne un peu de fraîcheur. Il y a des fontaines d'eau dans un parc. Nous refaisons un plein de gourde mais l'eau a un goût d'eau fortement traitée. Nous y ajoutons une goutte d'huile essentielle de menthe qui donnera un goût d'eau traitée à la menthe... Après diverses tentatives de consommation d'eau des fontaines, nous préfèrerons acheter de l'eau en bouteille pour remplir nos gourdes
Nous nous retrouvons le soir à Navarrete en compagnie de Geneviève et Béatrice. Nous avons bien discuté et nous nous sommes aperçus que l'une était malade, mouchait beaucoup et, à ses dires, consommait du 4 mouchoirs à l'heure. Nous même, nous nous sentons les bronches un peu prises et le nez un peu coulant comme un camembert trop fait... On ne saura jamais si c'était le Covid ou non, en tous cas, mon nez a coulé pendant au moins 15 jours à raison d'un paquet de mouchoirs par jour, moi qui n'ai plus eu de rhume depuis plusieurs années ; quant à Chrislaine, elle a vaillamment surmonté la guerre bactériologique. Béatrice a eu de la fièvre toute la journée et en arrivant au gîte, elle plonge dans les bras de Morphée toute l'après-midi en toussant comme un joueur de tuba répétant ses basses. Dans l'après-midi, nous visitons rapidement Navarrete, son église et son magnifique retable, encore plus merveilleux que celui de Viana, l'un des plus grands d'Europe dans un tout petit village. Fascinant.
Le soir, comme c'est dimanche dans un petit village, tout est fermé donc, nous prenons la demi-pension. Angel, le propriétaire chantant du gîte nous prépare une paella végétarienne dont le nom n'est pas bien resté dans mon oreille, peut-être albuférade... C'est une paella sans viande, avec des haricots verts, des fonds d'artichauts, des carottes, des fèves, du riz... Le secret de sa préparation, c'est la sauce soja, le curcuma, et autres secrets du chef. En tous cas, nous ne laissons rien... Malheureusement pour les 5 ou 6 jeunes qui arrivent à l'improviste le soir passé 20H30. Angel leur prépare quelque chose à manger mais, nous ne savons pas quoi : ça fait belle lurette que nous sommes couchés...
Le lundi 3 Octobre 22km : Navarrete --> Azofra
Ce matin, nous sommes partis de bonne heure sur la route, pleins de force, la chanson du pèlerin sur les lèvres, un beau duo. L'utilisation des lampes frontales n'a pas été utile car le soleil commençait tout juste à poindre. Il y a plein de vignes qui débordent de grappes que nous ne cueillons pas car les vendangeurs ne sont pas encore passés. Nous nous contentons des vignes abandonnées redevenues sauvages. Chrislaine n'ose pas mettre ses pieds dans les champs pleins de hautes herbes à cause des serpents, des araignées, des scorpions... Moi, même pas peur, j'y vais, la soif est plus forte. Je ramène fièrement 3 ou 4 grappes juteuses qui redonnent de l'eau et de l'énergie. Les grappes sont beaucoup moins fournies que celles des vignes entretenues par les vignerons. Nous n'avons pas pris assez d'eau cette journée, surpris par un thermomètre en hausse constante au fil des jours. Nous sommes assaillis par des dizaines de mouches agressives.
Nous espérons faire les 16 premiers kilomètres le matin pour éviter les grosses chaleurs de l'après-midi car le soleil est vraiment trop fort pour marcher. Nous mangerons à Najera et il restera 6km : une belle planification. Et là, en plein matin, alors qu'une borne nous signale que Saint Jacques de Compostelle n'est plus qu'à 593km, une angoisse nous étreint en voyant notre ami le ténor des dortoirs : Magnus et son copain. S'il est là, c'est qu'ils font les mêmes distances que nous. Nous pensions dormir dans un dortoir tranquillement mais là, ça devient risqué car il n'y a qu'un dortoir dans ce petit village ! Alerte rouge ! Je leur demande innocemment dans quelle ville ils vont ce soir : la même que nous. Aïe ! Dans quelle albergue ? Non, dans une chambre d'hôtel.... Ouf ! Soudain, notre pas est plus léger...
Nous passons auprès de futurs amis : Jeanne, Martin et Rose, des anglais et une brésilienne. Jeanne parle très bien français, Martin beaucoup moins bien et Rose parle bien... espagnol. Nous échangeons beaucoup avec eux. Ils s'arrêtent souvent à l'ombre d'un arbre car ils ne supportent pas bien le soleil mais marchent plus vite que nous (en fait, ils sont plus légers car ils font transporter leurs sacs en voiture) : donc, c'est chassé-croisé toute la journée. Martin me raconte en anglais une histoire de famille que j'espère avoir compris : à un dîner, il avait parlé en anglais longtemps avec son beau-fils français, ils se sont bien compris, mais à la fin du repas, on leur a dit qu'ils n'avaient pas parlé de la même chose.
Nous passons par Najera, où nous cherchons un petit restaurant. Le trio anglais s'arrête dans un restaurant qui ne nous tente pas. Nous trouvons un peu plus loin en contrebas du pont qui enjambe le rio Najerilla, un bar à tapas qui était très correct pour nous. Le restaurant choisi par les amis anglais, était un bon restaurant d'après leurs dires : ce sont des épicuriens comme nous...
Puis nous admirons les belles falaises ocre-oranger qui limitent la ville à l'ouest... Des falaises si belles que nous ne faisons plus attention aux balises du Chemin et nous nous égarons. Il faudra revenir sur nos pas sur quelques centaines de mètres avant d'amorcer une belle montée entre les falaises avec un soleil de plomb. Chrislaine qui n'avait pas prévu le soleil en cette période, a acheté en cours de route un petit bandana qui lui protège la tête et les oreilles contre les morsures du soleil... Malheureusement, elle constatera un peu plus tard que son nez dépasse....
En prenant la route un peu raide entre les falaises, la soif me prend. Je vois une albergue sur la droite. Je m'arrête pour demander un peu d'eau. Il n'y a personne à l'accueil. J'attends un peu, toujours personne. Je vois un frigo en libre service avec des boissons fraîches et notamment des bouteilles d'eau pour 50 cents. J'en prends une et laisse 50 cents sur le guichet de l'accueil avec un petit mot de remerciement. Je repars rejoindre Chrislaine et partager la bouteille bien fraîche.
Tout s'arrange sur ce Chemin... Et même le soir, nous arrivons à l'albergue. Nous avons la bonne surprise de constater qu'il n'y a pas de dortoir commun mais de multiples alvéoles de 2 lits avec une porte qui ferme. Les lits ne sont pas superposés, il y a des casiers pour ranger les sacs, tout ça pour 10 euros par personne : nous sommes heureux comme des rois. Ne pas avoir de lit superposé est un bonheur : pas de bosse quand on s'assoit sur le lit du bas, pas d'équilibrisme sur le lit du haut et la nuit, celui qui gigote en haut donne souvent du tangage à celui du bas : il faut être synchro pour les changements de position...
A l'extérieur de cette belle albergue, il y a une petite piscine d'eau fraîche pour y tremper les pieds. Je ne peux pas y mettre mon pied droit à cause d'une belle ampoule sous le petit orteil. Elle était petite au début mais elle a vite grandi et me fait un peu souffrir. En marchant, j'évite d'y penser, mais là, la surface de l'ampoule devient un peu trop grande. Mon poids plus le poids du sac, c'est un peu difficile dans la chaussure (près de 100 kg). Chrislaine souffre aussi d'une sciatique parce qu'elle est partie ce matin avec son sac à dos mal positionné, trop penché sur un côté. Nous décidons de faire porter un sac le lendemain par transporteur. Ce n'est pas cher : 5 euros.
Le mardi 4 Octobre 21km : Azofra --> Grañon
Avant de partir, nous faisons une photo de la piscine dans le noir, ça donne une drôle de couleur verte. Ce matin, il fait froid. Avec la nuit étoilée, la température a bien chuté mais elle va remonter très vite. Nous hésitons : bonnet ? Gants ? Bon, en marchant, on devrait se réchauffer. J'ai pris le sac de Chrislaine et c'est vrai qu'il est plus léger que le mien. Chrislaine se sent légère sans sac. Elle fait même une blague involontaire comme elle en a le secret : << Sans sac, je me sens pas lourde >>. Sur le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, elle se trompe de coquillage.
Nous avalons les 15 premiers kilomètres facilement malgré le paysage monotone : le long d'une autoroute puis des champs, puis une ville nouvelle construite autour d'un golf, puis encore des champs et enfin on voit le village de destination au loin à 5 ou 6 kilomètres...
Nous arrivons vers midi à Santo Domingo De La Calzada. Nous avons trouvé un petit restaurant qui nous fait un sandwich à l'omelette baveuse et une belle salade au thon. En repartant, nous voyons les amis anglais qui s'arrêtent pour manger. Nous leur faisons un petit signe de loin.
Nous arrivons à Grañon, à l'albergue que j'avais réservée : c'est une albergue paroissiale en donativo : on donne ce que l'on veut ; ce n'est pas gratuit, chacun doit donner ce qu'il peut. Je retrouve mon sac à dos avec un lourd plaisir. Mais nous voyons au niveau de l'accueil qu'il n'y a pas de lit, seulement des tatamis posés sur le sol. A notre âge, nous ne nous voyons pas dormir ainsi. Chrislaine, avec ses problèmes de sciatique dit : << Mais si je dors là-dessus, je ne pourrai plus me relever ! >>. Aussitôt, un petit jeune lui répond : << Nous vous aiderons à vous relever. Vous verrez il y a une ambiance très sympa ici ! On fait la visite de l'église le soir. >>. Les gens sont pleins de bonne volonté. Chrislaine répond : << Oui mais après, il faudra aussi porter mon sac dans la journée ! >>. Et là, il n'y a plus de volontaire... L'hospitalier à l'accueil comprend bien le problème et nous invite en souriant à aller dans l'autre albergue municipale à 50 mètres de là qui est aussi en donativo. Esther nous y reçoit jovialement, elle rigole en voyant nos mines défaites quand on lui demande s'il y a bien des lits. Elle nous place dans un petit recoin d'un grand dortoir, une petite chambre sans porte de 2 lits rien que pour nous. C'est super. Elle prépare le repas pour une quinzaine de personnes, un repas végétarien mais très bon avec des patates cuites dans le four du boulanger. Le seul hic, il n'y avait pas de vin. Il y avait parmi nous un jeune homme Paul qui est tombé dans les pommes pendant le repas, un malaise vagal : ça a fait un peu peur à tout le monde. Il faut dire que c'est un minguerlot (un maigrelet dans le patois du nord) qui ne mange pas correctement. A son âge, il faut mettre du carburant dans la chaudière, mais là, il se contente d'un verre de soda (un poison américain dont je ne donnerai pas le nom....) pour le repas du matin, un semblant de confiserie énergétique pour déjeuner. Comment voulez-vous qu'il survive à toute cette dépense musculaire ? Nous déjà, nous n'arrêtons pas de manger : Petit déjeuner le matin, jus d'oranges pressées ou croissant à 9H, tortillas ou plus vers 10H30, tapas le midi et repas le soir... Globalement, nous avons 3 activités : marcher, miam-miam, dodo...
Après le repas, c'est un pèlerin guitariste qui nous chante du Cabrel. Un temps de poésie. C'est dans ce moment, ce calme, cette communion des auditeurs, cette magie de la veillée que les textes de Cabrel me sont apparus d'une intense couleur poétique. Je n'y avais jamais prêté attention auparavant.
Photos : Viana / Logroño / Navarrete / Nareja / Azofra
Deuxième semaine
Le mercredi 5 Octobre 21km : Grañon --> Tosantos
Le lendemain matin, un petit déjeuner nous attendait, pas beaucoup de pain mais nous avons partagé tous ensemble. Nous espérons trouver un complément plus loin dans un bar...
J'ai retrouvé le poids de mon sac sans vraiment beaucoup de plaisir et je peux vous dire qu'un sac de 6 kilos va mieux sur les épaules qu'un de 12. Cela fait une semaine que nous marchons. Les muscles commencent à prendre leur rythme. Bien sur, il y a toujours cette ampoule qui fait souffrir mais on avance sans y penser et moins on y pense, mieux ça va : il suffit de discuter de n'importe quoi ou de chanter et la douleur disparaît. Mon petit rhume ne me quitte pas, ça ne doit pas être un Covid, je n'ai pas perdu le goût, ni eu de la fièvre et il n'y a pas de fatigue. Partir à la fraîche le matin doit contribuer à la conservation du microbe.
Nous passons par le village de Viloria de Rioja qui laisse sécher ses poivrons en haut des fenêtres. De belles couleurs rouge dégoulinent des fenêtres les plus hautes.
Il fait encore très chaud aujourd'hui, c'est fatigant. Les paysages nus et désertiques parcourus le matin changent en cours de journée et deviennent plus vallonnés avec un peu plus d'arbres. Nous changeons de région, passant de la Rioja à la Castille et Léon. Cette nouvelle région, dont nous verrons les noms sur chaque borne compostellienne, m'a rappelé dans l'oreille la chanson de Bobby Lapointe, Aragon et Castille, chanson totalement surréaliste n'existant juste que pour le plaisir des mots.
Au pays de tagada Castille,
Il y avait tugudu une fille
qui aimait les glaces citron et vanille
Au Pays tagada Aragon
Il y avait tinguindin garçon
qui vendait des glaces vanille et citron.
Moi, j'aime mieux les glaces au chocolat
Poil aux bras
Mais chez mon pâtissier il n'y en a plus
C'est vendu
etc...
Cette chanson me reviendra longtemps autant que le chant des pèlerins. Rien de tel pour faire passer la pénibilité d'une ampoule.
Le midi, nous avons traversé la ville de Belorado dans laquelle il y avait quelques restaurants. Chrislaine préférait un menu, moi quelques tapas pour être plus léger pour faire les 5 km restants. Nous prenons les tapas : mauvais choix, ils étaient assez gras avec une mayonnaise un peu glauque... Les 5 derniers kilomètres ont été difficiles avec la chaleur. Il faut éviter la mayonnaise quand il fait chaud !
Nous arrivons vers 15h au village étape, devant une première albergue, un donativo paroissial....Nous évitons par peur de trouver des tatamis au sol. Il y a une petite albergue un peu plus loin dans le village, en traversant une route départementale très passante où aucun automobiliste ne respecte la vitesse limitée. Une jeune femme attend là, avec son sac à dos, ses bâtons et, chose curieuse, elle a aussi un grand étendoir à linge dans la main, genre tancarville : c'est un peu incongru pour faire Compostelle (quoique). Elle nous parle en espagnol... No comprendo ! Apparemment, elle demande un peu d'argent pour aller dormir. On hésite un peu, déjà que nous n'en avons pas beaucoup, c'est le début du voyage, il faut gérer notre budget. En plus, elle ne nous inspire pas confiance. En face, il y a une albergue paroissiale en donativo qui est donc censée reçevoir moyennant une somme à discrétion (qui peut être zéro...). A mon avis, c'est plutôt une clocharde qui erre ici depuis quelques jours ce qui explique que l'albergue ne la prenne pas : on a le droit à une nuit maximum dans un gîte. Elle reviendra encore à notre albergue, s'expliquant longuement avec Jessica, la patronne de l'albergue mais sans succès.
Notre albergue fait aussi bistrot, restaurant et il y a un excellent raisin accroché à la clôture : que des bons points. Soudain, en franchissant le seuil de la terrasse, le ciel radieux s'obscurcit ! Assis à une table en terrasse, ce sont les suédois, Magnus et son copain Yerkel (ou un prénom qui ressemble) qui prennent une bière au soleil. Pourvu qu'ils aient pris une chambre à part ! Je les salue, nous parlons de diverses choses et notamment de vin, car l'un des deux est marié à une femme qui fait le négoce des vins de Touraine. Dans la conversation, je place : << Vous dormez ici ? >>. Réponse : << Non, nous allons 4 kilomètres plus loin >>. Je pense très fort << Ouf ! >>. Nous allons dormir tranquille, d'autant plus que dans ce grand dortoir, nous ne sommes que 3 ! Il y a Vincent, un homme qui approche les 70 ans, plutôt dépassés que prochains... Il vient du Michigan et il ne parle que l'américain. Il est très sympa quand même (c'est une boutade bien sur). Nous le rencontrerons épisodiquement tout au long de notre voyage avec son large sourire.
L'après-midi, nous allons visiter l'ermitage de la Vierge à quelques centaines de mètres de là. C'est une petite chapelle creusée dans la roche et dont l'entrée a été bâtie en extérieur sortant de la roche. C'est très original et surement très joli mais la chapelle est malheureusement fermée et nous ne pouvons pas voir les richesses qui semblent briller au loin au travers des fenêtres. Tant pis, nos yeux ne se régalerons pas... Nous rencontrons deux anglais. Ils se sont mis à l'albergue paroissiale et ils confirment que les lits sont bien des tatamis au sol : on l'a échappé belle !
Finalement, nous nous apercevons que le nez de Chrislaine est bien rouge. On se pose la question : boit-elle (c'est son nom de jeune fille) ? Et non, c'est un beau coup de soleil, le bandana ne couvre pas le nez. Encore un peu de Z-trauma sera utile... Ce n'est pas de la pub, c'est du vécu pour dire à quoi il faut penser quand on remplit le sac à dos : un produit à tout faire en vaut plusieurs...
Le menu à l'albergue est à 15 euros, ce qui nous fait un peu cher. Jessica nous dit que c'est très copieux et nous propose de partager un seul menu pour nous deux. Ok, ça nous va. Nous mangeons avec Vincent qui, d'ailleurs n'a pas eu d'ajustement de prix et laisse une grande partie de son repas. Vient le moment du paiement et c'est le mari de Jessica qui donne la facture et il nous fait payer 2 repas à 15 euros... Avons nous bien compris ce que nous disait Jessica ? y a t'il eu un problème de communication entre Jessica et son mari ? Que faire, que dire ? Son mari ne parle que l'espagnol.... Tant pis, la fatigue de la journée, la digestion qui commence, tout ça alourdit les paupières et commencer une discussion financière ne m'inspire pas trop. Tant pis, je paie en carte bancaire.
Dans le dortoir, le soir, je m'endors sur le sudoku de mon téléphone portable. Je suis réveillé par une lumière : c'est Jessica et son mari qui sont entrés dans le dortoir et me rendent les 15 euros manquant en billets. Les yeux dans le vague du sommeil, je les remercie comme je peux... Je coupe mon téléphone et je m'endors avec des ronflements en stéréo : je suis entre Vincent et Chrislaine.
Le jeudi 6 Octobre 19km : Tosantos --> San Juan de Ortega
Je pensais remercier plus convenablement Jessica et son mari mais ils ne sont pas là. Ils nous ont prévu un énorme croissant pour ce matin mais il n'y a pas de café. Il n'y a pas de bar dans ce petit village. Le croissant est avalé avec un peu d'eau. Nous partons donc à la recherche du premier bar ouvert à 3,6 km de là... Le premier bar est là mais il y a 4 ou 5 personnes qui font la queue en attendant d'être servies. Il faut dire que la vendeuse n'est pas très douée. Une personne demande un croissant. La serveuse en prend un dans un panier, le place minutieusement dans une assiette, le met dans le microonde, appuie sur le bouton et attend devant le ding libérateur. En voyant le temps qui passe pour une personne qui fait plusieurs demandes, je perds patience et je dis à Chrislaine que ça ira plus vite au prochain bar, nous reprenons nos sacs à dos. Effectivement, le bar suivant est à 200 mètres, la serveuse est rapide et en plus elle sourit. A la terrasse, nous retrouvons nos amis anglais avec qui nous échangeons un petit bonjour. Nous constaterons par la suite, qu'il ne faut jamais prendre le premier bar du village mais le second qui est moins cher, moins peuplé... s'il est ouvert...
Après un bon petit déjeuner, nous repartons vaillamment et rejoignons une dame affairée qui pianote sur son portable en marchant. Il y a une route passante à traverser, je regarde à gauche, la dame est là, toujours occupée sur son téléphone, je regarde à droite, un camion arrive à grande vitesse et je préfère le laisser passer. Voilà qu'il lance un coup de klaxon qui nous glace le sang, pourtant nous ne sommes pas encore sur la chaussée ! Mais en regardant à nouveau à gauche, je vois la dame au portable arrêtée au beau milieu de la route et le camion qui lui passe devant à moins de 50 centimètres sans même ralentir, de toutes façons, il n'aurait jamais pu freiner. Elle l'a échappé belle, le téléphone portable est un objet dangereux. Je dis ça mais j'ai souvent marché le nez dans mon portable, à la recherche d'un gîte, d'une information, d'un kilométrage, de paroles de chansons...
Nos amies de Chemin que nous retrouvons plus loin, Geneviève et Béatrice, nous demandent si nous avons pensé à réserver à Burgos pour vendredi. Il y aura beaucoup de monde, non seulement les pèlerins mais aussi les touristes du week-end. Du coup, beaucoup d'hébergements préfèrent garder leurs lits pour les touristes qui payent plus cher que les pèlerins. Si on ne veut pas prendre un dortoir, c'est compliqué, tout semble pris. Geneviève et Béatrice ont réservé un bungalow au camping de Burgos, ce qui ne sera peut être pas pratique pour visiter car il est un peu excentré du centre-ville. Elles nous quitterons demain, faisant le reste de la distance vers Burgos en deux étapes plus courtes, elles prendront leur temps pour arriver à Burgos. Nous échangeons nos E-mails.
Nous cherchons un hébergement pour le lendemain soir : beaucoup de gîtes répondent << Complet >>. Je n'ose pas appeler un hôtel à 180 euros dans lequel il y aura surement de la place : pour un pèlerin, ça le fait pas. Tant pis, nous irons dans une albergue en dortoir, en général, il y a de la place, c'est au premier arrivé. Finalement, avec mon obstination, je trouverai, le lendemain matin, un petit hôtel un peu excentré pour un prix raisonnable inférieur à 50 euros. Probablement qu'il n'a pas réussi à faire le plein de touristes et a baissé ses prix. Ouf !
Nous arrivons à Villafranca Montes de Oca, dernier patelin avant notre destination qui se trouve à 12 km de là et il est trop tôt pour manger. Là, commence une âpre montée, 200 mètres de dénivelé. Ça monte, ça monte, c'est dur et en plus, le thermomètre monte avec nous. Nous rattrapons Vincent assis près d'une fontaine asséchée. Tout le monde s'essouffle mais continue vaillamment. Au bout de 3 km enfin, ça s'aplanit, une petite descente, une petite remontée, nous passons le long d'un terrain militaire et nous voici dans une grande forêt, c'est plat et le chemin est au milieu d'un grand déboisement, 20 mètres de chaque côté du Chemin. Au début, nous ne comprenons pas pourquoi c'est si dégagé, surtout pour y faire passer un simple sentier de randonnée. Bon, il y a des loups dans la forêt paraît-il, mais, on ne les a pas vus : on a dû les louper... Ce n'est pas en prévision de la construction d'une future route car il y a des petits arbres de 2 ou 3 ans qui essayent de pousser sur l'espace laissé libre : s'il devait y avoir une route, les constructeurs n'auraient pas attendu si longtemps. Au bout d'un moment, nous comprenons le pourquoi en croisant un carrefour avec un sentier perpendiculaire tout aussi dégagé : ce sont des zones coupe-feu. Effectivement, l'été a été torride et a laissé de nombreuses collines nues et noires surtout dans la région de la Rioja (la rouge) après Pampelune ; en fait, c'était plutôt La Négra (noire en espagnol). Sur les bords des fossés, tout au long du Chemin, il y aura toujours quelques tâches éparses de broussailles noircies qui maintenant, profitaient de ce redoux d'arrière saison pour tenter d'ouvrir quelques timides feuilles vertes sur leurs branches noircies. Par contre, ces 12 km de forêt ont été épargnés par le feu.
Nous pensions arriver de bonne heure à San Juan De Ortega mais 12 km c'est long. Le GPS indique que nous y arriverons vers 14H30 et il n'y a pas de ville entre deux... La faim commence à se faire sentir, nous finissons les quelques fruits sec qui nous restent. Heureusement, un commerçant est là avec sa voiture et propose des boissons, des fruits, des sandwichs... Il est placé stratégiquement car la faim nous tenaille. Nous lui prenons 2 bananes à quel prix ? << C'est un donativo, dit-il en bon français, vous donnez ce que vous voulez ! >>. J'ai 2 euros dans mon porte-monnaie, je lui donne. Je n'ai jamais acheté des bananes aussi chères et pourtant, si c'est lui qui avait demandé 2 euros, je n'aurais jamais pris les bananes en l'accusant d'exploiter sa position stratégique. Là, j'étais content qu'il soit là, c'est sympa ce qu'il fait, ça valait bien 2 euros ! Je me pose toujours la question : quelle est la valeur d'un produit ?
Avec ce carburant naturel, nous sommes repartis bon train, "droit devant capitaine". Nous arrivons d'un bon pas à San Juan De Ortega. Il y a une auberge mais la partie hôtellerie est complète. Le patron nous envoie à l'albergue paroissiale un peu plus loin, abritée dans un ancien monastère qui dispose de plus de 60 lits. Nous prenons 2 places de couchages et réservons le repas du soir qui en général est excellent dans les accueils religieux. En plus, avec 60 lits, il y aura du monde pour discuter.
En attendant, nous retournons à l'auberge pour manger une excellente pizza et salade. En attendant le soir, nous visitons le monastère. Il y a un jardin derrière. Pour y accéder, il faut faire le tour du bâtiment et nous constatons en arrivant que ce n'est pas un jardin ; ce sont plutôt des champs. Il y a un noyer avec quelques noix au sol : on en profite. Une dame arrive furax : << Este privado aqui ! >>. Bon, on repart. Nous retournons au petit bar qui jouxte le monastère pour prendre une boisson. Le barman raconte son malheur : il est excédé par une porte qui se referme toute seule en grinçant, elle "couine" comme le groupe de rock de Freddy Mercury. Elle donne accès aux dortoirs : autant dire qu'elle est tout le temps en mouvement. Je lui propose de sortir la porte de ses gonds d'y passer de l'huile. Sitôt dit, sitôt fait, il me tend une bombe de produit, j'en met sur les charnières et le ressort du groom, nous replaçons la porte et ça couine encore plus. Evidemment, ce brave homme s'est trompé de bombe : il a pris un nettoyant contact, l'effet inverse de l'huile : ça dégraisse. Nous rigolons bien de sa bévue et là-dessus, je lui apprend l'existence du "Concerto pour un bruit de porte et un soupir" du compositeur Pierre Henry. Je lui fais écouter une vidéo sur Internet et il rigole encore plus ; il dit : << J'ai un instrument de musique ici et je ne le savais pas ! >>.
