CONDOM - PAMPELONA

Il ne reste que 1000 kms

Hé oui... Nous étions prêts en avril 2020, malheureusement,  nous avons été consignés à résidence à cause du Covid... Si nous avions su, nous serions partis en mars.

Pourtant, c'était mon projet de retraite : voyager ! Et nous sommes restés à la maison en avril, puis limités à 1 kilomètre autour du domicile. Malgré le soutien de quelques sites Internet "Péleriner Confiné" ou autre, ce n'est pas la même chose. En 2021, beaucoup de déplacements, de passages de frontières étaient interdits, il fallait être vacciné ou avoir déjà  "survécu" à une contamination, tout changeait régulièrement et il n'y avait pas de synchronisation entre les pays : partir était hasardeux.

Donc, c'est décidé Avril 2022, le Chemin nous appelle, c'est la voix de Compostelle (refrain connu). Nous décidons cette année de faire un peu plus de 300 km, passer le col de Roncevaux et arriver à Pampelune, en prenant 2 jours de repos ou de marge en cas de problème. Effectivement, cette année, nous partirons en train ou bus suite à des grosses réparations onéreuses et inutiles sur nos automobiles qui finalement sont parties en casse. Donc, qui dit bus ou train, dit qu'il faut prévoir les imprévus et réserver le chemin du retour sous peine de manquer de place ou de voir les prix s'envoler. Le choix est fait de partir en bus de nuit Lille / Bordeaux, puis train Bordeaux / Agen puis bus Agen / Condom, tout ça pour la modique somme de 32 euros par personne. Le retour tout en bus sera malgré tout deux fois plus cher en raison du chevauchement avec les fins de périodes scolaires : Pampelune / Saint-Sébastien, San-Sébastien / Bayonne, Bayonne / Lille (de nuit).

Comment découper les étapes ? Je pensais faire 25 km par jour avec 2 jours de repos mais cela ne convient pas à Chrislaine qui a peur de ne pas réussir. Je fais plusieurs essais de découpage sachant qu'il y a des goulots d'étranglement : comme par exemple Aire-Sur-L'Adour ou Aroue où il faut faire 18 km après pour retrouver une nouvelle étape. Ce qui signifie, qu'il faut éviter les étapes à moins de 12 km avant, sinon, nous devons faire 12 km ou 30 ! Le choix serait vite fait dans ces cas. Nous pouvons aussi faire avec réflexion. Nous jonglons avec les kilomètres sur un tableur Excel et nous nous mettons d'accord (ça arrive) sur un trajet optimal qui ménage les mollets et la marge de sécurité, tout en combinant un peu de tourisme.

Tout est prévu, nous partons le 11 avril.  Il y a un changement de bus à Paris . En sortant de Lille, le bus tombe dans un bouchon de plus d'une heure....  Heureusement, il y a 2 heures d'attente pour le changement de bus à Paris. Le lendemain après le petit déjeuner en terrasse à Bordeaux Saint-Jean, nous prenons le train pour Agen. En attendant le bus (à 2 euros la course Agen / Condom), nous rencontrons une tourquennoise (habitante de Tourcoing) qui vient acheter une résidence secondaire à Condom, près du Chemin, c'est une ancienne jacquaire (qui a fait le Chemin). Après bien des flots de paroles et une petite bière au village, nous nous dirigeons vers notre premier gîte.

ETAPE 1 : CONDOM - MONTREAL DU GERS : 16 km

Il faut parler de ce gîte que nous avons pris à Condom : il est tenu par une belle association unique en son genre : dans cet ancien carmel, l'association est un lieu d'accueil basé sur la solidarité, l'ouverture et la diversité. On y rencontre des retraités, des personnes en difficulté, des sans abris, des vacanciers et aussi... des pélerins ! Inutile de vous parler des sourires et de la joie de vivre dans ce lieu. Le soir, nous avons droit à un succulent dîner 4 étoiles avec une belle présentation mais sans vin en raison du partage du repas avec des personnes anciennement dépendantes. C'est un grand souvenir d'échanges et aussi culinaire : il y avait une salade de betteraves parfaitement accommodée en entrée puis venait le parmentier de morue au citron, oseille et herbes du jardin : extraordinaire, une explosion de saveurs. Miam miam puis dodo. Après la nuit dans le bus, inutile de parler du confort d'un lit.