Nous prenons un verre en terrasse. A côté, il y a une jeune allemande qui dévore le contenu de son téléphone portable en sirotant une bière. Soudain, au moment de porter son verre à la bouche elle le rejette brusquement : une guêpe est en train d'apprendre à nager dans sa bière. Elle a eu de la chance de la voir avant de boire ! La guêpe, elle, n'a pas réchappé à son sort : la mise en bière sous un cendrier.
Le soir, nous mangeons dans le grand réfectoire de l'abbaye : il est désert, nous ne sommes que deux. Et oui, personne n'a voulu manger là et on comprend pourquoi : ce n'est pas terrible, un repas tiédasse, des macaronis hyper-cuits, du jambon rose Barbie et tout ça, dans une grande salle vide et personne pour servir. Triste. L'auberge à côté était bien meilleure et plus joyeuse. D'ailleurs tout le monde se retrouve là. après notre repas, nous y allons retrouver Geneviève et Béatrice.
Il y a 3 dortoirs de 20 personnes au-dessus du cloître du monastère. Malgré notre dortoir rempli à bloc de 20 personnes qui seront toutes très discrètes la nuit (si, si, ça arrive), je trouve un sommeil récupérateur, Chrislaine un peu moins car elle a du mal à digérer les pâtes trop cuites du repas du soir.
Le vendredi 7 Octobre 25km : San Juan de Ortega --> Burgos
Pour aller jusqu'à Burgos, il y a 25 km. C'est beaucoup pour une journée car il y a toujours un peu de douleur à mon pied et au dos de Chrislaine. D'après nos amis qui avait fait le trajet il y a quelques années, la banlieue de Burgos n'est pas terrible entre les voitures et les industries. Ils avaient fini par prendre un bus. Ce sera aussi notre stratégie : après tout, il y en a qui font porter leurs sacs, pourquoi ne prendrions-nous pas un peu de bus d'autant que si on arrive de bonne heure, nous pourrons visiter la ville.
Nous commençons le trajet avec Geneviève et Béatrice puis elles nous quittent assez vite pour rejoindre leur gîte. Demain, elles arriveront à Burgos pour repartir auprès de leurs maris respectifs. Il y a 2 itinéraires pour aller à Burgos : le nouveau Chemin le long d'une rivière ou le Chemin Originel le long de la route, celui qu'avait fait nos amis Philippe et Dominique. Nous prenons celui le long de la route pour trouver un bus plus facilement. Nous sommes les seuls à prendre ce petit bout de chemin jusqu'à Villafrìa où nous prenons un bus qui passe toutes les demies-heures. Le bus nous fera les 7 derniers km pour une somme dérisoire. Comme nous venons tout juste de rater le bus, nous nous engouffrons dans le petit bar à côté de l'arrêt de bus à la recherche de quelques tapas ou autres sandwichs car il est déjà midi. Nous grignotons nos tapas sur place mais le temps passe vite et nous nous dépêchons d'enfourner nos sandwichs dans les sacs car le bus arrive. Nous avions encore un peu faim mais le masque est obligatoire dans les bus en Espagne et manger avec un masque n'est pas vraiment facile : essayez, vous verrez !
En arrivant au terminus à Burgos, il restait encore 2 km pour arriver à l'hôtel. Il faut traverser le centre ville. Nous en profitons pour passer devant la magnifique cathédrale et le château au sommet d'une colline dans un grand parc dans lequel nous nous sommes un peu égarés... Puis nous arrivons à notre hôtel pour déposer nos sacs et retourner payer la visite de la cathédrale. Hé oui, en Espagne, la visite des cathédrales est payante. Il faut dire que ce sont des musées extraordinaires et quand on voit toutes les oeuvres d'art qu'elles renferment, on comprend qu'il y a un sacré budget de conservation des objets. Les offices religieux se font dans les petites parties plus recluses du bâtiment dédiées à cet effet ou dans les nombreuses églises qui se trouvent à chaque coin de rue.
De retour à la cathédrale, nous admirons cette magnifique dentelle de pierre, ornée de retables, de tableaux, d'orfèvrerie. C'est innombrable, une féérie de couleurs, d'ors, de sculptures sur bois, de peintures, tous les arts réunis, provenant des siècles passés depuis le XII ème siècle, dans un état de conservation incroyable. Je n'ai pas assez de mots : il aurait fallu plusieurs heures pour en savourer chaque détail. Mais il y a le temps qui manque, la fatigue et heureusement, dans ce cas, nous avons recours aux photos qui sont le support de la mémoire d'un corps fatigué. Je n'ai jamais vu autant de richesses dans une église en France et c'est normal : la Révolution Française est passée par là et a dispersé toutes les oeuvres. On comprend en voyant ces trésors, ces richesses qui s'étalent, que ça crée un décalage révoltant avec ceux qui peinent et ont faim et à qui on ne donne même pas les moyens de joindre les 2 bouts. On peut comprendre que des peuples se révoltent.
Pour reposer nos yeux encore éblouis, nous sommes allés dans un petit bistrot qui nous a fait payer une somme astronomique pour un Fanta et un Schweppes en partie renversé à côté du verre par la patron qui ne s'intéresse à personne. Bref. Ensuite, nous sommes repartis à la recherche de magasins qui vendent des choses introuvables en France. Nous avons trouvés un objet de 100gr : il faut ramener des souvenirs sans charger le sac à dos...
Nous flânons dans les rues au gré de notre fantaisie, il fait bon, la vie est douce. Nous trouvons des statues de bronze un peu partout dans les rues. Notamment une qui nous fait penser à Kathleen notre nièce, jeune maman : la statue représente 3 enfants pleins de vie qui dansent ensemble une belle ronde : un garçon souriant et 2 jolies filles, main dans la main, dans des cris muets que nous entendons, une belle image de la jeunesse, pleine de vitalité et d'innocence, la vie dans le bonheur... Le garçon et les 2 filles de notre nièce marcheront-ils un jour vers Compostelle ? Nous leur souhaitons pour qu'ils trouvent leur voie sur le Chemin...
Le soir arrivait, nous avons trouvé une pizzéria en terrasse sur une belle avenue. A côté de nous, Denis et Isabelle, 2 pèlerins qui ont fini leur Chemin et attendent le bus (Flixbus) pour repartir sur la région de Tarbes où ils habitent. Ils nous racontent leurs aventures. Puis nous repartons vers notre hôtel.
Le samedi 8 Octobre 21km : Burgos --> Hornillos Del Camino
Nous repartons de l'ouest de Burgos. A partir de l'hôtel, il nous faut faire un km pour rejoindre le Chemin mais comme on est excentré à l'ouest, nous avons moins de trajet que si nous avions trouvé un gîte au milieu de la ville. Le problème, c'est que l'hôtel ne fait pas petit déjeuner et dans ce coin de banlieue, il n'y a aucun bistrot pour un petit café du matin et la ville suivante est à 11 km. Il nous reste quelques noix du jardin, d'autres graines et raisins secs et de l'eau du robinet : ça fait l'affaire. Nous prenons enfin quelques sandwichs à Tardajos. Chemin faisant, nous rencontrons Florent qui est accompagné par des jeunes rencontrés sur le Chemin. Nous échangeons beaucoup avec lui, sur le départ qu'il a pris dans sa vie et qui semble le mettre en peine. Nous essayons d'ouvrir son espace de vie pour qu'il fasse les meilleurs choix pour lui. Nous n'en dirons pas plus.
L'après-midi, nous découvrons un magnifique paysage très désertique et, à un moment, nous arrivons au sommet d'une petite colline aux pentes très douces et on voit le village de notre gîte, tout là-bas au loin à 4 km, perdu au milieu du doux relief et des champs récemment moissonnés. Une petite route qui serpente y mène, elle est remplie de petits groupes de marcheurs répartis par-ci par-là et qui se dirigent tous vers ce village. C'est assez joli. Nous arrivons dans ce village-rue. On l'appelle ainsi car il est né avec le Chemin il y a 1000 ans : sur le bord du Chemin, un commerce a dû ouvrir pour les pèlerins, puis un gîte, puis une église, puis une municipalité et tous s'installent le long du Chemin, créant ainsi un village-rue. Et maintenant, le village fait un km de long et a pris un peu de largeur en son centre.
Une fois arrivés, nous cherchons un gîte. Le premier est complet, le deuxième aussi, le troisième est ouvert, apparemment assez moderne et nous accueille. C'est un "point de rencontre" de plusieurs personnes que nous avons rencontrées sur le Chemin : Jean, Vincent, nos amis les ténors suédois, une coréenne répondant au prénom de Guioumine (ou quelque chose qui ressemble à notre épice, le cumin).
L'albergue propose un dîner standard. Plus d'une vingtaine de personnes se retrouvent autour d'une grande table. Et ça parle toutes les langues autour de cette table mais surtout l'anglais comme chacun peut ! Parfois en franglish ou en spanglish, bref c'est bruyant et joyeux...
Nous pensions que les 2 suédois devaient arrêter bientôt pour reprendre l'avion pour Madrid puis Stockholm mais notre anglais étant très approximatif, nous n'avons peut-être pas bien compris leurs paroles : ils sont là aussi. Le gîte est compartimenté en 6 dortoirs de 7 lits superposés. Les deux suédois qui, vous l'avez compris deviennent notre hantise, dorment dans un dortoir voisin. A priori, la nuit va être calme... Sauf que, les ronfleurs ne le portent pas sur leur visage et sont partout... Nous en avons deux à notre insu dans notre petite pièce de 14 lits (7 superposés). L'un d'entre eux prévient quand même que, lorsqu'il ronfle, il se réveille tout de suite pour éviter de déranger. Nous lui dirons le lendemain que son stratagème n'est pas très efficace. L'autre ne dit rien et nous laisse la surprise de la découverte de l'intensité de son chant nasal dans la nuit. Donc, c'était concert cette nuit, un duo auquel Pierre Henry n'aurait pas pensé : "Musique de chambre pour groins et soupirs"... Vers 4 heures du matin, à force de ne pas dormir, nous partons avec nos duvets et nos oreillers sur les futons des banquettes du salon à l'étage inférieur. En passant devant la porte bien fermée d'un autre dortoir, nous reconnaissons le dortoir des vibraphones suédois. Nous avons pu passer un bon moment de repos à peu près serein, entrecoupé par les gens peu discrets qui claquent les portes des toilettes à l'étage puis, vers 6 heures, avec les premiers randonneurs avides de kilomètres qui déferlent dans les escaliers.
Le dimanche 9 Octobre 20km : Hornillos Del Camino --> Castrojeriz
Voyant que la nuit était finie, nous regagnons le dortoir pour ranger nos affaires dans les sacs à dos et nous équiper façon esquimau car il fait très froid ce matin : gants en polaire, bonnets en laine, triples couches de vêtements à l'instar des oignons. En plus, nous prenons la lampe frontale car, c'est à peine l'aube et il fait encore très noir. Après cet inventaire des affaires utiles du sac, on ne se demande plus pourquoi ils sont si lourds... Chemin faisant, nous réalisons un petit striptease au fur et à mesure que le soleil monte dans le ciel : ce sera une journée très chaude et nous finirons en short et T-shirt. Nous nous retournons de temps en temps pour contempler le lever de l'astre du jour sur le Chemin, puis nos ombres très allongées qui rétrécissent lentement au fil de la matinée : elles semblent fondre comme la neige au soleil. Nous nous amusons de la longueur des jambes dans l'ombre du soleil naissant : nos ombres pourront faire de plus grands pas que nous....
En tous cas, une chose est sûre : Chrislaine ne voudra en aucun cas dormir en dortoir ce soir avec le risque des fanfares nocturnes. Certains nous disent que c'est à nous d'aller dormir ailleurs, il faut laisser les gens ronfler, ce n'est pas leur faute. Mais ce n'est pas notre faute non plus si les gens ronflent. Ce n'est pas non plus notre faute s'il y a des gens agressifs suite à une mauvaise nuit : la tolérance doit être partout ! Mais c'est plus difficile à comprendre...
Je cherche donc une chambre pour deux personnes pour passer une bonne nuit dans un autre village-rue au pied d'une colline avec un château en ruine à son sommet : Castrojeriz. Je cherche désespérément, toutes les chambres doubles sont prises d'assaut et tout est complet. J'appelle pourtant tous les gîtes référencés dans le Miam-dodo et dans Gronze.com mais c'est sans succès. J'annonce la mauvaise nouvelle à Chrislaine quand une personne nous dépasse : une dame d'un certain âge qui marche d'un petit pas alerte et décidé. C'est Anick, une bretonne accompagnée d'une amie qui marche bien plus lentement qu'elle et avec qui nous avions sympathisé hier. Elles marchent chacune à leur rythme et se retrouvent au gîte le soir. Anick nous dit : << Vous êtes Jean-Michel ? >> Ce que c'est que la célébrité... << C'est mon amie Odile qui m'a parlé de vous ! >>. Et là, la lumière se fait : je ne suis pas célèbre : Anick est l'amie de Odile. << Excusez-moi, dit-elle, j'ai surpris votre conversation et je peux vous conseiller : nous avons réservé dans un gîte qui a des chambres doubles , ou triples ou plus. Nous, nous avons pris les moins chères mais il y en a avec salle de bains et WC ! >>. Je regarde incrédule Gronze.com. Je n'avais pas appelé ce gîte car la présence de chambres particulières n'est pas indiqué, il n'y a que des dortoirs. Elle insiste : << Appelez, après tout, vous ne risquez rien ! >>. Bon, bon, vu son insistance, j'appelle le gîte et là j'ai la surprise d'avoir une réponse positive : oui, il y a une chambre particulière avec douche et WC pour 35 euros pour deux personnes (ou plus) ! Quelle Providence cette dame qui passe là, juste au bon moment de notre conversation pour nous donner la bonne information qui n'existait même pas dans les documentations de référence, ni dans mes rêves les plus fous : une chambre pour nous deux, au calme.
Du coup, l'esprit est détendu et nous admirons le paysage composé de petites collines déplumées avec quelques tâches très éparses de bosquets de verdure et toujours ce petit chemin qui serpente au milieu de cet espace. Puis nous passons ensuite sur une ligne de crête bordée de petits arbres rachitiques avec une belle vue dégagée sur la vallée. Nous arrivons à Hontanas, nous allons dans un petit bar qui nous sert un café allongé avec de l'eau pour faire "café américain" (café délavé), un verre de jus d'orange qui a été coupé avec de l'eau et un croissant très sucré. Tout ça pour 10,50 euros pour deux : une honte en Espagne !
Nous passons devant les ruines d'un vieux couvent où il y a autant de photographes que de marcheurs : le couvent Saint Antoine. La route passe sous les arches de l'église. C'est assez curieux, ces restes de ce qui fut autrefois un bâtiment majestueux. Il y a là un Christ en fer (en 2 mots) accroché dans les restes de la nef.
Nous arrivons au gîte et l'hospitalier nous reçoit. Nous lui tendons un billet de 50 euros mais il n'a pas de monnaie. Comme tous les gîtes, il ne prend pas la carte bancaire non plus. Il y a une solution : nous allons faire quelques achats car nous allons profiter du fait qu'il y a une cuisine libre pour faire notre popote nous-mêmes. Du coup, nous laissons nos sacs et partons faire nos courses dans une épicerie pour avoir la monnaie du billet : du jambon cru, des haricots coco en conserve, du fromage, du pain dont les prix baissent au fur et à mesure que nous achetons, la vendeuse finira même par nous donner des vieux poivrons un peu flétris. En revenant au gîte, nous payons avec la monnaie et nous nous apercevons que nous avons oublié les oranges pour faire un jus le lendemain matin, nous revenons sur nos pas mais le magasin vient de fermer : c'est dimanche après-midi. Il y a un autre épicier plus loin dans le village. Nous y allons. J'ai la mauvaise idée de prendre quelques mandarines (il n'y avait plus d'orange) et une boîte de thon à l'huile, tout ça pour 5 euros ; la boîte de thon, je l'ai retrouvé quelques jours plus tard dans un supermarché d'une grande ville pour 1,50 euros. J'ai acheté des mandarines très chères : il faut bien gagner sa vie le dimanche après-midi sur les gens de passage... D'un autre côté, ce sont les pèlerins qui les font vivre et les vendeurs espagnols viennent de passer deux années sans personne à cause du Covid. Du coup, ils se rattrapent... sur nous.
En tous cas, nous ne regrettons pas le gîte : nous sommes un peu surpris, l'accueil est au rez-de-chaussée et l'hospitalier nous emmène par un escalier descendant : les caves ? Et non, c'est une belle chambre ensoleillée car la maison est à flan de colline, avec vue sur un jardin qui sert surtout de basse cour, avec 3 beaux lits, une belle douche, un WC privé (idéal pour les besoins nocturnes), un double lavabo, tout ceci très rustique mais très propre, une des plus belles chambres que nous avons eues, un paradis. En revenant des courses, nous avons sommeillé un peu, écrasés par une journée de chaleur après une nuit sans repos. Avec ce petit entrainement au sommeil, la nuit a été encore plus intense. Comme on dit en Corse : << une petite sieste et hop, vite au lit ! >>
Le lundi 10 Octobre 18km : Castrojeriz --> Boadilla del Camino
Le matin, il n'y a pas de bar ouvert alors nous grignotons un sandwich à la banane, arrosé d'un petit jus de mandarines acidulées mais excellentes. Nous rencontrons au détour d'un couloir notre ami Florent qui était aussi dans ce gîte, côté dortoir. Nous sommes très heureux de nous retrouver. Nous allons probablement nous quitter dans la journée car il veut faire une étape plus longue jusqu'à Fròmista, à 25 km de là. Mais Chrislaine souffre de son dos et, même dopée au paracétamol, elle a du mal à supporter la charge de son sac ; nous préférons nous arrêter au village à 20 km d'ici, à Boadilla Del Camino.
Ce matin, il y a une belle montée à 12 % sur 1 kilomètre. C'était bien fatigant mais heureusement, ça a été vaincu du matin donc au frais. En montant, Chrislaine remarque que la colline est envahie de touffes de bleuets ou d'asters bleus du pays. C'est très beau et ça permet de penser à autre chose qu'à ce fort dénivelé. En arrivant en haut le premier, je l'attends en faisant une haie d'honneur avec mes bâtons. Ça a fait rire quelques personnes qui s'étaient arrêtées là pour souffler après cette épreuve d'endurance.
Nous rencontrons à nouveau, le ronfleur qui essaye de se retenir et avec qui nous avons eu un petit démêlé. Il est toujours un peu difficile à l'écoute. Emporté dans ses idées, il n'offre pas de possibilité de discussion. Ecouter, c'est offrir un espace de parole à l'autre, sans jugement, sans intervenir avec son vécu, son ressenti, ses idées. Nous essayons de lui exprimer en chemin et il part un peu bougon en disant qu'il allait méditer tout ça en marchant. Nous le retrouverons quelques jours plus tard, il aura un grand sourire et nous serrera chaleureusement la main mais je ne suis pas vraiment sûr qu'il ait compris ce que je voulais lui faire comprendre.
Les paysages se succèdent, toujours différents d'une journée sur l'autre, avec des nuances imperceptibles ou violentes. Le changement d'une région à l'autre se voit lorsque l'on se remémore les paysages d'avant hier, c'est assez curieux de constater qu'au départ, il y avait des vignes, des oliviers qui ont progressivement céder la place à des forêts, puis les espaces boisés ont disparu à leur tour au détour d'un village, d'une colline et voilà de vastes étendues désertiques de champs céréaliers moissonnés aujourd'hui inondés de soleil et plongés dans une forte sécheresse. Et là, un joli pont, au milieu de nul part, soutenu par de belles arcades, cache un vrai trésor, une jolie rivière très large à cet endroit qui fait une oasis pleine d'arbres et de plantes des marais. Nous retrouverons une photo prise de haut avec un drone de ce magnifique pont dans une église le lendemain soir.
Le midi, nous trouvons une épicerie qui nous vend un sandwich jambon-fromage qui était bien copieux. Nous le mangeons sur la terrasse de l'épicerie. Nous buvons l'eau de nos gourdes. Elles sont remplies de d'eau en bouteille car je n'aime pas le goût du traitement des eaux du robinet.
En début d'après-midi, nous arrivons dans un gîte plein de dortoirs et de chambres particulières. Nous y rencontrons les amis suédois qui ont eu la sagesse de prendre une chambre particulière, Anick et Odile qui sont aussi en chambre particulière, Vincent qui était au bar mais que nous n'avons plus revu (il a dû faire l'étape jusqu'à Fròmista comme Florent). Il y a 2 dortoirs en bas. Nous arrivons avec un petit groupe d'hommes. Il prend tout le groupe sauf nous et l'installe dans le premier dortoir à gauche et il nous indique le second dortoir à droite, rapproche 2 lits superposés pour que nous soyons ensemble côte à côte ; charmante attention. Le seul petit souci c'est que les lits du dessus étaient assez bas car la pièce n'est pas très haute : il y a une mezzanine qui contient aussi une belle rangée de lits et de tatamis accessibles avec un escalier de meunier très incliné où les marches sont creusées alternativement pour pouvoir accéder à la marche inférieure (un vrai casse-gueule si on n'est pas synchro !). Donc, en période d'affluence, on entasse... Nous installons nos affaires dans ce grand dortoir vide. Puis nous nous dépêchons de faire une petite lessive car le soleil décline déjà. Hé oui, c'est déjà octobre, le linge a du mal à sécher d'autant plus que tout le monde a eu la même idée et tous les étendoirs sont complets. Quand nous revenons à nos lits, il y a plein de lits occupés dans notre dortoir. A la fin de la journée, il ne restera que 4 lits libres (dont nos 2 lits superposés) et une personne se trouve en mezzanine. La nuit a été calme, Chrislaine n'a pas entendu de ronfleur. Moi, j'en ai entendu un... ou une...
Le repas du soir a été servi sur de grandes tables. Nous étions en compagnie de deux boulonnais et nous avons bien discuté en arrosant les conversations du petit vin de la région.
Le mardi 11 Octobre 19km : Boadilla del Camino --> Villalcàzar de Sirga
Le matin, je me réveille avec un léger mal de cheveux... Allez donc savoir pourquoi ! Heureusement, un bon petit déjeuner nous attendait avec beaucoup de pain pour une fois. Rien de tel qu'un bon petit déjeuner pour commencer une journée de marche avec joie. Ce gîte-resto-hôtel était vraiment bien. Nous avons payé 25 euros par personne pour le bon repas du soir, le couchage et le petit-déjeuner.
Nous voilà partis joyeusement, suivant le chemin de halage d'un canal (le canal de Castille) qui tranche avec la sécheresse de la veille, une ligne droite à perte de vue. Curieusement, il n'y a personne ni devant nous, ni derrière nous, seules les balises du chemin de Saint-Jacques, flèche jaune sur fond bleu azur, nous confirment que c'est le bon chemin. Au bout du canal, le Chemin passe au dessus de l'écluse et débouche dans la ville. A la sortie de la ville suivante, il y a deux chemins possibles : le court au bord de la route, le long qui parcours la campagne. Comme nous, tout le monde s'arrête et interroge son téléphone portable, ses notes, ses cartes... Comme il y a très peu de voiture, nous prenons le Chemin court comme environ 10% des gens.
Pour ce midi, nous optons pour le pique-nique parce que, comme disait Florent hier, manger des tapas, des tortillas et des bocadillos (sandwichs), il y en a assez. Ça va un temps mais le corps a besoin de vitamines. En passant à Fròmista, un petit supermarché commence à ouvrir, nous sautons sur l'occasion pour acheter du fromage, du jambon, du pain (finalement de quoi faire des sandwichs), une demi-bouteille de vin ... Ah oui, pour les vitamines, un paquet de tomates cerises et une petite boîte de piments bien tentants sur la photo de la boîte. Hélas, la boîte de piment se révéla contenir du piment en poudre, mais rien ne l'indiquait. Il était excellent mais pas vraiment idéal pour mettre dans un sandwich. La boîte pesait 75 gr, je la transporterai au fond de mon sac pendant tout le voyage... Des fois, on s'embête bien pour 1,35 euro.
Juste avant le village de Revenga de Campos, il y a une petite aire de repos pour les pèlerins. Nous profitons que 2 personnes libèrent un banc pour nous installer pour le pique-nique. Et soudain, plusieurs marcheurs arrivent dont un grand homme qui mesure près de deux mètres et qui arbore une belle barbe rousse. En plus, il a du avaler un tonneau qu'il tente de cacher désespérément derrière sa ceinture. Il nous fait penser à ces grands irlandais ou écossais. Nous pensons qu'avec une telle caisse de résonnance, les ronflements doivent s'entendre à plusieurs chambrées autour de lui. Où va t-il sévir ce soir ?
A priori pas dans notre dortoir. Nous trouvons un petit gîte où nous aurons une nuit calme auprès de toutes nos connaissances du Chemin : Florent, Anick et Odile, nos amis anglais et puis de nouvelles personnes, un couple, Michèle qui est un peu plus indépendante, et Christopher que nous retrouverons ensuite tout au long du Chemin. Florent a réussi à trouver une chambre particulière pour lui tout seul et pas trop chère. Anick et Odile ont eu aussi une chambre pour deux.
Nous visitons, après une petite obole, une petite église, son luxueux retable, ses statues, etc... et dans un coin une petite vidéo de la région qui nous permet de voir en hauteur à partir d'un drone, le château en ruine de Castrojeriz, le canal de Castille, le grand pont aux arcades de Itero de la Vega, ce village et sa belle église. Je fais des photos de la vidéo...
Nous dînons ensemble dans le petit restaurant qui jouxte le dortoir. Les tables sont restreintes et nous décidons de faire 2 groupes : les anglophones et les francophones. C'est dommage disent certains. Oui mais pour les anglais qui ne parlent pas le français et les français qui ne parlent pas l'anglais, ça permettait à tout le monde de suivre toutes les conversations. A la fin du repas, notre ami Martin vient à notre table : << What about the mushrooms ? >>. Nous ne comprenons pas bien : il n'y avait pas de champignon dans le repas, veut-il dire autre chose ? Et là dessus, il rit : << That's a joke ! (c'est une blague) >>. C'est de l'humour anglais, à la façon des Monty Python... La nuit a été particulièrement calme, sans ronfleur, une belle nuit réparatrice.

6/10 Chemin dans la nature

6/10 Jugement dernier : on a le droit de se baigner nu

6/10 Le Cloître à San Juan

6/10 La Méséta (désert hispanique) dans le réfectoire

7/10 Brumes matinales

7/10 Chemin dans la Méséta

7/10 Burgos

7/10 Cathédrale de Burgos

7/10 La Cathédrale de Burgos

7/10 Dentelle de pierre...

7/10 Cathédrale de Burgos Choeur en bois sculpté

7/10 Statues d'enfants à Burgos (bises pour Kathleen)

7/10 Burgos : la cité du pèlerin

7/10 Une ampoule : c'est clair !

8/10 Vers Hornillos Del Camino : le désert

8/10 repas du soir à Hornillos : tout se dit en spanglish

9/10 Sur le Chemin du soleil et des étoiles

9/10 Ancien monastère qui traverse la route

9/10 Christ en fer dans le monastère en ruines

9/10 Arrivée au paradis : une chambre pour 2 à Castrojeriz

9/10 Un autre coin du paradis à Castrojeriz

10/10 Au petit matin

10/10 Colline d'asters bleues

10/10 Dortoir avec mezzanine

10/10 Intérieur du gîte dans un pays d'artistes

10/10 Symbole phallique ?

11/10 Bord de canal

11/10 Eglise de Villalcàzar

11/10 Eglise de Villalcàzar vue du haut... Très difficile à prendre pour un piéton