Nous nous réveillons dans une chambre calme de 2 personnes : un bon repos après le voyage de nuit dans le bus inconfortable. Après le petit déjeuner, brossage des dents puis nous préparons nos sacs et là "Oups, dit Chrislaine, je viens d'oublier le tube dentifrice dans la salle de bain". Elle retourne aux lavabos mais le tube dentifrice a déjà disparu : les 4 randonneurs qui occupaient les chambres voisines ont sévi : on sait que c'est eux, Chrislaine en a croisé un venant des lavabos et il s'est dépêché de partir en la voyant revenir. Nous étions contents, nous avions dégoté un tube de dentifrice hyper léger, un mini échantillon gratuit offert par notre dentiste, peu de poids dans le sac, et nous voilà dans l'obligation de racheter un tube méga-format comme on en trouve partout. Se faire voleur pour ça, franchement, nous ne comprenons pas et impossible de les retrouver sur le Chemin : ils ne faisaient pas Compostelle.

Aujourd'hui, c'est une petite étape, une mise en jambe de 16 km seulement. Les hospitaliers de l'association nous conseillent de faire un détour de 2 km pour visiter le joli village de Larressingle. Bon, pourquoi pas, il n'y a pas beaucoup de kilomètres pour cette première journée.

Nous achetons des provisions de bouche avant de partir de Condom car nous ne croiserons pas de magasin en route. Nous achetons le tube de dentifrice (pour s'habituer au poids ou plutôt pour éviter d'aller en rechercher le soir) et aussi un légume-fruit idéal : la tomate cerise. Elle est parfaite pour le pique-nique : on prend ce dont on a besoin, pas besoin de reprendre une grosse tomate entière, ni d'en laisser une moitié qui répand son jus un peu partout. En plus, on la croque, elle explose en bouche fermée, sans laisser de trace sur les mains, les vêtements... Impeccable. Nous prenons aussi une barquette de fraises pour le dessert, elles seront stockées dans le fameux Tupperware étanche prévu dans le sac à dos contre un peu de poids en plus. Il nous restait un fond de saucisson et quelques biscottes de secours pour remplacer le pain absent. Le repas du midi sera surement pantagruélique.

En route, nous dévions notre chemin vers Larressingle, la petite Carcassonne, un beau village tout entouré de murailles, malheureusement un peu désert en ce début de saison : les ouvriers bricolent partout, les magasins fermés remplissent leurs stocks et même le boulanger nous laisse dans le pétrin : pas de pain. Ça vaut le détour pour faire quelques jolies photos. D'ailleurs, de nombreux pèlerins passent par là. Nous rencontrons aussi quelques touristes âgés venus en voiture.

Ces mêmes touristes, nous les revoyons un peu plus loin, au pont d'Artigues, un pont piétonnier en pierre conçu spécialement pour le chemin de Compostelle. Comme dit Chrislaine avec ses jeux de mots pourris et totalement involontaires : "Ce pont ne casse pas des briques". Hé oui, elle ne peut pas s'empêcher... Quelques exemples ? On arrive à la caisse d'un supermarché pleins de bouteilles pour faire un pot et elle demande ingénument "On paye en liquide ?", on sort d'un restaurant de poissons et elle annonce "C'était très bien, je me sens pas lourde" ou pire : à son anniversaire, le soir, elle prend son bain, je lui apporte le champagne en lui demandant de prendre son temps pour déguster pendant que je prépare le repas et elle répond "Oh oui, je ne vais pas le boire cul-sec" : ça ne risquait pas dans sa situation... Bref, je pourrais en faire un livre.

Et nous marchons joyeusement pour ce premier jour, avec cette soif inextinguible de liberté, de vie, d'aventure... Il va être midi et quelques gouttes de pluie commencent à nous inquiéter d'autant plus que nous sommes dans une zone de champs sans arbre. Ha si, là, il y a une petite église au sommet d'une crête sur la droite, pourvu qu'elle soit ouverte ! En fait, nous découvrons qu'elle possède un large porche à son entrée pour nous abriter juste le temps de notre pique-nique. Ouf ! malgré tout, la pluie ne viendra pas.

Nous repartons jusqu'à Montréal pour notre prochain gîte. Attention, c'est bien Montréal-du-Gers, nous ne passons pas par le Canada.

Arrivée au gîte, chez Anita, une allemande venue habiter ici. Un homme très pince sans rire fait l'hospitalier du gîte. Il l'aide beaucoup car la gentillesse a donné à Anita quelques déboires avec de faux pèlerins (pas des faucons, des vrais), leurs voitures à proximité, se plaignant de tout : du repas, des lits, qu'il n'y a personne pour monter les bagages à la chambre et notre hospitalier est intarissable sur ces profiteurs. On le sent un peu désabusé, déçu de l'effet de mode du Chemin qui ramène des personnes n'ayant d'autre éthique que de passer des vacances à petits prix même s'ils n'en dépendent pas. Ca ne serait pas dérangeant s'ils ne prenaient pas la place des vrais randonneurs.