11/10 Préparation du lendemain
Troisième semaine
Le mercredi 12 Octobre 24km : Villalcàzar de Sirga --> Calzadilla de la Cueza
Aujourd'hui, nous n'avons pas le choix : il faut faire 24 km puisqu'il n'y a pas de gîte avant ! Chrislaine ne voulait pas porter son sac sur une aussi longue distance. Donc, nous faisons porter mon sac de 14 kg et je porte celui de Chrislaine de 6 kg avec l'eau : je me sens avoir des ailes. Le dos de Chrislaine commence à aller mieux, elle a arrêté sa dose de paracétamol du matin. Cela faisait 6 jours qu'elle en prenait. Moi j'ai toujours le nez qui coule depuis 10 jours. Je n'étais plus enrhumé depuis des années ou très peu, pour une durée de 2 ou 3 jours maximum. Là, je consomme au moins un paquet par jour, je deviens addicte : il faudrait que je diminue ma consommation mais c'est plus fort que moi !
Nous prenons quelques belles photos du lever de soleil sur le village. Il suffit de se retourner et de contempler cette oeuvre naturelle, changeante et d'une beauté incomparable. Le noir passe au bleu roi, puis à l'oranger, puis au bleu gris avec des reflets roses dans les nuages, puis au bleu azur.
Nous passons dans une zone où les corbeaux pullulent, ils croassent en nous accompagnant le long du Chemin. Quand on a vu le film d'Hitchcock "Les Oiseaux", c'est quasiment angoissant, probablement un réflexe de peur conditionné par le film... Il y a aussi la "Mort aux Trousses", car nous sommes dans la brume matinale que le soleil fait lever, dans ces étendues immenses de plaines nues, avec une rare voiture que l'on entend de loin et qui apparaît au dernier moment, sortie du brouillard : elle ne s'arrête pas, elle continue sa route. Il y a aussi au loin les villages dont les plus hauts toits émergent de la ouate qui les enveloppent. Une atmosphère étrange devant nous et un doux soleil derrière nous... Nous devrions marcher à reculons.
Ou peut-être pas ! En marchant, Chrislaine qui a une mauvaise vue et voit tout, aperçoit sur le Chemin, un bout de tuyau qui attire son regard, elle m'en parle. Moi qui ai une meilleure vue mais ne sais pas m'en servir, je n'ai rien vu. Je reviens sur mes pas et je vois ce bout de tuyau que j'identifie à un tuyau de gourde que l'on place dans le sac à dos et qui sert à boire des petites doses sans défaire le sac. Le tuyau a été récemment perdu car il n'est pas abîmé, presque neuf. Je me dis qu'il faut le ramasser et nous retrouverons peut-être le propriétaire... Après tout, les lunettes de Geneviève ont eu un coup de chance ; et en plus, ça ne pèse pas bien lourd... Je l'enroule autour de mon bâton de marche et nous faisons le Chemin ensemble.
Voici déjà les 6 premiers kilomètres avalés, nous arrivons à Carrìon de los Condes (en français : le Carrosse des Comtes). Je passe dans les bars du Chemin et montrant l'objet perdu : << C'est à qui ? >>. Beaucoup de réponses négatives mais je suis obstiné. Au bout du 4ème bar, je commence à désespérer. Près d'une épicerie, je vois Florent et puis Anick et Odile. Je leur pose la question et là, Anick a un petit doute. << Il ressemble au mien mais ce n'est pas possible qu'il soit tombé...>> Elle regarde son sac à dos. Et si ! c'est bien son bout de tuyau : encore un coup de la Providence... Anick avait acheté une gourde neuve qu'elle trouvait pratique parce que justement le tuyau pouvait se détacher sans que la gourde ne fuit ; ainsi, la gourde devient indépendante et son remplissage est d'autant plus facile. Anick est bien contente car notre étape du jour est de 18 km (il y a tout de même la présence hypothétique d'un camion-bar à mi-chemin). Sans eau, elle était mal partie ! Bref, tout se passe bien sur le Chemin !
A Carrìon de los Condes, j'aperçois une petite église (Santa Clara), je tente la visite. Malheureusement, la visite est suspendue durant l'office. Ils en sont à la communion. Je vois quelque chose qui me surprend beaucoup. Le prêtre s'avance au fond de l'église près d'une grande grille de fer derrière laquelle se tiennent plusieurs nonnes. Avec une clé, la mère supérieure ouvre une petite trappe aménagée dans la grille à hauteur de visage et une dizaine de nonnes se succèdent pour prendre la communion. A la fin du défilé, la mère supérieure reçoit aussi la communion puis referme la trappe à double tour et le prêtre continue son oeuvre sacrée au milieu des fidèles. Quelle idée de se faire enfermer ainsi ! Certaines nonnes sont assez jeunes et toutes chantent la Messe dans un joli timbre de voix. Je savais que ces ordres religieux contemplatifs existaient en France jusqu'au milieu du siècle précédent mais ici, en Espagne, ça existe toujours. Bien surprenant !
Voici un moment que nous ne voyons plus Guyoumine sur le chemin mais d'autres coréennes l'ont remplacée. Malgré la grosse chaleur, deux jeunes femmes avancent sur le Chemin. Elles sont protégées du soleil de la tête aux pieds : des chemises aux longues manches, des gants blancs, une écharpe au cou, un masque qui remonte jusqu'aux yeux et un chapeau enfoncé jusqu'aux sourcils. Bref, on voit qu'elles sont coréennes parce que leurs yeux sont bridés... Elles parlent anglais mais avec un accent typiquement asiatique : ça ne facilite pas ma compréhension... Il y a aussi une autre dame coréenne un peu plus âgée et moins couverte, peut-être leur mère ? Elle était dans notre dernier dortoir. J'ai un peu de mal à comprendre son accent aussi. Elle me demande quelque chose, Je crois comprendre : les fleurs dans le fossé sont elles comestibles?... Je doute de ma compréhension... Il y a bien des points blancs sur les plantes et en m'approchant, je distingue que ce sont des petits escargots ! Ai-je bien compris ? Apparemment oui, elle approche sa main de sa bouche ! J'essaye de lui faire comprendre que non car ils pourraient avoir mangé des plantes toxiques, il faut les faire jeûner avant. Je reste dubitatif : les aurait-elle mangés crus ?
Le midi, après une longue et interminable ligne droite poussiéreuse sous le soleil, nous trouvons enfin une table et 2 bancs en béton sur le côté du Chemin. Nous nous sommes assis dos au Chemin pour ne pas avoir le soleil dans les yeux. Nous avons mangé un énorme pique-nique qui devrait nous permettre de tenir deux jours. Au moins, il n'y a pas de reste à porter... Puis au moment de repartir, arrivent Jeanne et Rose. Elles nous demandent si nous voulons un café ? Pas un thermos de café, mais un vrai café frais ! Rose sort de son sac, un réchaud à gaz, une casserole alu et commence à faire chauffer l'eau. C'est l'avantage de ne pas porter tout son sac, on peut prendre les choses pour notre confort. Nous avions trop bien mangé et bu, et comme nous sommes prêts à partir, nous déclinons l'invitation.
Nous arrivons au gîte où nous retrouvons notre sac. Nous nous lançons dans une petite lessive. Dans ces journées de fortes températures, les vêtements en ont besoin. Il y a un restaurant dans le village qui accueille tous les pèlerins des gîtes environnants. Le patron se félicite d'ailleurs d'avoir eu sur son livre d'or, une dédicace de Madame Macron en personne et le présente à tout le monde. Je vois très mal l'épouse de notre président faire le Chemin et encore moins manger dans ce petit restaurant perdu au milieu de nulle part. Mais bon, les homonymes existent aussi et cet homme est fier de présenter son livre d'or aux français. Par la suite, beaucoup d'autres pèlerins nous diront l'avoir vu (pas Madame Macron mais la dédicace du 12 juin 2022)...
Nous avons pris par hasard le premier gîte du village. Le dortoir du gîte est au premier étage et ressemble à une grosse boîte de sardines avec des lits serrés les uns contre les autres et il était presque complet. Nous y retrouvons Christopher et nos amis anglais et pleins d'inconnus et inconnues. Mais durant la nuit, je vérifie que je suis bien dans un lit car l'ambiance sonore ressemble plutôt à une porcherie qu'à un dortoir paisible. J'avais eu la même impression il y a une vingtaine d'années lors d'une nuit sous la tente, en camping en pleine nature alors qu'un groupe de sangliers broutait autour de la tente juste au niveau de mes oreilles : juste un petit bout de toile me séparait des animaux. Décidément, le sommeil de tous repose (si je peux dire) sur l'intensité des ronflements d'un petit nombre de personnes. Tout le monde à tendance de temps à autre à pousser un petit grognement léger, calme, juste pour donner un fond sonore rassurant. Par contre, d'autres sont vraiment des professionnels du décibel et poussent la sono à fond : trois ou quatre personnes dans un grand dortoir de 32 personnes suffisent pour pourrir la nuit de tous les autres. Je ne suis pas le seul à ne pas dormir au vu des nombreuses petites lumières des portables qui sont allumées dans les lits. Le boucan a énervé plus d'une personne : en pleine nuit, un homme s'est levé bruyamment, a ouvert la lumière des toilettes sans refermer la porte, puis, après quelques bruits de chasse, a claqué toutes les portes qu'il trouvait... Le matin à 6h, même scénario, et en plus, il s'est mouché avec un bruit de trompette abominable. Comme le volume sonore dans la pièce n'a pas diminué après son concert, il n'a dû réveiller que ceux qui ne dormaient pas...
Le jeudi 13 Octobre 24 km : Calzadilla de la Cueza --> Sahagùn
Nous nous sommes levés tôt et sommes partis assez vite dans le froid matinal (7°) pour arriver à 100 mètres de là pour prendre le petit déjeuner dans le restaurant où nous avions été hier. Nous avions le choix entre le menu copieux à 7 euros ou le menu simple à 3,50 euros par personne. Nous prenons la version de base avec un café et un croissant médiocre. Madame Macron n'a pas dû prendre celui-là.
Nous partons à la lumière de la lampe frontale car le soleil est loin d'être levé. Aujourd'hui, c'est encore une grosse étape de 24 km. Je fais encore porter mon sac aujourd'hui. Le dos de Chrislaine commence à aller mieux mais "qui veut aller loin ménage sa monture". Nous sommes en plein dans la Méséta, le grand plateau désertique ibérique. Nous commençons par 6 km de ligne droite avec très peu d'ombre et Chrislaine ressemble de plus en plus à un clown avec son nez qui rougit au soleil. Le bandana n'est pas suffisant, le nez dépasse. Dans le village suivant, par chance, malgré que ce soit un jour férié (fête nationale espagnole comme notre 14 juillet), une boutique de sports est ouverte et Chrislaine trouve des chapeaux à foison. Son côté esthétique lui fait choisir un chapeau de paille, la raison lui fait acheter un bob qui protège du soleil et de la pluie. Nous allons pouvoir faire sereinement les prochains 18 km de ligne droite désertique...
Nous avons croisé une dernière fois Anick et Odile qui vont faire un peu moins de kilomètres aujourd'hui car Odile est un peu fatiguée, elles arrivent près de leur but, Leòn et elles ont un peu d'avance : elles vont ralentir le rythme.
Nous arrivons à Sahagùn vers 13 heures. Nous passons sur le côté de la gare et nous voyons nos amis suédois en train de pique-niquer sur un banc de la gare en attendant leur train. Nous leur faisons de grands signes "au revoir" et nous continuons notre chemin. Nous sommes assez fatigués par la chaleur : heureusement que je ne portais pas mon sac !
Après la nuit précédente qui n'avait pas été calme, nous avons besoin de repos. Dans la matinée, nous voulions réserver une chambre double pour le soir mais c'était souvent complet. Il ne restait qu'un gîte possible à 20 euros pour deux mais il ne répondait toujours pas après plusieurs mails et messages. Mieux vaut tenir que courir : je trouve un petit hôtel par Booking pour 37 euros. Je réserve la chambre et bien sûr, dès que j'ai l'accord de Booking, je reçois l'accord de l'albergue à 20 euros : la Providence n'est pas toujours au rendez-vous, dommage...
Nous arrivons à l'hôtel. La chambre de l'hôtel est assez coquette avec une fenêtre sur rue : finalement très bien pour le prix. Après la douche, nous partons à la recherche d'un restaurant et en profitons pour faire un peu de tourisme : une belle petite ville avec une belle église fermée, San Lorenzo, à l'architecture qui oscille entre l'art musulman et l'église romane avec une tour minaret. Il y a une autre petite église dont l'entrée est payante mais il est un peu tard pour visiter et nous préférons flâner dans les rues. Les restaurants sont un peu chers, entre 12 et 15 euros. Et nous ne sommes pas prêts à manger encore au restaurant : il y a trop de viande et peu de légumes. Dans un précédent restaurant, nous avons eu 3 grosses tranches de viande pour une dizaine de frites : nous préférons le contraire, non pas 3 grosses frites une dizaine de tranches de viandes, mais plutôt beaucoup de légumes. Nous trouvons un petit supermarché plein de fruits et légumes. C'est vraiment tentant, surtout que les prix sont très bas contrairement aux épiciers des petits villages. Nous décidons de faire une petite dînette dans la chambre. Il y a aussi des turròns (spécialité espagnole aux amandes et miel) et pleins de choses qui vont nous changer de notre ordinaire : le restaurant. Bref, nous revenons avec un gros sac de provisions. Demain, le sac à dos sera lourd pour le pique-nique !
La nuit se passe bien... jusqu'à 6 heures du matin. Nous sommes réveillés par des coups que l'on frappe quelque part dans l'hôtel. Puis plus rien. Quelqu'un a dû faire tomber quelque chose. Je me retourne et essaye de replonger dans le sommeil. Nouveaux bruits sourds comme des coups tapés dans une cloison ou plutôt un mur. Une première fois, ça pouvait être une maladresse, deux fois, c'est volontaire. Puis le silence, on attend un certain temps la suite et effectivement, ça recommence et ça recommence. Mon sang ne fait qu'un tour, je chausse un slip (ben oui, je dors à woilpé), je sors de la chambre, je suis seul dans le couloir. Les bruits viennent du rez de chaussée, je m'aventure dans les escaliers je distingue une personne derrière la porte d'entrée de l'hôtel. C'est lui qui tente d'ouvrir cette grande porte en fer vitrée qui par malheur se trouve juste en dessous de notre chambre. Il donne des coups désespérés dedans. Il me voit dans les escaliers et me fait des grands signes. J'approche et mets mon index sur la tempe : il faut être fou pour taper dans cette porte. Désespéré, il me montre une clé qui apparemment ne va pas. Dans mon brouillard matinal du dormeur privé de ses beaux rêves, il me semble effectivement reconnaître la personne qui nous avait accueillis hier. J'ouvre la porte de l'intérieur. Il me remercie autant que je l'insulte à peu près poliment (de toutes façons, il ne comprend pas le français) et je lui présente mon dos fort dévêtu en remontant les escaliers. Je retourne me coucher mais ne redormirait pas. Pas de chance, deuxième nuit sans un bon sommeil réparateur ! C'est bien la peine de prendre un hôtel ! Je ne suis pas une bête de somme que l'on réveille quand on a besoin d'elle, je suis un homme avec besoin de somme...
Le vendredi 14 Octobre 18 km : Sahagùn --> El Burgo Ranero
Quand nous partons de l'hôtel, je croise encore le réceptionniste qui semble s'excuser et me remonte encore sa clé qui ne va pas. Je lui réponds que je n'y étais pour rien et j'aurai préféré dormir. Bon, ce n'est pas très gentil mais la fatigue commence à s'accumuler et ça me rend un peu agressif. Nous essaierons d'avoir à nouveau une chambre pour 2 ce soir.
Nous sommes partis tard car le supermarché ouvre à 9 heures. J'y prends des croissants tout frais, un jus d'orange naturel pressé juste devant mes yeux, un café frais en conserve pour le petit déjeuner, tout ça pour moins de 8 euros. En plus, nous prenons , une salade et des wraps pour le midi, des fruits qui sont finalement un peu lourd mais nous en avions besoin : des bananes des Canaries et des pêches melocotons qui ont la consistance des pommes.
Avec ces achats, nous partons un peu tard mais ce n'est pas grave, il n'y a pas beaucoup de kilomètres aujourd'hui. Nous ne rencontrons personne sur le Chemin : tout le monde est déjà parti depuis belle lurette. Nous ne rencontrons que la dame toujours habillée en rose bonbon et son inséparable copine. Un peu fortes, elles avaient joué les barytons dans la chambre la nuit précédente. On sait qu'elles en faisaient partie de l'ochestre car la dame en rose avait déjà commencé son échauffement nasal lors d'une petite sieste l'après-midi en arrivant.
Il faut savoir que nous marchons sur un chemin élastique ou alors les bornes kilométriques sont aléatoires. On nous fait tourner en rond ou prendre des raccourcis non signalés ! Sur les bornes balisant le Chemin vers Santiago, il y a maintenant le nombre de kilomètres restants. Avant Sahagùn, il y avait 376km, nous faisons 2 km et nous trouvons une nouvelle borne avec 380km. Nous faisons à nouveau 5 ou 6 km en sortie de Sahagùn, nous lisons 315 km. Bref, nous savons maintenant qu'il ne faut pas se fier aux indications sinon ça décourage.
Il y a de belles forêts toutes nouvelles avec des arbres aux couleurs de l'automne. Les feuilles d'un même arbres sont partagées encore de chaudes couleurs vertes mêlées à des couleurs jaunes lumineuses. Il n'y a pas vraiment de couleurs intermédiaires, ce qui fait un beau damier sauf le sol qui est tapissé de la couleur orangée des feuilles déjà tombées.
Dans les bistrots, depuis le début, nous prenons des sodas type Fanta ou autres marques similaires (ça me rappelle mon enfance). Cependant, maintenant en Espagne (et, je l'ai su après, en France aussi), ils mettent des édulcorants dans les boissons sucrées. Déjà, ça laisse un mauvais goût de sensation sucrée dans la bouche mais en plus, ça agit sur les intestins différemment suivant les individus : certains se resserrent, d'autres s'ouvrent, je ne ferai pas plus de description. Nous préférons avoir du vrai sucre, qui est assez vite éliminé avec les efforts que nous faisons et en plus, c'est plus désaltérant.
Nous arrivons dans un petit gîte situé près d'une lagune. << Avez-vous une chambre pour deux ? Oui ? Nous la prenons ! >>, pour 3 euros de plus, il ne faut pas s'en priver après un réveil à 6 heures du matin.. En fait, ce n'est pas une chambre individuelle : c'est un découpage à peu de frais pour faire deux chambres de deux lits séparées par une petite cloison de deux mètres de haut et deux mètres de large, sans porte et l'ensemble séparé du dortoir par une porte coulissante aux poulies rouillées et bruyantes. Qu'importe, au moins, nous n'avons pas de lit superposé et nous avons un semblant d'intimité. Pour aller au sanitaire, il faut ouvrir la porte soit-disant coulissante, traverser le dortoir, ouvrir la porte extérieure, ouvrir la porte des sanitaires ; bref, un défi pour les gens qui aiment la discrétion.
Comme il y a une cuisine disponible dans l'albergue et qu'il y a une petite épicerie bien achalandée et pas trop onéreuse dans le village, nous achetons de quoi nous sustenter. Je repère très vite une bouteille de vin capsulée mais sans étiquette à moins de 2 euros. C'est un petit vin du pays, d'un vigneron du coin. Comme il n'est pas cher, j'en prends 2 bouteilles pour faire un partage avec d'autres personnes qui mangeront dans la cuisine. En plus, il y aura un petit reste pour le lendemain midi.
Dans le village, nous rencontrons les amis anglais en train de finir de dîner dans un restaurant. Nous entrons juste pour leur dire quelques mots amicaux. Rose a l'air d'être bien fatiguée. Elle part assez rapidement pour aller se coucher. Nous finissons la discussion avec Jeanne et Martin puis nous partons voir la lagune au bout du village. De là, nous pouvons voir de belles montagnes vers le nord à environ 20 km, au delà du désert dont nous sommes entourés. Je veux prendre des photos mais il faut zoomer un peu et là, je suis bien déçu car l'appareil photo de mon portable est vraiment pourri en ce qui concerne les photos : Grain assez fort sur les photos au zoom et, finalement des couleurs un peu pastelles par rapport à la réalité. Le rendu n'a pas l'air extraordinaire. Mon ancien appareil un peu trop lent que j'ai donné à Chrislaine fait de bien meilleures photos.
Nous faisons une petite dînette dans la cuisine qui n'a pas de verre, seulement quelques vieilles assiettes et une poignée de couverts dépareillés et branlants. Heureusement que nous avons un minimum de matériel en plastique ultraléger. Encore une des raisons pour lesquelles le sac est si lourd ! Les petits poids font les grands kilos... Nous mangeons quasiment seuls. Dans un coin, une dame seule dine assise à une toute petite table. Je lui propose du vin qu'elle accepte avec un grand sourire. En quittant la cuisine, j'ai donc laissé une bouteille à libre disposition sur la table.
Il y a un nouvel arrivant : un vieil homme de 80 ans qui pliait un peu sous le poids de son sac pourtant pas trop lourd. Il avait l'air de bien marcher. Le pauvre homme n'a eu qu'un lit en hauteur dans le dortoir où il s'est hissé péniblement mais il avait toujours le sourire.
Le samedi 15 Octobre 18 km : El Burgo Ranero --> Mansilla de las Mulas
Aujourd'hui, nous faisons 18 km. Nous essaierons d'en faire le plus possible le matin en raison de la chaleur que nous subissons dans la journée. D'ailleurs, des jeunes italiens du dortoir voisin se sont levés à 4 heures du matin et sont partis dans le quart d'heure qui suivaient. Ils ont été relativement discrets. Il y a des gens qui font 30 voire 40 kilomètres par jour : il faut se lever tôt pour éviter les grosses chaleurs de l'après-midi. Nous, nous n'avons plus l'âge et puis, nous ne faisons pas du rendement, nous voulons marcher en regardant calmement ce qui nous entoure.
Le matin, une personne du dortoir nous dit en nous croisant qu'il avait trouvé des punaises de lit... Bonjour l'angoisse ! Mais nous serons épargnés.
Nous faisons de belles photos du lever de soleil. Les couleurs oscillent entre l'orange et le bleu... mais pas avec mon nouvel appareil. Celui de Chrislaine rend vraiment les couleurs que nous voyons. Nous longeons une route sur plusieurs kilomètres avec peu d'arbres mais le soleil n'est pas encore assez fort pour nous faire peur. Nous passons près d'un village qui s'appelle Villamarco et qui nous donne quelques souvenirs familiaux.
Le midi, nous arrivons dans un petit village, Reliegos de las Matas. Nous croisons les amis anglais qui vont dans un restaurant et nous, nous continuons jusqu'à la sortie du village où nous trouvons des tables et des bancs pour faire notre pique-nique : restes des pois chiches d'hier soir, chorizo, tomates cerises, chips, fromage et bien sûr le pinard ! Comme nous sommes en bordure de chemin, tous les pèlerins nous souhaitent bon appétit en passant, je lève mon verre de vin rouge en criant << Salud ! >> et je me sens obligé d'en boire un peu. Il passe tellement de pèlerins que je vais finir par les voir double... Nos amis anglais passent : << Salud ! >>. Ils demandent : << Is it wine ? >>. Réponse : << Yes, we are french ! >>
La marche l'après-midi sera du coup un peu plus difficile... Il reste pourtant 5,6 km et le sac est bien plus léger... Cependant le poids sur les pieds n'est plus du même côté !
Nous rencontrons 2 femmes arrêtées sur le Chemin. L'une d'elles échange ses chaussures contre des sandales. Nous ne comprenons pas bien pourquoi parce que il fait plutôt un peu frais cet après-midi. Elles expliquent en spanglish (moitié espagnol, moitié anglais) que la plus jeune (probablement la fille de l'autre) a marché dans du brun (déjections en patois du nord) et ça pue. En tentant de nettoyer les chaussures, elles s'en sont mis partout : les mains, les chaussettes... Je leur propose un peu de gel hydro-alcoolique que j'ai parfumé moi-même avant de partir avec un peu d'eau de Cologne. Elles trouvent que ça sent meilleur et ça les désinfecte. En fait, la jeune fille a mis les pieds et les chaussettes aussi dans du lisier que les paysans déversent abondamment dans leurs champs. Il y a des endroits où il y a des odeurs immondes et le pire c'est qu'ils en épandent partout. On dit que ça porte chance mais pas vraiment pour ces femmes !
Les distances sont très relatives. Je m'arrête un instant pour une pause technique. Chrislaine prend mes bâtons et continue à marcher. Quand je reprends la marche, Chrislaine est déjà bien loin. Et quand, au bout de 15 kilomètres, on s'arrête même une minute, c'est toujours un peu difficile de repartir, de reprendre le rythme, mais là, il faut non seulement accélérer pour la rattraper mais en plus, je n'ai pas mes bâtons qui m'auraient aidés en avançant façon marche nordique. Il a fallu qu'elle se retourne et s'arrête pour que je la rattrape et reprendre mes bâtons salvateurs. Le repas était trop lourd ce midi. Finalement, je finis par comprendre ceux qui se contentent d'un fruit pour le déjeuner...
Nous arrivons à un gîte à Mansilla de las Mulas. C'est un gîte à sardines, enfin, je veux dire 2 grands dortoirs à lits superposés bien alignés et resserrés. Nous trouvons 2 lits contigus du bas. Ça m'évitera de faire l'équilibriste à l'étage pour y monter, en descendre, mettre le linge de lit, mon duvet etc.... Malheureusement, l'albergue municipale, qui est moins chère, est fermée pour une raison que j'ignore et du coup, tous les lits disponibles de ce gîte ont été pris d'assaut. Notre gîte affiche complet assez rapidement. Chrislaine et moi auront des voisins dans les lits du dessus. Je récupère une jeune femme de Mexico à qui j'apprends l'existence de la chanson "Mexico" de Luis Mariano. Nous retrouvons encore nos amis anglais qui dorment quelques lits plus loin.
Pour le lendemain, je réserve une chambre pour deux dans un bel hôtel de Leòn pas trop cher.
Nous visitons la ville mais le samedi après-midi, beaucoup de magasins ferment en Espagne, surtout hors saison et c'est pire le dimanche. Il y a un petit supermarché où nous faisons quelques emplettes pour le repas du lendemain midi. Nous achetons quelques turròns (tourrons en français) en parts individuelles. Nous rencontrons les amis anglais et nous leur en proposons pour découvrir. Ils en prennent pour manger un peu plus tard. Je ne sais pas s'ils les ont trouvés bons.
Pour le soir, nous ne trouvons pas un restaurant qui nous plaît. Nous aurions préféré quelques tapas légers, une soupe... Nous mangeons au restaurant de l'albergue, un repas copieux pleins de viandes, entre l'assiette de charcuteries maison qui débordent du plat et les trois énormes tranches de filets mignons, ça a du mal à passer surtout après le repas du midi... tout ça avec un ridicule petit pot de frites pour accompagner. Nous aurions préféré le contraire. Et en plus, c'est arrosé de vin à volonté... Autant vous dire que nous avons passé une nuit difficile.
Nous risquons de ne plus voir les amis Anglais car, demain soir à Leòn, nous repartirons plus tard pour visiter la cathédrale et nous allons prendre du retard sur eux.
Le dimanche 16 Octobre 17 km : Mansilla de las Mulas --> Leòn
Il y a eu des ronfleurs dans le dortoir sur-peuplé. Et d'autres événements, notamment mon voisin de lit, un asiatique, qui s'est redressé à moitié dans son lit en pleine nuit en criant << Yo ko no to ba hi (ou quelque chose comme ça) >> puis s'est retourné et a continué tranquillement son sommeil. Un mauvais rêve... Les anglais ont eu aussi un gros ronfleur dont les bruits ne nous sont pas parvenus.
Le matin, Chrislaine a une surprise en croisant l'asiatique qui s'incline devant elle : a t'il un problème de dos ? Elle comprendra un peu plus tard qu'il la saluait à la façon de son pays... Nous rencontrons aussi pour la première fois Jason, un taïwanais qui nous accompagnera longtemps sur le Chemin. J'ai mis beaucoup de temps à comprendre son anglais avec son accent particulier et mes mauvaises oreilles mais j'ai fini par m'y faire et le comprenait de mieux en mieux. D'autant plus qu'il voyage seul et visiblement, il aime bien discuter. C'est aussi le seul pèlerin que j'ai rencontré qui transporte un mini étendoir rond en plastique rose avec des pinces pour y pendre son linge soigneusement lavé chaque soir.
Le matin sur la route, nous avons trouvé une petite boulangerie qui faisait des immenses croissants. Nous avons été plombés pour la suite du Chemin. Un jus d'orange un peu plus loin a remis du peps dans les jambes. Ce matin, il fait un peu frais à cause du vent, nous avons eu de la chance car c'était à la limite de la pluie. Un soleil sans grande chaleur se montre le midi, juste le temps de faire notre pique-nique dans un petit parc de Leòn.
Nous arrivons à l'hôtel en début d'après-midi, les chambres sont prêtes, nous laissons nos sacs et prenons une petite douche dans une grande douche avant de visiter la ville. C'est un très bel hôtel pour 45 euros, une superbe promotion pour ce coin très cossu.
Nous partons visiter la cathédrale. Evidemment, elle ferme à 15h et il est 14h45. Nous ne pouvons pas entrer. Nous nous promenons en ville. Nous ne pouvons pas repartir sans visiter cette cathédrale grandiose qui a été bâtie au 13ème siècle, par les habitants de ce village de 5.000 âmes à l'époque. Tant pis, nous ferons la visite demain matin avant de repartir et nous ferons moins de km. En se promenant dans la ville, nous rencontrons Michèle, une pèlerine que nous avions croisé au gîte il y a 2 jours. Elle dit avoir attrapé le Covid, du coup, elle mange en terrasse. Elle a trouvé une minuscule petite chambre pour plus cher que nous. Elle est un peu déçue mais comme elle dit, c'est pour une nuit. Nous trouvons aussi un petit restaurant où nous trouvons un apéro extraordinaire : un Xérès de la marque Tìo Pépé largement servi avec des tapas... C'est un vin très sec et très aromatique. Un prix dérisoire.
Le lundi 17 Octobre 11 km : Leòn --> Oncina de la Valdoncina
Le petit déjeuner de l'hôtel est à 11 euros par personne : c'est un peu cher mais c'est à volonté. Nous le prenons. Je vous prie de croire que, quand on dit à un pèlerin qui marche tout le temps qu'il y a un buffet à volonté, le buffet est vide quand il repart ! Nous avons, comment dire... bouffé à tous les râteliers : Fruits, melons, yaourts, viennoiseries, charcuteries, fromages, café, jus d'orange, tout y passe... On a pris une petite réserve juste pour la route fait de 2 bananes, deux petits morceaux de pain.
Nous payons et nous laissons nos sacs à la réception le temps de visiter la cathédrale. Il pleut lorsque nous sortons. Nous arrivons avec 10 minutes d'avance, la visite de la cathédrale ouvre à 9H30. Les gardiens nous font attendre à la grille sous la pluie alors qu'il y a un gigantesque porche devant l'église où nous pourrions être à l'abri. L'Eglise perd un peu de sa charité. Heureusement, nous avons nos capes. Par hasard, l'une est bleue ciel et l'autre jaune. On nous a souvent demandé si c'était par soutien au peuple ukrainien ou si c'était aux couleurs du Camino (Flèche jaune sur fond bleu).
On nous a dit que cette cathédrale, c'est le jour et la nuit par rapport à celle de Burgos. Nous n'avons pas bien compris tout de suite pourquoi. Avec le soleil, c'est un festival de couleurs car il y a près de 18.000 mètres carrés de vitraux dans tout l'édifice et ils sont magnifiques. Malheureusement, aujourd'hui il pleut, l'intérieur est très peu illuminé. Le chœur est très élancé, très impressionnant. C'est autre chose que celle de Burgos. Il y a moins d'œuvres d'art, la beauté se situe dans l'architecture. Pour l'instant, le soleil manque cruellement et les faibles éclairages intérieurs ne mettent pas sa splendeur en valeur.
La visite a été assez courte. Après, nous nous sommes baladés dans Leòn à l'aventure, à la recherche de magasins que Chrislaine affectionne particulièrement.
Nous sommes repartis l'après-midi avec notre petit sandwich et la banane qui nous ont suffit après l'orgie alimentaire de ce matin... En sortant de Leòn, il y a 2 chemins possibles : le court en bord de route ou le plus long en campagne. La route est assez passante mais fait 5 km de moins sur 2 jours de marche. Nous décidons de prendre le plus court avec l'idée de rejoindre les amis Anglais. Après la séparation des routes, il reste 5 km de bord de route pour arriver au gîte pour la nuit. En chemin, une idée me vient soudain : et si j'appelais le gîte pour signaler notre arrivée ? Surtout que je viens de voir sur Internet, qu'il n'y a qu'un seul gîte dans ce village et le suivant est à 9 km après le gîte. J'appelle. Réponse : Fermé pour la fin de saison. Pourtant, il est signalé sur Gronze.com comme étant ouvert jusqu'à fin octobre et en plus, il y a exceptionnellement beaucoup de pèlerins sur le Chemin. Ne cherchons pas à comprendre, j'ai eu un petit coup de Providence en appelant. Nous changeons notre itinéraire, nous prenons le chemin le plus long en prenant soin d'appeler le premier gîte pour savoir s'il peut nous accueillir. Comme nous sommes déjà bien engagés de plus d'un kilomètre sur l'itinéraire route, nous rejoignons l'itinéraire plus long par une petite route signalée par le GPS de mon portable. Il reste 5 km pour arriver au gîte. Nous apprenons par la suite que nos amis anglais ont pris le Chemin près de la route. Ils vont partir loin devant, nous ne les rattraperons pas.
Nous arrivons dans une belle petite albergue, une petite hacienda avec un patio central, avec des petits balcons intérieurs, très typique, à visiter... Nous sommes reçus par la patronne Olga. Nous y rencontrons Christopher et aussi une dame toute bosselée : c'est la faute à Leòn, elle a manqué un trottoir et s'est explosé le nez et le front sur le bitume, propulsée par le poids du sac à dos : 7 points de suture au front ! Comme les jambes n'avait rien, elle a décidé de continuer le Chemin. Elle a un gros pansement à la tête, des deux yeux au beurre noir et une belle ecchymose au nez. C'est une française qui s'appelle Caroline. J'avais repéré son visage impressionnant à Leòn, le soir en cherchant un restaurant.
Nous avions rencontré à Burgos, le couple Denis et Isabelle à la pizzéria qui nous avait raconté une histoire de chute. La dame s'arrête sur le bord d'un fossé pour une envie pressante. Mais voilà qu'avec le poids du sac à dos, elle bascule en arrière dans le fossé et se retrouve incapable de se relever, elle est tombée dans une sorte de trou, engoncée avec son sac à dos, les bras et les jambes gesticulant comme une tortue sur le dos. Elle appelle désespérément son mari qui ne la voit pas puisqu'elle est dans le fossé et qui se demande où elle est passée... Situation burlesque... Une histoire que nous racontons à Caroline pour lui changer les idées.
Nous rencontrons aussi un jeune hongrois guitariste qui gentiment laisse sa place sur un lit du bas à Caroline et lui prend la place au dessus du lit de Chrislaine. Malheureusement, il bougera tout la nuit... Une italienne solitaire, Claudia, au caractère un peu particulier nous rejoint en fin d'après-midi.
Puis arrivent trois français, Franck, Jean-Luc et Sylvie, venus en marchant du Mont Saint Michel. Ils commencent à s'installer sur les lits du haut. Je leur demande si ça leur va, après tout le jeune homme hongrois a bien laissé sa place à Caroline. L'un répond que lui ne l'aurait jamais fait : place au premier arrivé, les autres, on s'en fout : quelle empathie ! Comme le dortoir commençait à bien se remplir, la patronne leur propose une chambre voisine pour 3 personnes. Ils ont de la chance, ce ne sont pas des lits superposés. Ce ne sont pas des gens très sympathiques, d'ailleurs, un peu plus tard dans le salon, le jeune hongrois joue un air un peu mélancolique sur sa guitare tandis que le trio breton s'en donne à coeur joie de crier et rire bruyamment, juste à côté du musicien, sans y prêter la moindre attention. Aucun respect. En fait, ces bretons sont des marcheurs qui font 30 à 40 km par jour, le reste ne les préoccupe pas le moins du monde : le but, c'est de marcher.
Juste avant le repas, une pluie violente arrive et, comme tous les toits autour du patio sont inclinés vers la cour intérieure, elle commence à se remplir d'eau, ce qui affole la patronne qui surveille tout : la cour, la cheminée, les installations électriques. Les pluies les plus violentes sont les plus courtes, et une fois la pluie arrêtée, le patio se vide rapidement de son eau. La patronne peut enfin s'occuper de la cuisine : un fideua, une paella de la mer où le riz est remplacé par des pâtes. Pas mal...
Le mardi 18 Octobre 20 km : Oncina de la Valdoncina --> Villavente
Le petit déjeuner du matin était en donativo. Tout est prêt mais il n'y a personne pour servir... Je veux y mettre 6 euros pour nous deux mais je n'ai plus qu'un billet de 10 euros. Je sais, je ne suis pas à 4 euros près mais quand même. La tirelire pour le donativo est un petit cochon qui a une fente mais aucune ouverture pour récupérer l'argent. Tant pis, je me débrouille pour récupérer le contenu, l'argent des bretons qui sont partis depuis bien longtemps : 5 euros pour eux trois. Je console mon âme trop généreuse en me disant que c'est déjà bien qu'ils aient mis quelque chose... Je glisse mon billet dans la fente avec une pièce de 1 euro. J'ai payé ce que je voulais mais je ne sais pas comment la patronne va faire pour retirer le billet de la tirelire : une pièce, c'est facile, un billet beaucoup moins. Elle doit avoir l'habitude !
Le soleil se remet à briller. Nous prenons une grande ligne droite interminable au soleil. Nous voyons un village tout au bout, qui ne se rapproche jamais, tantôt caché par une colline, un champ de maïs, mais, quand il réapparaît, il est toujours aussi loin. Pour détourner une phrase de Woody Allen : "l'infini c'est long, surtout vers la fin"... Sur la route nous accompagnons parfois Caroline ou Christopher ou Claudia l'italienne. Chrislaine qui a ses yeux partout voit une caisse de pommes visiblement à disposition des pèlerins sur un banc sur le côté de la route. Ce sont des goldens, petites mais délicieusement sucrées. Nous en prenons chacun une. Christopher arrive, puis Caroline, puis l'italienne et je retourne en arrière pour leur en chercher une pour chacun : eux non plus n'avaient pas vu la caisse. Chrislaine a vraiment une vue exceptionnelle.
Nous franchissons hardiment la borne qui nous indique qu'il ne reste plus que 300 kilomètres pour arriver à Santiago. 300 km, c'est ce que nous avons fait en avril de Condom à Pamplona. Ça ne nous paraît pas bien difficile... Nous savons maintenant que nous y arriverons.
Nous croisons un grand troupeau de moutons qui nous évitent en formant une vague sinueuse entre moi devant sur le côté gauche de la route et Chrislaine et l'italienne, en arrière à droite. A la fin du troupeau, il y a les agneaux du troupeau qui s'adressent à une personne qu'ils croient reconnaître : Chrislaine. En effet, ils lui font des << mêêê, mêêê >>. Eh oui : bientôt grand-mère ! mais ça ne sera pas Mémé, ce sera Mamy.
Les maïs sont parfois encore hauts dans les champs, nous nous demandons pourquoi les paysans ne viennent pas les récolter car ils sont mûrs, presque desséchés et la météo annonce le retour de la pluie pour les prochains jours. Ils vont finir par pourrir sur pieds.
Nous nous retrouvons dans une albergue qui manque un peu d'air frais. Je n'ai plus le souvenir de ce que nous avons vécu ce soir là. Un soir parmi d'autres : un village banal, un restaurant standard, un habituel dortoir, rien pour retenir une once de souvenir.

12/10 Lever de soleil (et c'est presque tous les matins)

12/10 Village dans la brume

12/10 Pont de Carrìon De Los Condes

12/10 Yes, very british

12/10 Gîte avec piscine glacée...

12/10 Cour fermée du restaurant

12/10 Restaurant de Madame Macron...

13/10 La marche le matin allonge les jambes

13/10 Chevaliers au garde à vous sur notre passage...

13/10 Mur peint à Sahagùn

13/10 San Lorenzo à Sahagùn

14/10 Mur peint à Sahagùn le matin

14/10 Pont médiéval en sortant de Sahagùn

14/10 Arbres de toutes les couleurs

15 /10 Lever du soleil derrière

15/10 Lever de soleil devant...

15/10 Nous approchons à petits pas

15/10 Murs de la vieille ville de Mansilla De Las Mulas

15/10 Maigre premier plat du soir...

16/10 Nouveau pont sécurisé spécial piéton
Quatrième semaine
Le mercredi 19 Octobre 21 km : Villavente --> Astorga
Pas de petit déjeuner dans cette albergue avant 8 heures. Comme tout le monde est réveillé à 6H30, nous nous levons pour partir à 7H30, le temps de plier les duvets, rechercher les chaussettes, la genouillère, les chaussures, vérifier que nous n'avons rien perdu... Pourquoi une seule genouillère ? Parce que, les deux genoux me font parfois un peu souffrir. Alors, un jour je mets la genouillère au genou droit, et le lendemain au genou gauche. Effectivement, elle a la propriété de soutenir un genou douloureux un jour et comme le lendemain, le genou va mieux, il peut marcher libre pour une journée, pendant que la genouillère est au genou gauche... Pas besoin de poids supplémentaire avec 2 genouillères !
A 7H30, le soleil n'est pas encore levé et nous avançons à la lampe frontale. Heureusement que nous avons pris chacun la nôtre parce que c'est un petit chemin de pierres instables sous les pieds sur un chemin plat. Nous arrivons au bout de 5 km au village suivant pour espérer prendre notre petit déjeuner. Malheureusement, il n'y a qu'un bar et il est fermé justement le mercredi. Il faut encore continuer. Nous franchissons un magnifique pont médiéval (encore un autre) long de plus de 100 mètres car le cours d'eau qui passe en dessous n'utilisait pas toujours le même lit mais ce n'est plus vrai car il est canalisé maintenant. Le pont ne sert qu'aux piétons, il semble tout neuf, bien restaurer. Nous voyons enfin de quoi nous restaurer nous aussi de l'autre côté du pont : plusieurs bars sont ouverts. Nous prenons celui à gauche du pont. Nous nous mettons sur la terrasse bien qu'il fasse encore un peu frais ce matin mais avec un bon café et un croissant, ça va beaucoup mieux. Nous y retrouvons Caroline.. Et puis, nous avions prévu une tenue plus chaude car la météo sera de moins en moins clémente.
En sortant du bar, nous marchons encore jusqu'à un autre bar qui fait des sandwichs.. Nous en prenons avec quelques fruits, de quoi pique-niquer rapidement car nous savons que la pluie arrive mais nous ne savons pas quand. Nous trouverons bien un abri le temps de faire notre pique-nique...
Nous croisons quelques champs de poivrons dont de nombreux fruits jonchent le sol.
Quand il a commencé à pleuvoir dans la matinée, ça n'a pas arrêté de la journée et tout ça avec un vent glacial. Pas un endroit abrité pour manger nos sandwichs. Nous ne parlons pas beaucoup, la vision est limitée à cause des capes qui donnent des œillères à la façon du KWay de Dany Boone. Les lunettes ne sont pas pourvues d'essuie-glaces et nous donnent une vision gouttelée... Nos chaussures commencent à prendre l'eau, surtout les miennes. Les pieds finissent par être trempés autant que les chaussettes et le bas du pantalon. A 2 km de notre point d'arrivée dans un village, nous trouvons un semblant de banc abrité par le surplomb du toit d'une maison. Le banc est un peu mouillé par l'humidité éparpillée par les vents tournants. Je dépose ma cape côté humide vers le banc et nous consommons là nos sandwichs, nos bananes et un kaki, tout ça froid, dans le froid du vent glacial et l'humidité qui nous imprégne. A 100 mètres de là, après le repas, il y a un bar bien chaud et sec où nous prenons un café et un chocolat chaud qui nous redonnent un petit coup de chauffe dans nos corps transits. On ne peut pas savoir à quel point c'est un moment de joie profonde, de trouver un local chauffé et sec, une boisson chaude après avoir traversé 3 heures de pluie froide et pénétrante. Le repas ne nous avait pas réchauffés, ce sont les boissons chaudes qui nous ont redonner la vaillance d'affronter la triste météo.
Nous passons sur un pont prévu pour les vélos au desus d'une voie ferrée : c'est une grande pente légèrement inclinée avec plusieurs boucles superposées pour pourvoir passer aisément au dessus des lignes électrifiées. Sous la pluie, nous faisons nos boucles en plein vent. Nous regrettons qu'il n'y ait pas un escalier ou un tunnel, ça aurait été plus rapide.
Nous arrivons à Astorga. Nous voyons Caroline dans le premier gîte au pied de la ville. Elle mange là, au chaud... Mais j'ai lu que c'est un gîte à lits superposés. En cherchant, Gronze.com mentionnait un autre gîte dans la ville pour le même prix avec des lits simples. En plus, ce gîte prometteur est juste à côté de la cathédrale, ce qui ira bien pour la visite. Quand nous y parvenons, il y a un bon feu dans une cheminée à insert : rien qu'à le voir, nous sommes réchauffés. On nous propose un dortoir aux lits superposés. Nous expliquons que nous avons vu qu'il y a des lits simples en montrant la photo sur Gronze.com. Pas de problème, c'est à l'étage supérieur. OK, nous voulons bien dormir sous les toits mais pas dans un lit superposé. Nous avons droit à un grand espace de 30 lits juste sous les combles pour seulement 5 personnes cette nuit. Le seul souci, c'est que la maison est âgée et le plancher craque : pour aller aux toilettes la nuit, ça manque de discrétion. En redescendant, nous rencontrons Vincent l'américain qui tombe devant nous dans les escaliers mais heureusement, dans le sens de la montée. Vincent est une personne un peu âgée (peut être un peu plus de 70 ans) et il commence aussi à être fatigué par ce long Chemin mais il avance avec courage et détermination. A mon avis, il doit mixer des grandes étapes et des petites car nous le rencontrons souvent en chemin, il marche légèrement plus vite que nous mais nous ne le voyons que rarement dans nos gîtes, faisant toujours 5 km de plus ou de moins que nous.
Nous mettons un peu de papier journal en boule dans nos chaussures de la journée afin que le papier absorbe l'humidité durant la nuit. Nous chaussons notre paire de chaussures plus légères pour aller dans Astorga visiter la cathédrale et trouver un restaurant et aussi de quoi manger pour demain midi. Dans un petit supermarché, nous achetons le petit déjeuner du matin au gîte (qui dispose d'une cuisine, d'un distributeur de café payant et d'un presse-agrume), et de quoi faire des sandwichs pour le midi. Puis nous partons faire la visite de la magnifique cathédrale d'Astorga. Il y a même au fin fond de la nef la possibilité de faire une visite 3D du bâtiment avec un casque virtuel à 360 degrés dans tous les sens. Nous mettons les lunettes 3D et nous partons en voyage en aéronef découvrir de façon merveilleuse tous les aspects de la cathédrale. Nous survolons le haut de la nef, nous découvrons en-dessous de nos pieds le vide jusqu'aux chaises, on regarde à droite, à gauche, en haut, l'image suit automatiquement. Nous pouvons voir le retable du haut qui échappait totalement à la vue quand nous étions en bas. Ensuite, on sort de la cathédrale et on la survole au dessus du village. C'est fabuleux, extraordinaire. Comme il n'y a personne pour attendre la place après nous, nous recommençons une deuxième séance de cinéma. Cette cathédrale est très haute, très élancée, ciselée sur ses hauteurs. C'est une expérience qui nous marquera longtemps.
Nous sortons enfin pour tenter d'aller voir juste à côté le château de Gaudi, cet architecte espagnol très innovant à son époque (début XXème). Il semblait détester les lignes droites quand on voit les immeubles qu'il a fait construire à Barcelone. Ici, à Astorga, le château semble assez rectiligne d'extérieur, il faut voir l'intérieur nous dit-on. Malheureusement, les visites du château sont fermées en cette fin d'après-midi. Nous rencontrons Florent qui pense rester demain matin pour le visiter. Nous, nous repartirons sans le voir, il faut bien se donner des raisons de revenir ! Après toutes ces émotions, nous cherchons un petit restaurant qui fait une paella... mais elle sera un peu quelconque pour le prix.
Le jeudi 20 Octobre 21 km : Astorga --> Rabanal del Camino
Réveil sans problème. Dans la grande cuisine du gîte, nous prenons un solide petit déjeuner avec des cafés chauds, du pain, du beurre bio, des oranges pressées. Nous avons une pensée pour nos amis anglais avec qui nous avons échangé quelques informations par Whatsapp. Ils sont partis dans la ville suivante à 5km d'ici, où il n'y a rien à visiter et où ils auront eu droit à une petite albergue très froide, avec des toilettes en extérieur : ils étaient bien déçus. Notre albergue était super sauf que les lits grinçaient autant que le parquet. Après 21 km de marche, de pluie, de froid, c'est très secondaire.
Je récupère mes chaussures et en retire le journal complètement trempé : il a bien joué son rôle d'absorbeur d'humidité. Je cherche une chaise pour les enfiler assis... il n'y en a qu'une disponible sur laquelle trône une guitare. Je la prends délicatement pour la poser par terre et là, malencontreusement, j'effleure une corde qui vibre d'une belle sonorité. Tout le monde me regarde avec la guitare à la main et attend que j'en fasse quelque chose... Oups ! Alors, dans ma tradition de saltimbanque, je gratte la guitare n'importe comment, elle émet un chant à peu nul mais d'une belle résonnance et je chante : << aïe aïe aïe, no savé cantaré, aïe aïe aïe >>. Le pire, c'est que, si certains rigolent bien, d'autres semblent émerveillés et attendent la suite... Je recommence la même litanie en m'appliquant pour avoir une voix vraiment peu mélodieuse : ils ont fini par comprendre... Je dis à ma voisine qui s'en amuse autant que moi : << a smile in the morning is better than the rain >>. Je crois que je lui ai apporté un peu de soleil dans cette triste nouvelle journée de pluie.
Nous partons sous la pluie, une petite pluie fine et incessante. Nous avons quelques éclaircies dans la matinée qui laissent entrevoir des arcs-en-ciel partout, même des doubles. A certains moments, nous marchons plus vite pour trouver un abri en cas de grosses pluie car de gros nuages alourdissent le ciel mais les grosses pluies n'arriveront jamais, seulement du crachin continue. Je sais bien que ça ne va pas plaire à certains mais c'est un magnifique temps breton.. Pour le déjeuner, nous cherchons désespérément un abri pour le pique-nique car le ciel est gris de plomb. Finalement, c'est à El Ganso, sous un petit porche d'église qui laisse passer quelques gouttelettes de pluie chassées par le vent que nous trouvons un semblant de siège pour déjeuner. En face de nous, il y a un homme qui se prépare un mélange de tabac et de résine dans une cigarette roulée qui ne sentait pas vraiment le tabac... Il est parti assez vite. Quand nous finissons notre repas, le ciel est devenu un peu plus clément.
Nous marchons plus calmement car la pluie ne menace plus. Nous arrivons au gîte vers 14H. C'est une auberge municipale. J'avais repéré sur gronze.com qu'il n'y avait pas de lits superposés. Malheureusement, c'est une vieille photo nous disent-ils et maintenant, ils entassent les gens dans des lits superposés... Mais, ce n'est pas grave, il y a au moins vingt couchages et nous ne sommes que cinq : deux petits vieux italiens de plus de 70 ans qui se bécotent au fond du dortoir, nous, et l'homme qui s'était fait un joint le midi et que nous revoyons allongé sur son lit, plongé dans un gros livre tiré de son sac : "l'Enfer de Dante". Beaucoup de gens dont Caroline et Christopher ont pris l'albergue juste à côté, à 10 mètres de là. Il y a un restaurant. Nous, nous avons une simple cuisine.
Nous faisons quelques courses pour le repas du soir et le petit déjeuner du matin. Nous revenons et mangeons une soupe réhydratée, des haricots, des pâtes, du jambon et nous n'en finissons pas de manger pour nous réchauffer. Il fait 7 degrés dehors, à peine plus dans l'albergue. Pour la nuit, l'hospitalière démarre le grand poêle à pellets qui réchauffe difficilement cette grande bâtisse aux épais murs de pierre.
Vers 19H, on nous signale qu'il y a une messe en grégorien et la bénédiction des pèlerins vers 21H30. Nous décidons d'y aller.
En sortant du gîte, un autocar déverse une quarantaine de collégiens et collégiennes assez énervés avec leurs sacs à dos et leurs portables allumés. J'apprendrai plus tard que ce sont des enfants dont l'un des parents est décédé dans la garde civile et qui font une partie de Chemin. Ils s'engouffrent tous dans l'albergue voisine dans un joyeux vacarme ! La nuit risque d'être difficile pour nos amis pèlerins...
La messe en grégorien est chantée a Capello par 2 moines bénédictins. Je pensais qu'ils chantaient une mélopée sans notes pré-écrites mais je m'aperçois que Caroline ma voisine les accompagne sur les mêmes tonalités : c'est encore plus beau. Après, il y a la bénédiction des pèlerins : l'un des 2 moines sort un goupillon d'un vase et nous asperge pour nous bénir. Ce n'était pas la peine : le ciel en avait déjà fait autant toute la journée, nous commencions seulement à sécher... Nous retournons nous coucher.
Le vendredi 21 Octobre 20 km : Rabanal del Camino --> Riego de los Ambròs
Nous prenons notre petit déjeuner et partons joyeusement car il ne pleut plus. En route, nous nous faisons dépassés par les collégiens qui dispensent une musique de type rap sur des enceintes portatives bluetooth poussées à fond. Nous les laissons passés en ralentissant le pas car nous préférons à nos âges le calme de la nature qui nous entoure... Nous avons été jeunes aussi, il y a bien longtemps... Si si... En fait, ralentir notre marche nous va bien car nous avons devant nous une belle montée qui n'en finit pas et que les jeunes gravissent sans même s'en apercevoir. Progressivement, nous quittons le plateau de la Méséta à 800 mètres de haut pour passer le col de la Cruz de Ferro (col de la Croix de Fer) à 1500 m. De temps à autre, un crachin nous oblige à sortir nos capes de pluie. Lorsque nous arrivons au col tous les jeunes sont là pour une pause alimentaire et nous en profitons pour prendre de l'avance. De l'autre côté du col, un pâle soleil nous accompagne. Nous marchons assez longtemps sur les crêtes en admirant toutes les montagnes environnantes parfois masquées dans d'épaisses brumes. De temps à autre, un bel arbre aux feuilles rouge vif égaye le Chemin. Il faut dire que les couleurs d'automne sont un chatoiement pour les yeux : les fougères roussissantes, les feuilles encore vertes de certaines plantes habituées au rigueurs de l'altitude, le rouge des feuille d'érables : c'est la toile d'un peintre qui aurait égoutté ses couleurs les unes à côté des autres comme les pointillistes pour amplifier leur contraste. Il y a aussi le gris du ciel au dessus de tout ça, pour découper la ligne d'horizon arrondie par les montagnes.
Il fait froid, nous sommes assez hauts, ça se ressent, en plus le vent nous pique la peau. Il y a beaucoup d'éoliennes sur toutes les montagnes environnantes : c'est un signe de vent fréquent ! Galice : les premières montagnes après l'Atlantique, elles épongent le ciel et emprisonnent le vent pour donner à la Méséta son caractère sec et désertique. C'est l'épreuve ultime des pèlerins.
Ensuite vient une longue descente sur des chemins à cailloux qui roulent sous les chaussures et c'est un peu dangereux et fatiguant, heureusement que nous avons nos bâtons et aussi qu'il ne pleut plus car avec de la boue, ça doit être impraticable. Nous arrivons 3 km avant notre gîte dans un petit village de montagne qui ressemble à nos villages de Savoie. Nous voyons un bar-restaurant qui nous tente. Chrislaine prend une énorme salade qui contient de la charcuterie, des tomates, des olives, des oeufs, du thon, du fromage, des fruits (fraises et myrtilles), un peu de salade, enfin tout un repas dans une seule assiette. Je prends des empenadas maison, sortes de tourtes avec différentes viandes dont du chorizo. En sortant de là le ventre en avant, nous rencontrons Vincent dans le restaurant juste en face. Nous ne savons pas comment il est arrivé là. Nous avions vu qu'il avait de la fatigue et avait un peu de mal à se tenir sur ses jambes, avec la descente difficile, nous apprécions sa pugnacité. Nous échangeons quelques SMS avec Christopher qui nous annonce son arrêt dans ce village car il est assez fatigué. Il commence aussi à souffrir des chevilles sur les pierres roulantes du Chemin. Quant à Caroline, elle est partie dans le village suivant : Molinaseca. Nous, nous continuons jusqu'au village avant Molinoseca.
Après deux petits kilomètres de route facile, dans un village où il y a un joli balcon de bois à chaque maison, nous arrivons à notre gîte où nous sommes reçus par un français. Nous sommes les premiers dans le gîte. Il pensait fermer car il y a peu de pèlerins, c'est la fin de saison et la majorité vont jusqu'au village suivant... comme Caroline.
C'est un gîte avec des alvéoles de belle conception. Les lits sont un peu bas mais la literie très confortable. Il nous prépare un excellent repas, 2 ou 3 personnes arrivent un peu plus tard dont 2 cyclistes mais personne d'autre ne mange ici. C'était très tranquille, avec un coût de 15 euros pour le repas et le couchage. Par contre, pour le petit déjeuner demain, il faut que nous nous débrouillons et les magasins sont fermés. Je tente ma chance. Je trouve un petit bar un peu plus loin, il y a des bananes sur le comptoir, j'en achète 2. De retour à notre gîte, le gérant nous donne des tartines de pain pour faire un sandwich à la banane le lendemain. Avec le froid, nous préférons ne pas partir le ventre vide. D'ailleurs, la nuit a été particulièrement fraîche, heureusement qu'il y avait des couvertures pour suppléer à la finesse de nos duvets un peu trop légers.
Le samedi 22 Octobre 18 km : Riego de los Ambròs --> Camponaraya
Le lendemain, pendant notre petit déjeuner, nous rencontrons une des personnes arrivées tardivement hier. Elle prend son thé et nous dit que le chemin après le village est un peu difficile et qu'il vaut mieux prendre la route qui est parallèle au Chemin. Nous supposons que nous y arriverons quand même et préférons éviter de sortir du droit chemin...
Nous partons de bonne heure dans un monde encore envahi par la nuit, à la seule lumière des lampes frontales. Arrivés à la sortie du village, nous nous apercevons que le chemin est en belle descente avec des pierres qui roulent sous les pieds, comme la veille. Nous jugeons que c'est un peu trop dangereux avec nos faibles moyens d'éclairage. A l'aide du GPS, je constate que le Chemin coupe la route des voitures à 3 km de là. Nous remontons vers le village et prenons le bord de la route. Non seulement, nous n'avons vu passer qu'une seule voiture pas très rapide en raison des virages mais en plus, nous avons été plus vite sur le chemin macadamisé que par le Chemin dangereux. C'était un bon choix. Nous envoyons un petit message à Christopher pour lui indiquer notre choix. Comme il doit ménager ses chevilles, je pense qu'il optera pour ce chemin parallèle. Malgré tout, après la route, le Chemin plonge dans un vallon pentu avec des inclinaisons difficiles et il se confond parfois avec le lit d'un torrent qui le ronge les jours de fortes pluies. Le jour commence à poindre et rend la marche moins risquée malgré les aspérités du Chemin. Nous avons bien fait de nous arrêter hier avant cette étape car ce genre de descente est très fatigante et se parcourt mieux après une bonne nuit de sommeil et un sandwich à la banane...
Au bout de 4,5 km, nous arrivons au village suivant, Molinoseca où il y a plein de bars et d'albergues. Nous ne prenons pas le premier bar. Un homme nous attend au bar suivant, nous invite à entrer. Pourquoi pas, qu'allons nous découvrir ? C'est un petit bistrot sans client pour l'instant. Nous ne regrettons pas ce signe du destin, nous avons mangé une excellente tortilla maison et un bon café. Je veux payer avec un billet de 20 euros. Malheureusement, il n'a pas la monnaie. Tant pis, je pars au premier bar que nous avions vu et demande de la monnaie que j'obtiens tout de suite. Je reviens à notre bar et lui tend fièrement l'un des billets. Il est tellement content qu'il nous offre 2 sandwichs fait de pain frais et de tranches de jambon cru. En sortant du bar, je reconnais une jeune femme française que nous avions croisée la veille. Elle cherchait un bar, je lui indique le notre, spécialiste de la tortilla...
Nous passons ensuite devant une étrange statue : un énorme saucisson érigé à la gloire de la spécialité du pays et des bouchers qui en conservent la tradition. Il ressemble un peu à l'andouille de Charlieu (pour ceux qui connaissent), genre grosse saucisse boursoufflée.
Nous arrivons à Ponferrada au bout d'une longue banlieue. Nous passons devant un très beau château médiéval mais la visite avec un sac à dos nous décourage un peu et puis, ce n'était pas prévu dans le planning. Si nous avions su, nous aurions fait moins de kilomètres aujourd'hui pour avoir le temps de visiter. Finalement, nous ne savons pas si ça valait le coup : nous aurions pu avoir un guide qui ne parle pas français ! Nous passons devant la façade peinte d'une maison. Il faut dire qu'en Espagne, beaucoup de maisons présentent du Street Art, de belles images sur les murs extérieurs en grandeur XXXXL. L'affiche peinte qui retient mon attention, représente un visage de femme composé de 2 visages différents coupés de haut en bas, une demie est métisse et l'autre blanche avec un beau commentaire : "La seule race est la race humaine". A méditer...
Nous faisons une petite halte dans un petit bar pour y déguster un jus d'oranges pressées. Nous faisons le point. Il faudrait trouver un grand supermarché pour y acheter des baskets car celles de Chrislaine commencent à se déchirer, à se découdre, la semelle n'a plus de grip, bref, il faut les changer. Hier, j'ai tenté une réparation à la colle mais ça ne tiendra pas longtemps. Il faudrait aussi acheter une micro carte mémoire avec plus de capacité de stockage car le portable de Chrislaine commence à saturer au niveau des photos avec ses 2 Go.
Je vois sur le GPS un grand supermarché sur le côté ouest de la ville et, en suivant la route qui y mène, nous gagnerions 2,5 kilomètres de raccourci, en prenant cette route plus directe que le Chemin lui-même. Nous choisissons cette bonne solution à l'unanimité.
Nous trouvons tout. D'abord le supermarché avec sa galerie commerciale. Chrislaine y trouve chaussure à son pied : de belles baskets roses bien confortables. Elle hésite car elles sont assez chères mais les moins chères lui font mal aux pieds. En plus, elle a du mal à se séparer des anciennes qu'elle avait acheté aux îles Canaries il y a 5 ans et qui ont fait déjà plus de 1.000 km. Nous conserverons... Heu, non. Je conserverai ses anciennes temporairement dans mon sac à dos au cas où il y ait besoin d'une période d'adaptation). Mon sac déborde....
Nous trouvons aussi une carte mémoire de 16 Go en super promotion - 25% (nous découvrirons plus tard qu'elle avait déjà servi pour 3 ou 4 photos d'un mariage). Par chance, la capacité de stockage n'influence pas le poids du sac à dos... Nous en profitons aussi pour demander une édition papier de nos billets d'avion pour le retour. Oui, c'est peut-être un crime écologique de voyager en avion mais nous ne nous sentons plus la force de faire un retour en bus du fin fond ouest de l'Espagne jusqu'au fin fond nord de la France. Nous avons réservé un aller simple chez RyanAir pour 2.000 kilomètres de Santiago jusqu'à Beauvais, puis nous prendrons le train jusqu'à Lille. Croyez-moi, c'est plus facile de prendre un avion que de dormir dans un bus. Je sais de quoi je parle : j'ai un souvenir de 30 heures de bus pour revenir chez nous à partir du fin fond de l'Algarve au Portugal l'année 2010 où le volcan islandais Eyjafjöll a empéché les avions européens de décoller.
J'ai réservé notre retour à Beauvais il y a 2 jours. On nous avait dit qu'il faut les billets sur papier pour Ryanair sinon ils prennent une commission pour l'édition sur place. Il a été difficile de choisir la date du retour : pas trop tard si Anna arrive vite, pas trop tôt pour nous laisser le temps de finir avec une marge de sécurité en cas de problème sur le Chemin... Nous pensons arriver à Santiago le 1er novembre. Nous choisissons le retour en avion le samedi 5 novembre.
Avec toutes ses emplettes, nous avons pris du retard sur l'horaire et donc, nous prenons le petit raccourci qui longe la route et va nous faire gagner le temps perdu. En plus, nous avons droit à une douche offerte par le ciel pour baptiser les nouvelles baskets. Chrislaine peut ainsi constater qu'elles sont réellement Gore-Tex.
Il est 14h et il y a un restaurant le long de la route, ça nous permet d'attendre la fin de l'averse. La serveuse nous demande Tapas ou Menu. Nous voulons faire un petit repas, nous décidons tapas. Nous prenons 3 tapas : 2 tapas à 5 euros (des patates frites et des calamars à la romaine) et une à 8 euros : des gambas. Et nous arrosons ça avec 2 verres de vin à 3 euros. La serveuse nous demande ce que nous voulons avec les verres de vin car ils sont servis avec des tapas... Elle nous dit Paella ou un autre mot que je n'identifie pas bien... Aucun idée, un de chaque... Elle nous amène les verres de vin et un petit ramequin de paella et un autre de tripes (j'aime bien). C'est étonnant car c'est bien servi. Nous plaisantons entre nous : avec 2 verres de vin chacun, nous aurions fait notre repas ! Mais la surprise ne s'arrête pas là. La serveuse arrive avec un immense plat de calamars à la romaine. Ce n'est pas possible : chez moi, quand je fais des calamars surgelés, je fais un quart du paquet et ça me suffit. Mais là, c'est l'équivalent du paquet entier ! et tout ça pour 5 euros ! Je commence à manger quand elle apporte les patates : une montagne de pommes de terre revenues à la poêle et nappées d'une succulente sauce tomate. Il y a au moins 8 patates. Chez nous, nous aurions pu faire au moins 2 repas chacun rien qu'avec ce plat. Et puis arrivent les gambas : une bonne douzaine. Un repas de folie encore une fois. Comment fait-on pour servir autant pour ce prix ? C'est vrai que ce n'est pas un restaurant situé sur le passage des pèlerins. Nous avons eu droit au repas des locaux. Et bien, c'est beaucoup plus intéressant ! Le soir, devinez ce que nous avons mangé ? RIEN !
Il reste 5 km pour arriver au gîte sous une pluie battante. C'est malgré tout assez rapide car c'est un large trottoir de ville bien plane, une route toute droite. Au gîte, nous retrouvons notre ami Jason de Taïwan. Il nous parle beaucoup, de sa jeunesse où il a fréquenté des écoles anglaises. Il prend par écrit le nom des gens qu'il rencontre sur le Chemin. Il prend le mien en anglais (John Michael) sur un petit carnet et y met à côté quelques hiéroglyphes incompréhensibles pour le commun des Jean-Michel.
Nous trouvons assez originale la paire de chaussures maintenues par leurs lacets et suspendues aux câbles électriques juste au carrefour devant les fenêtres du gîte : Une mauvaise blague ? Une enseigne ? Un accès d'humeur ? Au moins, elles font marcher l'imagination.
Nous avons eu droit à des lits superposés mais le lit du haut est placé très en hauteur ce qui laisse la possibilité de s'assoir sur le lit du bas sans se plier. Le gîte n'est pas assez rempli pour que les lits du haut soient utilisés. Les matelas sont bien confortables, nous passons une bonne nuit.
Le dimanche 23 Octobre 14 km : Camponaraya --> Villafranca del Bierzo
Ce matin, c'est le déluge. Il pleut des cordes. Notre ami Taïwanais en voyant la météo préfère rester couché : il se retourne dans son lit et continue son sommeil. Nous partons jusqu'au petit bistrot voisin pour prendre le petit déjeuner car notre albergue n'ouvre qu'à 8H. Nous retirons nos capes déjà trempées chez le commerçant. Il nous sert une maigre tartine de pain toasté avec du beurre et un morceau de quatre quart avec un café. Ce n'est pas grave, hier, nous avons mangé pour au moins 2 jours (que nous croyons). Nous repartons, il est 8h10. Nous avons pris notre temps... Il faut dire que ce n'est pas un temps à mettre un pèlerin dehors.
Et nous repartons sous une pluie battante qui diminue lentement au fil de la matinée mais ne s'arrête jamais. Nous passons dans des vignes et nous prenons quelques rares grappes de raisins oubliées par les vendangeurs. C'est un raisin très sucré et qui commence même à se dessécher et à pourrir, il faut trier les grappes, nous en rejetons 50 %. Mais le reste redonne des forces, c'est incroyable. Quand j'en ai eu marre de manger du raisin jusqu'à plus soif, et bien, nous avons trouvé des noix fraîchement tombées qui étaient excellentes. Voyager en automne offre quelques compensations...
Nous passons par un village dont le nom laisse mon imagination dubitative : Cacabelos.
Nous nous arrêtons souvent : une fois pour boire, une fois pour prendre nos bananes du matin, une autre fois pour un besoin pressant... Evidemment, avec toute cette eau autour de nous, ça incite les vessies à déposer leur obole... Je ne vous parlerai pas de la difficulté des dames en cette matière les jours de pluie : il faut relever la cape et la coincer en haut du sac à dos pour éviter qu'elle gêne la manœuvre, baisser le pantalon, s'essuyer avec un papier qui a déjà pris toute l'humidité des mains. Parfois, c'est intéressant d'être un homme...
Et puis, assez soudainement, il ne pleut plus. Le vent s'est levé, un vent violent si fort qu'il faisait claquer ma cape comme un drapeau. Au bout d'un moment, les bas de pantalon, les mains, les manches sèchent. Le poncho de pluie jaune de Chrislaine n'a pas résisté aux assauts et s'est déchiré tout d'un côté où il y a les attaches. Avec la bande déchirée, je lui fait une grosse ceinture au niveau de la taille pour faire tenir ce qui reste de cape. Le sac à dos lui fait une forme rebondie dans la cape, elle ressemble à une grosse Chupa Chups au citron, la sucette espagnole toute ronde... La cape avait déjà manifesté son désir de retraite le matin même : j'avais découvert une petite fissure au niveau du cou et je l'avais colmatée avec 2 bouts de scotch. Elle était en fin de vie. Je parle de la cape, bien sur.
Nous arrivons à la jolie ville de Villafranca. Nous souhaitions aller plus loin pour faire nos 20km quotidiens mais avec ce temps qui nous ronge le moral, remplit mes chaussures d'eau, les ennuis de capes, nous décidons d'arrêter ici notre étape, au bout de 14 km. En ville, bien que ce soit dimanche, un magasin de bric à brac est ouvert. Et ils vendent, devinez quoi... Mais si, Allez, avec un peu de Providence... Et oui, ils vendent des ponchos de pluie ! Il y a 2 modèles : un petit jaune dont la couleur plaît à Chrislaine et un grand vert qui protège mieux. Nous prenons le plus grand qui paraît plus solide mais n'a pas l'entière approbation de Chrislaine. Elle aurait préféré une belle couleur comme celui de Christopher... Mais nous sommes dimanche en Espagne dans un coin perdu et avec une pluie immonde. C'est là que nous apprenons que la raison prime sur l'esthétique... Ce nouveau poncho est très grand : il protège bien jusqu'aux pieds quand Chrislaine a le sac à dos. Par contre, sans le sac à dos, il traîne par terre et elle marche dessus : ben oui, elle n'est pas si grande que ça... Donc, quand elle n'a pas de sac, je prends le nouveau poncho, quand elle a son sac, c'est elle qui le prend. Nous payons notre achat à la dame du magasin qui a un fils de 6-7 ans qui fait plein de bêtises derrière le comptoir. Nous sentons la dame excédée, elle préfèrerait qu'il ne joue pas dans son magasin. Je récupère une de ses bêtises en rigolant et j'essaye de détendre l'atmosphère. Pour me remercier, la dame m'offre un bracelet en cuir avec la flèche du Camino que je porterai jusqu'à Lille. C'est incroyable ce que l'on peut donner aux pèlerins tout au long Chemin.
Puis, nous trouvons un petite pizzéria qui n'est pas encore ouverte mais nous accueille quand même. Nous prenons un apéritif avec un petit bout de tapas... Le serveur nous apporte à chacun une pizza immense que nous n'arriverons pas à finir. Le sac à dos est à côté de la table ; je l'ouvre discrètement et en retire un petit Tupperware en plastique et y fait disparaître discrètement les restants de pizza. Nous les finirons ce soir car nous n'avons plus très faim.
Nous hésitons sur le choix du gîte. Deux dames anglaises de la table voisine nous font de la publicité pour leur petit hôtel très propre où les chambres sont à 45 euros. Finalement, nous choisissons une albergue qui nous coûte moitié moins chère tout en étant aussi propre. En plus, elle est très originale : construite sur 4 étages, elle se repose sur une paroi de la montagne : un grand pan de rocher déborde dans la salle d'accueil, les fenêtres des étages supérieurs côté montagne s'ouvrent sur la paroi de roches que l'on peut toucher de la fenêtre. En se penchant, on peut apercevoir tout là haut un coin de ciel : ça fait comme une cheminée qui doit amener de l'air frais en plein été. Très original.
Les patrons nous préparent pour quelques euros un joli sac réutilisable avec le petit déjeuner pour le lendemain. Demain, nous pourrons prendre du café à volonté dans une marmite qui tient le café au chaud. Les lits sont simples et bien espacés et ils ont des draps de tissus : nous allons faire une bonne nuit au chaud.
Petite remarque : dans les dortoirs, nous avons souvent des draps jetables (souvent IKEA). Il est plus rare de trouver des draps de coton. En général, lors de la réception à l'accueil, après le paiement, on nous donne à chacun des draps que nous devons mettre sur les lits : un drap housse et une taie d'oreiller ou de polochon. Chacun fait son lit. Nous, nous mettons notre duvet par dessus. Le lendemain, nous libérons les lits et jetons les draps jetables dans des poubelles ou mettons les draps de toile dans les paniers à linge. Il y a parfois des couvertures.
Dans les casiers à l'entrée, je pose mes chaussures trempées et mets du papier journal dedans en espérant une baisse significative du degré d'hygrométrie pour demain... Les chaussures commencent à puer : l'humidité atteint les produits de traitement du cuir et une odeur de vieux cuir s'en exhale. Le papier fait aussi bouchon à odeur....
Nous passons une partie de l'après-midi dans le gîte à nous reposer. Nous n'avons fait que 14 km mais la pluie ne nous incite pas à faire plus. Le soir, nous sortons avec nos capes pour aller prendre un verre en ville. Nous recherchons un bar qui nous proposerait un petit verre de Xérès mais aucun ne connaît ce vin pourtant originaire d'Espagne. Il faut dire que ma prononciation n'est peut-être pas la bonne : déjà, en espagnol, ça s'écrit Jerès et j'ai l'air de prononcer l'espagnol comment un asiatique prononce l'anglais... Le Xérès étant inexistant, nous nous rabattons sur un bon verre de vin blanc, un moscatel (muscat espagnol) avec tapas... Il y a une averse impressionnante dehors. Nous voyons arriver Jason qui cherche un restaurant pour manger. Il nous impressionne : il marche avec des tongs à ses pieds nus. Après tout, il a raison, il ne mouille pas ses chaussures... Pour le restaurant, nous lui conseillons la pizzéria. Nous, nous mangerons le restant de celle de ce midi avec quelques fruits ce soir à la cuisine du gîte.
Villafranca est un très beau village dans le style médiéval mais la pluie brouille un peu les commandes de nos téléphones et nous empêche de faire de belles photos. Il faudra revenir !
Le lundi 24 Octobre 20 km : Villafranca del Bierzo --> Las Herrerìas de Valcarce
Nous prenons notre petit déjeuner dans la grande pièce au rez-de-chaussée, décorée d'un grand pan de rocher. Nous partons en laissant les chaussures de Chrislaine dans les casiers à chaussures du gîte. Chrislaine pousse un profond soupir : elle n'aime pas se séparer de ses chaussures mais c'est quand même mieux pour le poids de mon sac. J'ai failli lui répondre lâche-moi les baskets avec les tiennes ! Nous partons sous la pluie qui s'arrêtera au bout d'une heure, mes pieds sont trempés.
Nous passons au village suivant, Pereje, là où je voulais venir dormir hier si la pluie ne nous avait pas retenus. Heureusement, c'était bien un coup de chance qu'il pleuve hier ! En effet, le seul gîte du petit village est fermé et le village n'offre vraiment aucun intérêt, ni touristique, ni commercial... Nous avons bien fait de nous arrêter hier au bout de 14 km. Rien ne nous empêchait de faire les 5 km supplémentaires avec le vent, la pluie, la fatigue, le froid et nous aurions dû faire 4,5 km de plus pour arriver au village encore après ! Notre arrêt d'hier était une belle Providence !
Aujourd'hui, nous longeons une route goudronnée, protégés des voitures par une glissière de sécurité en béton. Le chemin que nous prenons est un long ponton de bois au dessus d'un ravin creusé par une rivière qui coule en contrebas. C'est beau, c'est sécurisant avec la ballustrade à gauche et la glissière de béton à droite mais ça manque de petits coins pour les envies urgentes : le café doit être évacué !
Au bout d'un moment, nous quittons le chemin sécurisé pour avancer sur une route où il y a peu de voiture (deux par heure...). Nous trouvons vers 13H une boulangerie qui a des tables en terrasse, en plein vent... Nous allons voir, il doit bien y avoir des tables sèches à l'intérieur aussi... Oui. Et ils font des tortillas et des salades. Ca nous va. Le temps que nous mangeons, il y a eu un défilé de pèlerins qui prenaient leurs sandwichs pour manger sur les tables en extérieur, en plein vent, abrités par un store qui ne couvrait que la moitié de la terrasse. C'était tous des jeunes qui ne connaissent pas encore les effets de l'humidité et du froid sur les articulations usées...
Nous sommes arrivés 3 ou 4 km plus loin dans un village dans une petite vallée aux pentes douces, les vaches qui gambadent dans de grandes parcelles de terrain, les énormes potirons qui foisonnent dans les potagers, les outils agricoles anciens qui traînent devant les portes des fermes : une plongée dans le monde rural début 20 ème siècle. Nous prenons une chambre d'hôtel pour quelques euros, une belle chambre sèche et chauffée au premier étage. Après la douche, nous repartons vers le centre du petit village où nous avons repéré un magasin d'alimentation jouxtant le bistrot du village. Le magasin n'a pas grand chose à nous proposer et nous nous résignons à dîner au restaurant de notre hôtel. Il n'y a rien à regretter : le menu était excellent avec un potage en entrée, suivi d'un plat poisson accompagné de frites et de poivrons (un simple plat de poisson avec seulement 4 truites par personne !) et le traquenard se referme avec le dessert, un gâteau au fromage très gras, très lourd... Nos belles illusions sont détruites (en un seul mot) : nous pensions jouir d'une nuit calme au bord d'un ruisseau qui fait un joli clapotis et avec le tintement des cloches des vaches en fond sonore. La nuit a été difficile, passée à tenter de digérer tout ça ! Dans la journée, nous n'avons pas eu le réflexe de boire beaucoup : quand il pleut et que le corps est mouillé à l'extérieur, on n'a pas toujours envie de mouiller l'intérieur... Donc, quand le potage est arrivé à table, nous en avons repris pour nous réhydrater ! Il a bien fallu évacuer ce surplus d'eau au soir par quelques allers-retours vers les toilettes la nuit...
Le mardi 25 Octobre 20 km : Las Herrerìas de Valcarce --> Fonfrìa
Le lendemain, nous ne pensions pas prendre notre petit déjeuner à l'hôtel car il ouvre à 8 heures. La nuit n'ayant pas été sereine, nous nous réveillons tard, vers 8H0 et nous prenons le déjeuner à l'hôtel. Nous décidons de faire porter mon sac à dos car il y a un beau nivelé aujourd'hui : 700 mètres à monter.
Lorsque nous amorçons la longue montée, nous voyons passer Christopher puis Jason puis Edjuberto, un brésilien. Ils nous accompagnent tout au long de cette belle ascension de ce beau Chemin bordé de vieux arbres. Nous les quitterons au village en haut de la montée. Heureusement que je n'ai pas pris mon sac : la grimpette est vraiment difficile sur 8 km. Nous nous arrêtons dans un bar dans la montée pour prendre un jus d'orange. Christopher nous accompagne avec un café. Quand nous sortons, Christopher est inquiet : il ne retrouve plus ses lunettes de vue. Où les a-t'il perdues ? Il cherche sur le comptoir, au sol, sur les chaises, sur son nez : rien. Pourtant, il était sûr de les avoir en montant. Il sort, essaye de se remémorer les actions faite en entrant. Soudain, il les aperçoit sur le rebord de la fenêtre du bar ! Il les avait déposées avant de retirer sa cape de pluie mais comme nous lui parlions, il a oublié de les remettre. Il dit que ça lui arrive souvent. Ça me rassure : moi aussi, c'est fréquent ! D'ailleurs, j'avais prévu une seconde paire au cas où : toujours du poids dans le sac !
Nous passons devant une borne qui signale que nous entrons en Galice, la dernière région à traverser pour rejoindre Compostelle. La Galice est une région très verdoyante, donc pluvieuse comme nous l'avons déjà remarqué. Une belle région, montagneuse avec son patois à mi-chemin entre le portugais et l'espagnol, un caractère différent, plus rural. Je prend la balise d'entrée en Galicia en photo. Christopher arrive, je lui demande de me prendre en photo car Chrislaine est déjà loin devant. Je lui propose de le prendre aussi en photo avec son appareil. Le temps que je le prenne, une autre personne arrive, prend une photo et je lui propose de la prendre avec son appareil et le temps que je la prenne en photo, une autre personne arrive... Je prends bien 5 ou 6 photos de personnes différentes...
Quand on arrive en haut à O Cebreiro, il recommence à pleuvoir. Chrislaine me dit : << Il est presque midi, j'ai un peu faim, ne faudrait-il pas manger dans ce village ? >>. J'hésite : j'ai encore l'estomac un peu patraque du repas pris hier soir et je commence à m'habituer aux horaires espagnols : je n'ai pas encore faim. Je préfère encore marcher un peu car la montée n'est pas tout à fait terminée. Nous continuons donc, le prochain village est à 3 km et il y aura un bar.
Entre deux, il y a une petite chapelle où un homme visiblement aveugle propose des tampons pour mettre sur le crédential, moyennant quelques pièces. Je dois guider sa main pour que le tampon rentre dans la bonne case. Il parle beaucoup mais en espagnol et vite, ce qui ne facilite pas ma compréhension. Nous lui donnons une pièce, en retour il nous tend une image pieuse avec une prière.
Nous croisons pleins de champignons en groupe, des jolis ensembles d'amanites tue-mouche toutes rouges à points blancs. Puis des coulemelles qui sont comestibles mais que nous ne pouvons pas ramasser car il faudrait les cuisiner rapidement. La région est propice au développement des champignons en raison de la forte humidité.
Nous entamons la descente. Le village que nous traversons au bout des 3 km, a un joli bar-restaurant mais il est fermé hors saison. Pas de chance. Chrislaine a très faim, elle dit : << C'est dommage, il y avait un commerce à O Cebreiro, nous aurions dû acheter des bananes, j'ai envie de bananes ! >>. Je lui dit qu'il y a un autre petit village à 4 km. Et là, deux minutes après cette discussion, une chose incroyable arrive : il y a une banane dans le haut du fossé à gauche du Chemin, côté colline. Elle pense que ce n'est qu'une pelure et que quelqu'un a fait une farce. Mais non, il y a bien une banane dans la pelure, mûre à point, non ouverte, pas de coup. Comment se fait-il qu'une banane soit là ?
- il n'y a pas de bananier au dessus,
- si quelqu'un l'avait perdue de son sac, elle serait sur le chemin, pas de l'autre côté du fossé légèrement en hauteur,
- elle ne pouvait pas être jetée volontairement par quelqu'un qui avait décidé subitement de suivre un régime : il l'aurait mise devant lui pour suivre le régime... ou il ne l'aurait pas achetée,
- il n'existe pas de race de bananier nain haut comme un fraisier...
Bref, c'est incompréhensible à moins que l'on commence à parler de Providence. Franchement, pouvons-nous déranger la Providence pour une banane ? Si quelqu'un, lisant ces misérables lignes, peut me dire pourquoi il y avait une banane là alors que Chrislaine en rêvait 2 minutes avant et que ce fruit était bienvenu pour les 2 heures à venir (car nous n'avons pas trouvé de quoi manger avant), ça soulagerait ma compréhension rationnelle du monde. Il est vrai que cette probabilité a plus de chance de se dérouler sur ce Chemin très fréquenté par des marcheurs, mais quand même ! Je sais bien que quelqu'un l'a perdue, en posant son sac de l'autre côté du fossé (peut-être le temps de faire une photo) ou l'a fait tomber de son sac sur le Chemin et le pèlerin suivant l'a rejetée sur le côté, bien en vue et ne l'a pas prise pour lui... Mais il y a la bonne synchronisation des événements naturels. Il y a des choses comme ça, qui défient le bon sens. J'avais lu un article sur l'explication de l'ouverture de la Mer Rouge devant Moïse, loin de la vision hollywoodienne de Cecil B. DeMile : il y a eu un tsunami, la mer s'est reculée très loin, juste le temps de passage des hébreux puis une grande vague est revenue noyant les troupes de pharaon (on a retrouvé des chars égyptiens dans le fond de la mer). C'est rassurant, on comprend scientifiquement ce qui s'est passé, pas de magie, pas de miracle... Sauf que la synchronisation des événements naturels était imprévue et parfaite. Comme pour cette banane : il y a une demande qui se réalise tout de suite, à bon escient.
En tout cas, Chrislaine mange la banane qu'elle souhaitait ardemment et en plus, elle était excellente. Ce petit encas lui permet de tenir le coup assez longtemps. Heureusement car dans les villages qui suivent, tout est fermé. Nous avons fini par trouver un bar 2 heures plus tard, vers 14H30. La serveuse nous propose avec sourire le menu à 15 euros mais nous préférons un plat simple : des pâtes. En effet, Chrislaine a déjà mangé une banane et moi, je digère encore le gâteau d'hier. Du coup, elle tourne les talons, nous présente son sourire vertical et va s'occuper d'autre chose : elle ne va pas utiliser son précieux temps pour quelques euros. Elle s'occupera de nous, quand vraiment elle ne pouvait pas faire autrement. En attendant, nous nous séchons près du feu de bois dans un insert après la rincée que nous venons de subir avant d'arriver. Malgré les capes de pluie, nous sommes trempés jusqu'aux os : les mains, le visage, les bas de pantalons jusqu'au genoux, les chaussures... Tout est plus humide que si nous avions pris une douche habillés. Bien longtemps après, un serveur au comptoir qui ne savait pas quoi faire, réchauffe mes pâtes au micro-onde et prépare une salade pour Chrislaine. Ça ne nous à rien fait d'attendre : pendant ce temps, nous séchons et la pluie commence à s'estomper à l'extérieur. Quand nous sortons, la pluie recommence à tomber.
Nous nous dépêchons de faire les 3 derniers kilomètres pour arriver au gîte. Hormis mes chaussures et l'intérieur des capes, nous arrivons presque secs au gîte car le vent très fort a tout séché. Je retrouve mon sac à dos. Nous déposons nos capes à l'envers pour faire sécher l'humidité du côté de nos vêtements. Nous mettons du papier journal dans nos chaussures et les plaçons côte à côte dans un grand casier prévu à cet effet.
Dans le grand dortoir, il n'y a plus de lits contigus sauf de chaque côté de la porte d'entrée du dortoir. Sachant que la porte des toilettes se situe dans un autre coin du dortoir, il ne devrait y avoir que peu de passage dans la nuit. Nous prenons ces lits. Le réveil se fera peut-être demain à partir de 6H... mais avec le boucan que font certains au lever, nous serons déjà réveillés. Malgré le dortoir relativement plein, la nuit a été assez calme. Nous retrouvons Vincent du Michigan qui arrive et trouve le dernier lit du bas disponible. Les suivants seront perchés.
En repassant vers la salle commune, je m'aperçois qu'il y a un petit vent chaud soufflant dans le casier des chaussures pour les sécher. Si les chaussures de Chrislaine sont toujours à la même place, les miennes ont été déplacées hors du casier soufflant : quelle mentalité ! On nous avait prévenu : dans les 200 derniers km, les gens, c'est un peu du tout venant, les gens qui font Compostelle, c'est un peu une mode et ils n'en ont rien à faire des autres. Si le Chemin de Compostelle peut se faire généralement dans un esprit religieux et avec empathie, c'est une notion à oublier vers la fin du parcours. D'ailleurs, la nuit, on le sent bien avec l'utilisation des portes à roulettes pour aller aux toilettes : il y a ceux que l'on entend à peine et ceux qui doivent être sourds et qui ouvrent brutalement la porte jusqu'à la butée. Bref, la crème de la crème.
A part la faune qui loge temporairement dans ce gîte, l'homme qui tient le gîte (propriétaire ou gérant) est très sympa et parle très bien le français. Il nous incite à aller voir le restaurant en contrebas du gîte, dans le froid et le vent. Nous y allons mais ils ne proposent que des menus et donc, nous préférons nous abstenir. Nous retournons au gîte et nous voyons qu'il y a des tapas : salade de tomates et thon avec un morceau de fromage fabriqué dans la ferme voisine du gîte. Parfait pour nous.

19/10 Combien de commerçants faisons nous vivre...Chemin de brun

19/10 Certains ont soif, d'autres se douchent

19/10 Pont en zigzag

19/10 Astorga vue du pont

19/10 Cathédrale d'Astorga

19/10 Expérience 3D

19/10 Château Gaudi

19/10 Mur peint à Astorga

19/10 Dortoir quasi vide

20/10 Cathédrale d'Astorga le matin

20/10 La belle couleur des arbres

20/10 Journée de pluie avec arc-en-ciel

20/10 Gîte à Rabanal Del Camino

21/10 Couleurs de la forêt d'automne

21/10 Paysage montagneux qui annonce la Galice

21/10 Chemin relativement casse-pieds

21/10 Récompense après un chemin casse-pieds

21/10 Village à balcons à Riego

21/10 Gîte à alvéole

22/10 Lever de soleil

22/10 Ballade dans les collines

22/10 Le pont de Molinaseca

22/10 Maisons à blacons à Molinaseca

22/10 Aux glorieux charcutiers...

22/10 Nageurs dans le béton à Ponferrada

22/10 Château de Ponferrada

22/10 L'unique race est la race humaine

22/10 Trop mangé !!!!

22/10 Chaussures pendues. Une enseigne ?

23/10 Cacabelos sous la pluie

23/10 La Chupa Chups géante

23/10 Promenade dans Villafranca

23/10 Gîte bâti sur pierre à Villafranca

23/10 Entre deux étages du gîte

23/10 Dortoir romantique... au 4ème étage

24/10 Toujours les montagnes dans la brume matinale

24/10 Harmonie entre le monde minéral et le monde végétal

24/10 Village à balcon, un peu vieillot

24/10 Très vieux châtaignier
Cinquième et dernière semaine
Le mercredi 26 Octobre 19 km : Fonfrìa --> Samos
Le matin, nous partons dans le vent froid et une petite pluie, une bruine qui finira en milieu de matinée au fur et à mesure que nous descendons dans la vallée. Elle laisse la place à un grand soleil. Il faut dire que Fonfrìa est à 1.300 mètres d'altitude, ce qui explique le vent et le froid. Donc, une grande descente nous attend, une descente qui fatigue bien les genoux mais, d'un autre côté, nous avons l'impression d'être au sauna, le vent n'est plus froid, il commence à y avoir un peu de soleil et ça, ça fait du bien, c'est bon pour le moral...
Arrivés à mi-chemin, il y a 2 chemins possibles : le chemin court qui passe par une montagne avec une remontée et une descente bien pentues ou le chemin qui longe la rivière en pente douce avec 7 km de plus. Nous en avons assez de grimper, surtout que j'ai retrouvé le poids de mon sac à dos, ce sera la pente douce. En plus, pour le gîte, il y a un charmant village à voir avec une belle abbaye : Samos.
Nous prenons donc la pente douce avec des pontons en bois au dessus de la ravine comme avant-hier, c'est plus sécurisant pour les piétons sauf que... le bois, ça glisse avec l'humidité de la pluie et ce qui doit arriver arrive : à un moment donné, mon pied glisse sur une planche. Malgré un beau jeu de jambes, dansant d'un pied sur l'autre, chacun glissant à son tour, je tente un hypothétique rétablissement sans succès, le poids du sac à dos est plus fort que moi et m'entraîne en arrière. Je tombe une fesse par terre. Dans la chute, le sac à dos amortit une partie du choc et la gourde placée dans une poche de côté est éjectée et, décrivant une belle arabesque en l'air, elle se précipite... dans le ravin ! Je me relève sans trop de dommage, probablement un bleu mal placé mais je n'en dirai pas plus : ça ne se voit pas... Je quitte mon sac à dos et je me penche par dessus la balustrade du ponton pour voir si la gourde est récupérable (non, pas moi, moi, je suis irrécupérable). Elle est encore à moitié pleine et c'est une gourde thermos qui a à peine 10 années d'utilisation : j'y tiens ! Je ne la vois pas. Comme je suis intrépide, je descend la ravine à un endroit un peu plus praticable. Ça ne va pas être facile. Il y a un mur végétal vertical qui donne sur un petit replat 2 mètres plus bas. Allez, je me lance (avec délicatesse) dans la descente du mur végétal en m'accrochant aux racines des arbres, aux aspérités des rochers et tout ce qui peut me retenir. A mi-parcours, je me demande déjà comment je vais faire pour remonter... Je verrai bien quand j'y serai. J'arrive sur le replat et voit la gourde à hauteur d'homme, prise dans les branches d'un arbre. Je la récupère facilement. Maintenant, le plus difficile : remonter. Dire que nous sommes passés par la vallée en pente douce pour éviter de faire une grimpette au sommet d'une montagne ! Et finalement, j'observe que le replat de 2 mètres de large continue sur une bonne centaine de mètres longeant le ponton en contrebas puis remonte tout au bout au moment où le ponton s'arrête... Aussi bien, il remonte sur la route au bout. Je m'avance et oui, je me retrouve sur la route. Ce devait être l'ancien Chemin. Je retourne par le ponton rejoindre Chrislaine qui m'attend près de mon sac. Je montre fièrement mon butin : une gourde ! Chrislaine a eu bien peur mais il y a plus de peur que de mal... Nous repartons vaillamment en se disant que l'on manque de prudence quand on est fatigué.
Nous passons à côté de châtaigniers plusieurs fois centenaires avec des jeux de racines très esthétiques pour certains, d'autres avec des troncs très impressionnants.
Nous arrivons au village de Samos. En théorie, il y a plusieurs gîtes. En pratique, il en reste deux : celui de l'abbaye en donativo et un autre qui claironne partout dans ses publicités qu'il est à 12 euros mais, ce jour là, il affiche 15 euros. Ce pauvre garçon doit trouver les moyens de mettre du gasoil dans son Range-Rover flambant neuf... Contrairement au donativo, il y a une cuisine, ce qui nous incite à prendre celui-ci. Donc nous récupérerons le surplus de coût en faisant une dînette dans la cuisine plutôt que d'aller dans un restaurant manger de trop. Plus tard, nous regretterons d'avoir choisi ce gîte : il faut se contorsionner pour aller dans les toilettes des femmes et les douches des hommes n'ont pas de protège vêtements, il faut donc sortir nu de la cabine pour se sécher et se rhabiller. Les chambres sont à peu près bien. Il y a déjà Jason et Vincent.
Nous avons beaucoup de linge à laver avec les précédentes pluies. Il faut 3 euros pour la machine à laver. Puis, comme il n'y a pas de jardin ni d'étendoir, il faut prendre un sèche linge à 3 euros pour une demi-heure. Puis reprendre le même sèche linge à 3 euros pour une nouvelle demi-heure car le linge n'est toujours pas sec. Ce qui revient à 9 euros pour nos quelques vêtements... Un peu cher : le patron tire les prix vers le haut, les Range-Rover coûtent chers !
Nous voulions visiter le monastère mais la visite est toujours à 16H30. Il est 16H45, c'est raté. Tant pis, nous allons faire nos courses pour le repas du soir et le petit déjeuner. Nous n'avons vraiment pas envie d'aller au restaurant. Lorsque nous sommes chez nous, nous y allons rarement. Là, c'est tous les jours et franchement, ça commence à ne plus passer : trop de viandes, des légumes loin des labels bios, trop, c'est trop. Il y a 3 épiceries dans le village. Nous essayons de trouver les produits qui nous conviennent, nous hésitons. Entre la première épicerie et la seconde, nous rencontrons Vincent avec un ami en train de siroter une bière à une terrasse. Nous lui envoyons un grand bonjour. Nous cherchons nos produits dans la deuxième épicerie. Pas de succès. C'est la fin de saison, beaucoup de produits de petites quantités qui vont si bien pour les pèlerins ne sont plus dans les rayons. Pareil dans la troisième épicerie. Nous retournons dans la première, coucou Vincent. On se dit que dans la deuxième épicerie, il y avait un produit de meilleur qualité. Nous retournons, coucou Vincent. Nous faisons notre achat puis nous repartons au gîte, coucou Vincent qui rigole bien en nous voyant passer et repasser... Nous commençons la cuisine : Bon sang, on a oublié un produit. Je retourne en courant, coucou Vincent, puis retour, recoucou Vincent... Vincent sera toujours à la même place mais pas toujours avec la même personne.
Nous préparons notre repas. Il y a Max et un ami qui viennent de Tahiti et ils font un reportage sur le Chemin de Compostelle. Il prépare aussi un bon petit plat à base de patates douces. Nous nous serions bien laissés inviter...
La nuit est très calme et reposante.
Le jeudi 27 Octobre 19 km : Samos --> O Mosterio
Un petit café du matin et nous voilà partis le long de cette belle rivière qui serpente à côté de nous. Nous entendons une cascade bien bruyante mais nous n'arrivons pas à faire une belle photo car il est encore tôt, nous marchons avec nos lampes frontales et la pénombre domine. Il y a du vent qui remonte la vallée mais un vent chaud : on croirait que c'est le sirocco. Nous allons finir par être frits. C'est bien agréable après les jours que nous venons de passer, nous ne sentons même pas la fraîcheur de la rivière.
Nous passons dans des sentiers bordés de vieux arbres, des châtaigniers et des chênes. Il y a plusieurs arbres multi-centenaires et les châtaignes que nous trouvons au sol sont énormes et non véreuses. J'en ramasse plein pour ramener un souvenir qui va en réveiller un autre, comme les madeleines de Proust. Souvent à l'hiver, nous allions ramasser des petites châtaignes dans la campagne avec notre fils pour les faire griller dans notre insert. Nous avions la chaleur du feu, la gourmandise, les joies de l'hiver au coin du feu. De temps à autre, je faisais de la crème de marrons. Que de bons souvenirs de cette période où nous étions plus jeunes... Alors, aujourd'hui, comment puis-je résister à ramasser 3 ou 4 poignées de grosses châtaignes et les porter sur mon dos pour le peu de kilomètres qui nous restent. Nous les mangerons à notre retour de voyage, grillées dans notre insert.
L'absence de pluie nous donne des ailes et nous arrivons rapidement à Sarrìa. Nous y faisons des courses pour le soir : une paella surgelée et, ça nous manquait, des bananes des Canaries. Nous recherchons un bistro pour manger car l'heure du repas se fait sentir et nous tombons sur une serveuse qui parle un français impeccable avec un bel accent du sud : c'est une française qui vient de Bayonne. Elle nous conseille sur le repas. Nous mangeons bien et ce que nous voulons. Lorsque nous repartons, un homme nous tend un prospectus : c'est une albergue sur le Chemin, 5 km après Sarrìa. Pourquoi pas, surtout qu'il y a une cuisine à disposition. En avançant, le ciel s'obscurcit d'un seul coup et nous avons juste le temps de s'abriter sous l'avancée de toit d'une maison qu'une pluie torrentielle s'abat. La pluie s'arrête aussi rapidement qu'elle est venue.
Nous continuons notre Chemin et arrivons au gîte indiqué sur le prospectus. Là, avec effroi, nous constatons qu'il manque un de nos crédentiels : il n'en reste qu'un, le mien. Pourtant, hier, j'ai bien fait tamponner les deux comme d'habitude et je les range ensemble dans une pochette spéciale dans mon sac à bandoulière. En plus, je suis certain d'avoir vérifier qu'il n'y avait rien sur le bureau quand je suis reparti vers le dortoir. On ne peut pas les avoir perdus en Chemin. Et puis, d'autres personnes sont arrivées après nous, le responsable du gîte de Samos aurait dû le trouver et nous le rapporter s'il était honnête. Bref, le crédentiel manque à l'appel. Nous appelons ce précédent gîte. On essaye de parler avec son patron qui ne parle que l'espagnol. Heureusement, le patron du gîte de ce soir prend mon téléphone et correspond avec l'autre interlocuteur. Je ne comprends pas grand chose dans leurs échanges en espagnol. Après, le patron nous explique que le patron de Val de Samos l'a retrouvé sur son bureau. Il propose de l'envoyer par courrier à un autre gîte. Je ne crois pas trop que ça va marcher car la vitesse du courrier en Espagne est parfois un peu aléatoire. Et puis, comment savoir dans quel gîte nous serons dans 2 ou 3 jours ? Autant dire qu'il est perdu définitivement. Chrislaine est bien ennuyée, voire contrariée par cet incident. Elle ne fait pas confiance à l'autre patron de Samos. Il faut dire qu'il s'y entend bien pour faire monter les prix et quand on sait qu'un crédentiel se revend, ça étonne beaucoup moins. En effet, certains ont besoin de justifier qu'ils ont fait le Chemin de Compostelle : ça donne des points en plus pour obtenir certains diplômes espagnols.
Je cherche une solution. Le patron de notre gîte comprend bien notre situation. Il me propose de m'emmener le chercher en voiture à Samos si je lui paye l'essence aller-retour : 20 euros. J'accepte et nous voilà partis pour une bonne heure de voiture. C'est un peu cher mais c'est un souvenir de nos 1.800 km, 120 tampons, une centaine de jours de marche... Ça vaut le déplacement, surtout pour les beaux yeux de Chrislaine. Arrivés à Samos, les deux hommes s'expliquent avec des mots souriants qui sont loin de ma compréhension. Mon nouvel hôte en profite pour lui donner un lot de prospectus pour sa propre publicité... Je récupère le crédentiel et nous voilà repartis.
Chrislaine reste persuadée que s'il nous a proposé ce déplacement en voiture, c'est qu'il a compris que l'autre n'était pas très honnête et que nous n'aurions jamais retrouvé notre document. Nous revenons dans la joie.
Tout va bien, il reste 110 km pour arriver à Santiago. Nous faisons notre petite popote. Et, au moment de nous coucher, voici qu'un jeune homme encadrant arrive accompagné d'une dizaine de jeunes femmes. C'est une école d'infirmières qui viennent marcher vers Compostelle. Il y a beaucoup de jeunes qui font les 100 derniers kilomètres car ça donne des points supplémentaires dans les épreuves pour obtenir un diplôme. (d'où la revente de crédentiels volés).
Nous qui pensions être tranquilles, tout seuls dans ce dortoir, nous voilà au milieu d'un groupe qui ne parle pas très fort mais chuchote avec quelques petits éclats de rire durant une grande partie de la soirée. Vers 22H, je demande gentiment un peu plus de silence et le bruit s'arrête ou devient très feutré. La nuit se passe bien, elles sont jeunes, elles ne ronflent pas encore, elles...
Le vendredi 28 Octobre 18 km : O Mosterio --> Portomarin
Le matin à 7H pile, c'est un concert de téléphones dans tous les coins du dortoir pour signaler l'heure du réveil. Nous prenons notre petit déjeuner que nous avions acheté la veille et c'est reparti pour une journée difficile car il pleut encore et ça ne s'arrêtera pas de la journée. Sur la route bitumée, à la lueur des lampes frontales, nous voyons pleins de grosses salamandres avec une jolie peau noire rayée de jaune, certaines vivantes, d'autres écrasées par les voitures ou les piétons inattentifs. Il y en aura plein tout au long de cette journée de pluie.
Le jour se lève, la pluie est toujours là. Nous nous arrêtons à Mirallos pour prendre un café chaud et une tortilla. Il y a soudain une coupure de courant : plus de caisse, plus de café, plus de lumière, plus de plein de choses... La panne dure un bon 5 minutes. Nous avons eu la chance d'avoir nos cafés chauds avant mais on ne peut pas les payer. C'est un moindre mal... On paye quand le courant revient et je découvre sur le comptoir la tarte de Santiago, un gâteau aux amandes, on m'en avait parlé et effectivement c'est un régal, surtout dans ce bar. Nous repartons toujours sous la pluie.
Nous passons devant la borne qui indique que la fin du voyage est proche : 100 KM ! 5 jours de marche. Nous nous faisons prendre en photo devant... comme bien d'autres avant nous.
Il y a 2 chemins avant d'arriver à Portomarin. Nous ne savons pas lequel est le mieux, nous en prenons un au hasard, celui de gauche. Mauvais choix : la fin descend vers le fleuve de façon assez abrupte, le Chemin est coincé entre 2 murs de 2 mètres et qui canalisent toute la pluie dans le sentier raviné. Détail rigolo, comme nous faisons attention, nous n'allons pas assez vite pour la dame qui se trouve derrière nous. Elle nous dépasse d'un seul coup et, juste devant nous, au moment de descendre une belle hauteur de marche, elle glisse et se retrouve les fesses dans une cuvette d'eau que le ruissellement des eaux a creusé dans la roche. Elle maugrée mais ne se retourne pas et continue sur sa lancée, comme on dit dans le Nord, le cul cru.
Nous envoyons un SMS à Christopher pour lui indiquer de ne pas prendre le chemin à gauche. Il nous répond en nous demandant dans quel gîte nous étions hier. Nous lui indiquons le gîte à O Mosterio. Il nous enverra un message plus tard : << Je suis dans le gîte mais il n'y a personne ici ! >>. Je lui réponds qu'hier c'était complet, nous avons eu une écoles d'infirmières. Il répond ::<< Dommage, j'ai raté ça ! >>. Je le rassure : << Elles ont parlé tout le temps! >>. Il répond que, finalement, il n'a rien raté...
Nous traversons le grand pont qui mène à Portomarin et cherchons un gîte. Il faudra arpenter plusieurs rues de ce village à flanc de colline avant d'en trouver un ouvert, pas cher et avec de la place.
Nous rencontrons le jeune moniteur avec son école d'infirmières. Il est tout dépité car il a mis des chaussures neuves visiblement pas chères. Et comme il ne les a pas rôdées avant de venir, il a pleins d'ampoules aux pieds. Heureusement qu'il est entouré d'infirmières mais je pense que ça ne va pas remonter son moral plus haut que ses chaussettes. Pendant que nous parlons avec lui, Florent passe à côté de nous. Nous lui faisons un petit bonjour mais il se dépêche de trouver un gîte et le moniteur nous parle encore un peu.
Nous regardons pour visiter la belle église fortifiée qui trône au milieu du village mais elle est fermée. Un message précise qu'elle est ouverte tous les jours à partir de 19H. Mais elle reste fermée quand même. Une quinzaine de personnes attendaient et repartent un petit à petit. Elle n'ouvrira pas. Nous avons trouvé une petite pizzeria le midi et pour le soir un autre restaurant qui nous a fait du travers de porc arrosé d'un traditionnel verre de vin pour un prix un peu cher (mais beaucoup moins qu'en France).
Nous partons nous coucher. Notre gîte nous a proposé une chambre pour deux mais la douche et les WC sont communs à toutes les chambres et ensembles dans une seule pièce. Evidemment, une envie urgente prend Chrislaine au moment où un monsieur se lave tranquillement sous la douche. Chrislaine tente sa chance auprès de l'hospitalière qui ne parle que l'espagnol. Chrislaine demande s'il y a un deuxième WC. Elle lui apporte un sèche-cheveux... Décidément, Chrislaine et les langues étrangères, ce n'est pas encore tout à fait ça.
Le samedi 29 Octobre 17 km : Portomarin --> Ligonde
Nous sortons du gîte sous la pluie pour faire 20 mètres et nous engouffrer déjà tout ruisselants dans un bar pour prendre le petit déjeuner. Nous décidons de faire 17 km aujourd'hui car la pluie va encore tomber une grande partie de la journée. Nous allons traverser de belles forêts. avec des flaques d'eau, des chemins boueux... A un moment donné, il y a même un torrent de 5 ou 7 cm de profondeur sur 2 mètres de large qui coupe et passe dans le Chemin sur au moins 20 mètres, ce qui nous contraint à passer sur une aire de repos spéciale pèlerins où personne ne s'arrête : ils n'ont pas prévu un abri anti-pluie. Au bout de l'aire, il faut traverser ce ruisseau imprévu qui vient d'une canalisation qui passe sous la route. En son milieu, il y a une pierre à peu près plate et plus ou moins stable que l'eau submerge sur 1 cm. C'est le seul point d'appui pour franchir l'obstacle en deux grands pas. Il faut bien viser et garder son équilibre. Nous passons.
Une peu plus loin, il y a une grande albergue à Gonzar qui fait bar-restaurant. Elle est pleine à craquer mais donne une douce chaleur et une impression de sec. Nous y trouvons une table dans une cohue indescriptible. Nous prenons un sandwich et un verre de vin. Il est midi, nous avons faim. Nous sommes bien déçus : le vin provenant d'une carafe ressemble à du vinaigre, ce doit être les restes des bouteilles non consommées par les clients. Quant au sandwich, il y a dix fois plus de pain que d'omelette et de fromage et encore, il y a eu plus de fromage que de sourire du personnel. Un lieu qui n'a de chaleur que celui du chauffage central. Mais le tiroir caisse fonctionne bien.
Il faut repartir. C'est difficile d'avancer avec cette pluie et dans les chemins avec des flaques immenses.
Nous pensons avoir déjà fait 10 ou 12 km. En regardant de près, nous n'avons fait que 7 km. Une journée longue, triste, nous n'avons pas vu le paysage, les lunettes pleines de gouttelettes, les yeux rivés sur le sol pour éviter les flaques. Pour ajouter au pire, le Chemin monte, monte, monte, et la pluie est interminable, le moral n'est pas là pour nous soutenir mais nous avançons. Les chaussures font floc, le bas du pantalon est détrempé, le haut commence aussi à s'humidifier, ça ruissèle de partout. Le téléphone portable souffre aussi : de temps en temps, il y a des petits courts-circuits qui font vaciller l'image. En plus, le genou non protégé du jour craque de façon déplaisante. Où sont nos 20 ans ?
Nous avons eu du mal à faire nos 17 km mais nous sommes arrivés au gîte. Nous avons choisi une petite chambre à deux pour trouver un peu de confort après cette journée. Le moral était dans les chaussettes qui puaient autant que les chaussures. Nous nous sommes rués sur le lavage des vêtements (déjà trempés) et des sous-vêtements et les faisons sécher sur le radiateur de la chambre. Les chaussettes gardent encore une odeur du cuir rance des chaussures. J'aperçois un sèche cheveux dans la salle de bain commune. J'en profite pour faire un séchage d'air chaud des chaussures. La salle de bain prend une odeur nauséabonde au fur et à mesure que les chaussures sèchent et mais elles gardent encore cette odeur fétide de cuir moisi. Comme la semelle est déjà plus qu'usée, elles ne reviendront pas en France, elle resteront à Santiago. Il a fallu s'y prendre à 2 fois pour les sécher. Après la première fois, j'étais satisfait du résultat mais au bout d'une demi-heure, l'humidité est ressortie de la profondeur de la chaussure et il a fallu faire une seconde séance. J'espère que le sèche-cheveux n'a pas pris les odeurs : l'utilisateur suivant serait surpris du nouveau parfum de ses cheveux ! Nous rencontrons Caroline qui est dans le dortoir du même gîte. Elle adopte tout de suite notre idée pour sécher ses chaussures.
Nous mangeons avec elle au restaurant de l'autre côté de la route. Son visage va mieux, elle n'est plus trop tuméfiée, les bleus sous les yeux ont presque disparu, la cicatrice du front s'estompe, elle s'est fait retirer les fils.
Le dimanche 30 Octobre 22 km : Ligonde --> Melide
Le matin, tout est à peu prêt sec, certains linges un peu moins que d'autres. Mais les chaussettes et les chaussures sont quasiment sèches mais elles puent encore. Je boucle fermement les lacets des chaussures et j'espère que ça n'explosera pas ce soir quand je les retirerai...
Ce matin, la température est très basse mais il y a un coin de soleil et ça change tout : le paysage, le moral, tout est plus gai. Il y a de belles brumes matinales dans les forêts. Nous avançons à grands pas, le Chemin ne monte plus, il y a peu de monde devant nous. Cette nuit, c'était le changement d'horaire et nous avons gagné une heure de sommeil en plus et ce n'est pas négligeable. La seule petite ombre au tableau, c'est que le café d'en face a pris aussi une heure de plus pour son ouverture et nous ne pouvons pas déjeuner du matin. Au bout de 3 km, nous trouvons un bar ouvert qui nous propose un café bien chaud avec des tartines toastées avec beurre et confiture.
Ce matin nous devions partir avec Caroline mais elle a dû se lever plus tôt que nous car il n'y avait plus de lumière dans son dortoir lorsque nous sommes passés. Nous ne la voyons pas non plus dans les bars environnants, elle doit être loin devant.
Nous avons bien rangé les capes de pluie au fond du sac, les chaussures avancent toutes seules, nous profitons du paysage, du calme des forêts. Le soleil nous enveloppe d'une chaleur bienfaisante. Tout est beau ! Nous commençons à voir les forêts d'eucalyptus, nombreuses dans la région. Il y a aussi ces étranges constructions dans les jardins des maisons. Construites tout en long, comme des entrepôts à spaghettis, ce sont des greniers à maïs ou à céréales; aérés sur les côtés par des briques creuses ou des lambris de bois disjoints. Elles sont surélevées sur des pilotis ou des supports avec un surplomb pour empêcher les rongeurs d'y accéder.
Le midi nous trouvons un restaurant qui nous propose la spécialité de la région : le poulpe. C'est un peu cher mais c'est un repas du dimanche. Nous prenons place à la terrasse placée sous un grand chapiteau. Nous sommes les premiers, et ça va vite se remplir. Il y a un écossais qui arrive en kilt, qui répond à la grande joie des dames alentour qu'il ne met rien en dessous.
C'est dimanche, tout est fermé sauf quelques petits commerces judicieusement placés sur le Chemin. Nous en profitons pour faire quelques achats pour le repas du soir.
Arrivés à Melide par une banlieue industrielle peu engageante, nous cherchons un gîte dans cette jolie petite ville. C'est un peu difficile. Beaucoup d'albergues sont fermées, même celles qui annoncent qu'elles ferment à fin novembre et nous ne sommes que le 30. D'autres sont ouvertes dont une où des français sont hébergés et ils nous incitent à y venir mais c'est un peu trop cher pour notre budget. Nous finissons par remonter le Chemin primitif qui rejoint le Chemin français et trouvons une belle petite albergue moderne avec des petits paravents entre lits espacés pour donner un peu d'intimité. Il y a un balcon qui donne une belle vue sur un grand jardin. Nous rencontrons deux jeunes français, une bretonne et un homme du massif central qui se sont connus sur le chemin et qui apparemment ne se quitte plus : ils restent dans le même lit simple une partie de l'après-midi. Il y a aussi cet homme accompagné de ses deux jeunes enfants dans les 8-11 ans qui marchent environ 30 km par jour : ils nous donnent un peu la honte avec nos 20 km de moyenne...
Le lundi 31 Octobre 14 km : Melide --> Arzùa
Ce matin l'un de nous a des difficultés pour digérer le croissant matinal alors que l'autre à déjà faim. Du coup, il grignote quelques amuses bouches énergétiques (fruits secs...) et n'a plus faim lorsque l'autre digère enfin son croissant, qu'il remplace par un petit grignotage... Donc, aujourd'hui, nous sommes désynchronisés. Nous avons du mal à nous arrêter pour manger ensemble. Il faudra améliorer la mise en phase des digestions matinales.
Nous passons par de belles forêts parfois de feuillus, parfois d'eucalyptus, puis par des champs. Notre amie Dominique nous partage ses souvenirs par SMS. : << Je me souviens en arrivant près de Santiago, il y avait les bonnes odeurs des forêts d'eucalyptus ! >>. En fait, les eucalyptus, s'ils dispensent généreusement leurs fragrances à l'été, en fin d'automne, ils sont plutôt économes, ce qui n'est vraiment pas le cas des paysans du coin qui étalent les lisiers sur les champs environnant et là, ce n'est pas du tout le même registre de senteurs parfumées... Croyez moi, ça sent pire que des chaussures humides !
Nous arrivons assez vite et nous arrêtons. En effet, la météo annonce le retour des pluies et nous préférons être nus sous la douche chaude des gîtes plutôt que vêtus sous la douche froide du ciel.
Nous cherchons un gîte vers midi, chose difficile car beaucoup de gîtes sont fermés. Nous en trouvons un qui a 3 étages de dortoirs avec ascenseur ! Nous sommes les premiers, on nous installe au premier niveau. Nous avons le choix des lits : 15 lits superposés par étage, 90 couchages en tout. Nous serons 5 pour occuper ce grand gîte. Comme il y a une belle cuisine, nous faisons quelques courses au supermarché du coin et nous préparons un dîner de fête : gambas et burritos poulet-poivrons, arrosés d'un vin du pays sans étiquette à moins de 2 euros. La nuit a été bonne, un peu fraîche, heureusement, il y avait des couvertures..
Le mardi 1er Novembre 19 km : Arzùa --> O Pedrouzo
Nous partons du matin après le petit déjeuner dans le bar de l'albergue, pour l'avant dernière fois car demain soir nous serons à Santiago. Il nous reste 38 km. Nous essayons de profiter au mieux de cette journée mais nous sommes pressés d'arriver. Et puis, nous commençons à être bien fatigués.
C'est curieux, c'est le lendemain après Halloween, et nous passons devant une maison dont les grilles du jardin sont couvertes de toiles d'araignées bien visibles avec la rosée du matin. C'est très joli.
Il y a beaucoup de petits passages en bordure d'eau : un bassin avec des fausses fleurs de nénuphars, une petite mare avec des canards qu'il faut longer sur un ponton sur le côté. Aujourd'hui, il y a plein de monde sur le Chemin : qu'est ce que ça doit être en haute saison !
Par prudence, nous nous disons qu'il faudrait faire une réservation de chambre quand nous serons à Santiago. Nous arriverons mercredi soir, et prendrons l'avion samedi midi. Donc, il nous faut 2 jours à Santiago (mercredi et jeudi) puis nous repartirons à pieds vers l'aéroport, nous coucherons vendredi soir dans une albergue proche de l'aéroport et le lendemain, il restera 5 km pour prendre l'avion. Le planning nous paraît intéressant.
Je regarde ce que l'on peut trouver sur Santiago. Je trouve une pension pour 74 euros pour 2 jours. Il faut réserver par Booking qui prend d'ailleurs 4 euros au passage. Nous payons... ou plutôt, nous prépayons. Une heure après, je reçois un message en espagnol signalant des restrictions à propos du Covid. D'après ce que je comprends du texte, il faut que nos carnets de vaccination soit à jour sinon, ils ne nous acceptent pas. Le problème, c'est que nous ne les avons pas : j'ai changé mon téléphone juste avant le départ et les certificats n'ont pas été repris. D'autre part, ils n'ont jamais été demandés depuis le départ et ce n'était pas prévu. Et puis, nous avons déjà payé. Si nous ne venons pas, nous perdons notre argent. Quelle est cette magouille ? Booking est-il vraiment sérieux ? J'essaye de joindre la pension par téléphone sans succès. Est-ce une arnaque, il devrait y avoir un réceptionniste ? Je suis tracassé par cette histoire, je ne vois plus le paysage, je suis obnubilé par la résolution de ce problème qui engage une belle somme d'argent. Tout en marchant, je recherche sur Booking comment annuler la chambre. Peine perdue : les frais d'annulation sont de 74 euros sauf si la direction de la pension accepte l'annulation gratuite ou partielle. Quel traquenard surtout qu'ils ne répondent pas ni au téléphone, ni par E-mail !
Quant à Booking, ils n'ont aucun moyen de les contacter : ils encaissent, c'est tout !
A force de tenter de joindre l'hôtel par téléphone, une personne finit par décrocher vers 10H30 du matin. Notre compréhension mutuelle est un désastre : la dame ne parle que l'espagnol avec un accent asiatique impossible. Dans ce que je comprends, elle dit qu'il faut passer par Booking qui s'en moque puisqu'ils ont empoché leur commission. Je la menace de résoudre le problème avec la guardia civile. Elle répond encore plus vite en espagnol et ne me laisse plus d'espace de parole. Je finis par lui raccrocher au nez, de toutes façons, je ne comprends rien. Bravo l'Espagne, bravo Booking. C'est une matinée foutue à se morfondre mais nous avançons...
Nous rencontrons alors un couple Manuel, son épouse Angela et leur fille Laura. Ils nous parlent dans un bon français, même leur fille âgée de 16-18 ans. Une idée nous vient : et si nous leur demandions d'intervenir pour nous sur notre problème d'hôtel ? Peut-être pourraient-ils démêler le fin mot de l'histoire. Effectivement, ils sont contents de parler le français avec nous et encore plus de nous aider. Ils appellent la dame avec le téléphone de Chrislaine car il n'y a pas de réponse avec mon téléphone. Effectivement, c'est une dame asiatique qui ne dit qu'une chose : Booking. Avec beaucoup de persévérance, ils arrivent à expliquer que c'est pour mon problème. Il y a quelques échanges de phrases que je ne comprends pas bien. Angela raccroche et me donne le compte-rendu de sa conversation. Effectivement, la dame n'est pas très sympathique mais elle déclare que nous pouvons venir dans sa pension. Elle souhaitait seulement que nous soyons vaccinés, c'est tout, notre parole lui suffit, elle nous accueille. Voici des propos qui me rassure à moitié. J'ai tellement imaginé des choses que j'ai du mal à croire que ça se résout si facilement. Nous verrons demain : à la grâce de Dieu. Nous remercions très chaleureusement la famille. Nous continuons à parler ensemble jusqu'à la ville où nous avons notre gîte. La famille prend un autre chemin, vers le lieu de rendez-vous où leur fils les attend.
Je n'ai vraiment pas compris comment après avoir pris notre engagement hôtelier que l'autre personne puisse interdire notre venue. Ça sent un peu l'arnaque. J'essaie de me rassurer en me disant que tout s'arrange sur le Chemin... Je me promets que je ne repasserai plus jamais par Booking : ils ne servent à rien si ce n'est qu'au moment de l'encaissement.
Nous allons directement à notre albergue. C'est un beau gîte tout neuf avec les dortoirs à l'étage du dessous, non pas dans la cave mais au rez-de-chaussée de l'autre côté du bâtiment construit à flanc de colline. Les lits superposés sont disposés en angle (en chevrons) deux par deux (ou 4 par 4 puisqu'ils sont double). Chaque lit à sa petite veilleuse, son casier pour le sac et un casier ventilé pour les chaussures : quelle bonne idée ! Tout dépend où part la ventilation bien sûr. Au début, nous n'étions pas très nombreux mais le dortoir se rempli assez vite mais ne nécessite pas l'utilisation des lits supérieurs. Au niveau de l'entrée, au dessus du dortoir, il y a une belle cuisine mais nous ne pouvons rien acheter car c'est un jour férié : la Toussaint. Nous décidons de manger le midi dans un restaurant et de finir nos restes de tomate ici le soir. Pour le midi, nous trouvons le restaurant du village avec ses 2 plats plus dessert et vin à volonté : le vin à volonté va nous remettre de nos émotions du jour !
La nuit se passe bien mais dans l'attente du lendemain.

26/10 Nous admirons ces beaux paysages... quand il ne pleut pas

26/10 Chêne multi-centenaire

26/10 Bord de route

26/10 Le calme des vallées

26/10 Des bâtiments toujours extraordinaires

26/10 Balustrade de Saint-Jacques

27/10 Méga Châtaignes

27/10 Cascade de nuit

27/10 Vieux troll des chênes

27/10 Alliance entre nature et modernisme

27/11 Petit pont de bois

27/10 Jeune châtaigneraie

28/10 Salamandre de nuit

28/10 Sous les énormes châtaigniers

28/10 Chien pèlerin

28/10 Reste 100 km

28/10 Goulotte vers Portomarin

28/10 Descente scabreuse vers Portomarin

28/10 La cloche de la Liberté pour mon père, ma mère, mes frères et mes soeurs ho ho

29/10 Passages boueux
Sixième semaine
Le mercredi 2 Novembre 19 km : O Pedrouzo --> Santiago de Compostella
C'est le grand jour. Nous avançons assez vite, il ne pleut pas. Deux adolescentes nous dépassent en chantant et dansant avec leur mini sac à dos, insouciantes, pleines de vitalité et de plaisir, dans une chorégraphie marchante et sautante, les bras en parfaite synchronisation l'une et l'autre sur le rythme de leur musique qu'elles chantent à pleine voix. Elles rient aux éclats quand elles s'arrêtent. La fin du Chemin apporte beaucoup de joie.
Nous passons de plus en plus dans des forêts d'eucalyptus qui sentent beaucoup moins que mes chaussures. Le Chemin contourne l'aéroport, nous voyons les avions décoller dans des bruits furieux. Nous approchons, la banlieue, la ville, les petites rues, la cathédrale enfin. Nous nous prenons en photo devant. Je cherche un bureau d'accueil des pèlerins pour voir s'il peuvent m'aider dans mes démêlés avec la pension. On nous envoie dans une rue adjacente. Une maison avec une file d'attente. Nous essayons de dialoguer avec le personnel de sécurité qui ne parle que l'espagnol et qui nous tend un formulaire à remplir. Bon, moi et les langues étrangères... Je remplis le formulaire et nous avons droit chacun à un numéro et de rentrer dans la file d'attente. Nous débouchons sur un lot de guichets qui se répartissent les pèlerins avec un numéro d'appel. Numéro 445 guichet 3... J'essaye de demander si la dame au guichet parle français : c'est raté. En fait, elle prend le crédentiel, le consulte, le tamponne et remplit un diplôme certifiant que j'ai fait le Chemin depuis 2014 sur 1515 km. Tout ça pour ça et ça ne résout pas mon problème de gîte. Chrislaine a le droit au même traitement.
Nous aurons plus de chance une prochaine fois. En passant dans la rue, une jeune femme nous tend un prospectus pour aller jusqu'à Finisterra en autobus : c'est la presqu'île au bout de l'Espagne, à 3 jours de marche de Santiago, là où vont tous ceux qui ne savent plus s'arrêter de marcher : ils continuent après Santiago, arrivent à la mer et psychologiquement, ils comprennent qu'ils ne peuvent pas aller plus loin.. Nous prenons la réservation du voyage pour le lendemain jeudi. Nous visiterons la cathédrale et la ville vendredi.
A côté de la cathédrale, il y a un hôtel 5 étoiles avec des chambres en moyenne à 200 euros. Nous nous approchons pour voir cette belle architecture intérieure. Mais nous nous faisons dépasser par un groupe de touristes avec sac à dos et chaussures de marche qui entre dans l'hôtel et va à la réception. Tout le monde ne fait pas Compostelle de la même façon... Ces personnes ressemblent aux personnes que j'avais vues au kilomètre 90 avant l'arrivée en train de faire des étirements des jambes contre une barrière : c'était la première fois que je voyais des marcheurs faire des étirements en pleine journée sur ce Chemin.
Nous arrivons très anxieux à la pension. C'est un grand appartement avec plusieurs chambres. C'est une dame asiatique qui nous reçoit avec un grand sourire sous son masque et qui semble avoir complètement oublié nos différends. Elle nous montre notre chambre, la salle de bain et WC en face ; elle nous explique les clés de la porte d'entrée, de notre chambre etc... Bon, moins de soucis que prévu : tout s'arrange. Nous nous installons et nous oublions bien vite nos angoisses. Merci à Manuel, Angela et Laura d'être intervenus. Il nous vient à l'esprit que vendredi, nous devons quitter les lieux et partir vers l'aéroport avec nos sacs à dos mais comment faire pour visiter la ville et la cathédrale avec tout notre bardas ? Oups, je n'avais pas pensé à ça avant. Il faut faire une réservation d'hôtel à proximité de l'arrêt de bus qui mène à l'aéroport. Et par chance, l'arrêt de bus n'est pas très loin et, juste en face de l'arrêt, il y a un hôtel où il ne reste qu'une seule chambre pas chère, contrairement à d'autres hôtels interrogés précédemment où les prix ont doublés pour le week-end. Encore un coup de Providence.
Nous ressortons et faisons une ballade dans Santiago, voir la cathédrale. Nous trouvons un petit restaurant dans notre quartier.
Le jeudi 3 Novembre : Finisterra
Rien à dire sur cette journée en autobus. C'était bien reposant. Nous avons fait quelques détours touristiques : une cascade, un village et son restaurant, le bord de mer et Finisterra, entourés par la mer. C'est beau, c'est chaud, c'est ensoleillé, c'est venteux, c'est un joli coin de bord de mer. Nous revenons à notre gîte le soir après une sortie restaurant.
Le vendredi 4 Novembre : Santiago
La nuit a été assez courte. En pleine nuit, il y a eu un défilé de jeunes gens assez éméchés qui chantaient, rigolaient, s'interpelaient bruyamment pendant une bonne demi-heure sur la place en bas de l'appartement. Nous avons retrouvé le sommeil après. Puis, à 6 heures du matin quelqu'un sonne notre appartement à la porte d'entrée de l'immeuble. Une fois, deux fois, trois fois, longtemps, brièvement, en cascade, après une pause. Toutes les stratégies possibles lorsque l'on dispose que d'une sonnette. Excédé, je me lève, regarde par la fenêtre, prêt à jeter un seau d'eau sur l'imbécile qui s'amuse. J'aperçois que c'est un livreur asiatique d'une blanchisserie qui vient faire sa livraison mais personne ne répond. Poisse ! Au bout d'un quart d'heure il s'arrête enfin mais personne ne lui a ouvert. Mais voilà qu'une vingtaine de minutes après, il recommence le même manège. Il a dû faire une livraison ailleurs en attendant puis il revient à la charge. Il insiste 5 minutes puis plus rien. Il a compris plus vite. Sauf que... 3 minutes plus tard, c'est à la porte de l'appartement qu'il recommence son cirque : quelqu'un a dû lui ouvrir la porte de l'immeuble et il en a profité pour se rapprocher. Et il insiste 5 à 10 minutes... Jusqu'au moment où la dame asiatique se réveille enfin et lui ouvre la porte. Quelle malheur cette pension. N'y allez jamais : Pension Mar Azul.
Nous changeons de gîte. En regardant sous les lits pour voir si rien n'est tombé, je découvre un monceau de poussières. Pour une dame qui a peur des microbes, ce n'est vraiment pas terrible. Nous arrivons au nouvel hôtel, plus propre et bien sympathique. Nous déposons nos sacs pour être plus libre et partons au musée de la cathédrale. Je prends plein de photos sans flash jusqu'à ce qu'une gardienne me dise que les photos sont interdites. Donc, nous n'avons pas beaucoup de souvenirs de ce musée. Nous avons vu la cathédrale, un chef d'oeuvre baroque dont le choeur est magnifique, avec un toit d'autel supporté par des angelots gigantesques. Dans la crypte, se trouve le tombeau de Saint Jacques (mais personne n'en est vraiment sûr que ce soit lui dedans... Légende ou réalité...), l'apôtre de Jésus, où les pèlerins lancent des tas de lettres de prières derrière les grilles, lettres qui sont retirées chaque soir. Nous avons vu aussi le botafumeiro, gigantesque encensoir de 53 kg suspendu à la voute du plafond et qui se balance d'un bout à l'autre de la cathédrale à la vitesse de 60km/h. Nous ne l'avons pas vu en fonction, il sert rarement. On dit qu'à l'origine, il permettait d'assainir les odeurs qui s'échappaient des pèlerins, arrivant en masse et peu lavés... Il y avait une messe dite en latin, espagnol, anglais, allemand... Français exclus ! Ce qui me fait râler pour prouver que je suis un vrai français !
Autour de l'hôtel, nous trouvons un petit magasin où nous achetons des grands sacs pour enfermer nos sac à dos, les bâtons et quelques souvenirs pour les mettre dans la soute de l'avion. Il n'y a pas de roulettes C'est un peu lourd à la main mais ça tient.
Le soir, nous retrouvons Christopher et nous mangeons avec lui au restaurant une dernière fois. Il a un avion dimanche vers Londres.
Le samedi 5 Novembre : Santiago --> Lille
Le matin, nos affaires prêtes, nous traversons la rue pour prendre le petit déjeuner dans le café d'en face, toutes les portes grandes ouvertes malgré le froid, surement pour éviter le Covid. Il y a un bus pour l'aéroport toutes les 20 minutes pour 1 euro par personne. Ah, si nous avions ça en France ! Malheureusement, au moment où nous sortons pour aller à l'arrêt de bus à 10 mètres de là, un groupe scolaire de 40 adolescents de 14-15 ans arrivent en même temps pour attendre le même bus que nous. Inutile de vous dire que nous avons été serrés comme des sardines dans ce bus. Nous avons pris une place assise mais nous sommes coincés sous nos énormes sac à dos. En plus, le bus fait plusieurs arrêts : les personnes qui veulent descendre ont du mal à se frayer un chemin, et d'autres cherche à monter sans succès. Le bus prend du retard... Mais nous arrivons à temps à l'aéroport. L'avion décolle avec un peu de retard et atterrit quand même à l'heure à Beauvais. Nous faisons 2.000 km en un peu plus de 2 heures : ça nous change des 700 km en 36 jours.
A l'aéroport, nous cherchons un moyen pour rejoindre la gare de Beauvais. Il y a un bus toutes les deux heures. : ça ira pour prendre le train de 17H15.
Dans le train vers Lille, nous rencontrons une jeune femme qui est étonnée de nous voir avec nos gros sacs à dos. Elle a 22 ans et a du mal à joindre les deux bouts. Elle se demande ce qu'elle fait là, avec un travail qui ne lui apporte que le moyen de survivre. Nous lui parlons du Chemin, nous lui ouvrons la Porte du Chemin en racontant notre expérience. Elle découvre cette autre vie avec un intérêt grandissant, l'envie de faire cette expérience apparaît dans ses yeux, elle trouve un but à sa vie, loin du consumérisme, elle veut faire ce Chemin et fera tout pour y arriver... Sans le vouloir, nous avons semé une graine. Nous espérons de tout coeur qu'elle arrivera à réaliser son projet.
Nous arrivons à Lille, prenons le métro jusqu'au terminus où nous attend notre sémillante et sympathique voisine qui nous ramenera en voiture jusqu'à notre maison abandonnée depuis 6 semaines.
Dans le métro, nous reprenons contact avec le monde réel, la folie des hommes. Dans la rame de métro arrive un homme très alcoolisé avec un seau à champagne rempli d'eau et de glaçon et une bouteille qui baigne dedans. Il parle fort, des mots sans suite, perdu dans son paradis artificiel. Il n'a pas encore trouvé sa vie dans ce monde et il en souffre. Il renverse une partie de l'eau qui se répand partout dans le wagon et sous nos sacs. A la station suivante, il descend et nous entendons un grand bruit de verre brisé. Nous n'en saurons pas plus, le métro redémarre. Alors un jeune homme dans le wagon nous explique qu'il y a des gens qui feraient mieux de ne pas boire quand ils ne supportent pas l'alcool. Lui, il a bu 15 bières et il tient le coup et il en est fier. Bon, il a les yeux un peu allumés mais il est conscient nous dit-il. Mais je ne suis pas impressionné, malheureusement pour lui. Moi, avec 15 bières, si par hasard je tenais debout, ma seule préoccupation serait de trouver un urinoir format XXXL.
Et puis, nous prenons connaissance de l'actualité, avec ce monde chaotique où certains dictateurs prône la guerre sainte contre le satanisme qu'ils ont au fond d'eux-mêmes. Comment des prêtres orthodoxes peuvent-ils soutenir une guerre de haine au lieu de chercher l'unité. Sur le Chemin, nous sommes si loin de tout ça, bercés par la nature dans une vie simple, sans superflu mais très intense et profonde. Quelque part, ce Chemin nous fait découvrir la vie.
Le vendredi 11 Novembre : Anna est née
Anna a attendu notre retour : Merci, sois la bienvenue, nous t'accueillons avec Amour. Marche longtemps dans ta vie, c'est la santé, la découverte du monde, de la nature, de toi même, des autres, de la Vie. Même avec peu de choses, tu existes sur ces Chemins.

2/11 Le dernier matin

2/11 Toujours dans les brumes matinales d'automne

2/11 Forêts d'eucalyptus

2/11 Arrivée à Santiago

2/11 La Cathédrale de Santiago

2/11 Le Choeur de Saint Jacques avec le botafumeiro

3/11 Kilomètre zéro à Finisterra

3/11 Le bout du monde

4/11 Visite de la Cathédrale

4/11 Accueil pèlerin : assez joli !
PETITES PHOTOS OUBLIEES....

4/10 Le jeu des différences

7/10 Avec les amies de Chemin

10/10 La pause s'impose

11/10 Le même pont vu de haut

11/10 Passage d'écluse

16/10 Visite de Leòn (ça donne les boules)

17/10 Choeur en bois sculpté à Leòn

19/10 Le plus grand pont à Hospital de Orbigo

22/10 Petit château caché à Ponferrada

22/10 l'Espagne moderne à Ponferrada
PHOTOS SPECIALES BOTANIQUE ET FAUNE...

30/9 La colchique des Pyrénées

3/10 Les vignes qui profitent de l'été indien

10/10 Colline d'asters bleues

14/10 Arbres verts et jaunes en même temps

19/10 Champ de piquillos (délicieux poivrons)

21/10 Les arbres colorés

25/10 Les amanites tue-mouches

26/10 Marronnier multi-centenaire

28/10 Une salamandre

27/10 Crocus