D'un autre côté, il s'amuse de tout : il a fait croire à un groupe de femmes la semaine précédente qu'il était dresseur de pingouins au Sénégal, il en rit encore d'autant plus qu'elles ont colporté cette information dans d'autres gîtes tout au long du Chemin. Nous échangeons beaucoup sur la vie : lui a quitté beaucoup de son ancienne vie pour passer plus de temps sur le Chemin et vit au libre gré de sa fantaisie : hospitalier ici pendant un temps, hospitalier ailleurs. Il n'en dira pas plus préférant cacher sa vie plus privée.

Il nous conseille de réserver tous les gîtes jusqu'à la fin de semaine pour éviter les mauvaises surprises car c'est une période de vacances scolaires, beaucoup de gens marchent et par conséquent, prennent des places. Nous avons l'habitude de réserver la veille pour le lendemain, c'est plus souple : ainsi nous décidons en fonction de notre état de fatigue du moment. Ca évite les mauvaises surprises et d'être obligés d'annuler toutes les réservations en cas de problème. Cependant, il semble que ce ne soit pas la bonne solution en ce moment. Sans nous imposer quoique ce soit, il nous aiguille vers des gîtes qu'il connaît. Il ne gagne rien dans l'affaire, il partage son expérience car il connaît bien les gîtes depuis qu'il arpente le Chemin en tous sens. D'un autre côté, il n'a pas tort car notre édition du Miam-Miam-Dodo millésime 2018 est complètement dépassée avec le Covid qui a sinistré plusieurs gîtes : ceux que nous choisissons ne répondent plus. Donc contrairement à notre préférence pour le hasard qui fait souvent si bien les choses, nous voici planifiés sur le Chemin pour au moins une semaine. Après tout, nous sommes arrivés là par hasard aussi... Ce hasard veut que nous évitions d'autres hasards.

Il nous donne aussi un précieux outil qui nous a servi sur le Chemin : un site Internet qui renferme toutes les clés pour parcourir tous les Chemins de Compostelle d'Europe (et du Sénégal) : gronze.com

ETAPE 2 : MONTREAL DU GERS - SAUBOIRES : 25 km

Les matins sont frais, c'est agréable pour marcher, le soleil apparaît l'après-midi, ça donne un air de vacances. Cette météo clémente durera quelques jours.

Cela ne fait aucun doute : il a bien plu la semaine précédente. C'est d'ailleurs pour ça que nous avions retardé notre voyage d'une semaine. Dans une forêt, le chemin est noyé dans une mare d'eau impraticable sans botte et nous n'en avons pas prévu dans le sac à dos. Nos prédécesseurs ont fait un petit itinéraire bis sur le côté pour contourner ce passage humide.

Ce matin, nous voici dans la brume qui donne un aspect irréel aux vignobles que nous longeons. Soudain, le chemin n'est plus bien visible, nous cherchons le bon sentier et au lieu de trouver une indication de direction, une pancarte en tôle émaillée nous signale : "Randonneurs, Pélerins. Respectez les personnes, les biens et la nature; (en rouge) Passez votre chemin sans vous arrêter.".

OK, on veut bien passer notre chemin si on sait où il est. C'est outrecuidant d'être accueillis comme ça non ? D'accord, il y a parfois de drôles de gens sur ce Chemin et c'est pour eux que ce panneau est destiné mais ils doivent complètement s'en moquer ! Donc, c'est inutile, un panneau Compostelle avec une flèche serait beaucoup plus judicieux.

Bref, nous finissons par retrouver les balises. Un peu plus loin, je tombe sur un village avec le nom d'une rue : "Impasse de Compostelle". C'est désespérant ! En fait, il fallait tourner à gauche et évidemment, j'ai pris à droite. Ensuite, nous traversons des champs avec les mêmes plantes curieuses où ça butine tous azimuts ; il y en a des champs entiers et aussi dans les bouts de lignes de vignoble, des isolées en bord de route, partout. Une application Smartphone (Plantnet) indique que ce sont des fèves. Nous passons dans la jolie ville d'Eauze avec de belles maisons à colombage que nous contemplons en passant sans nous arrêter.

Nous avons réservé dans un gîte écolo avec une participation libre aux frais. Les derniers mètres font râler Chrislaine qui trouve que 25 km sur une journée c'est trop, surtout les 100 mètres de détour pour aller au gîte : c'est la fatigue car elle le fait sans problème. Le jeune couple propriétaire du gîte, Alexandra et Elie, nous reçoit dans une jolie cacophonie gazouillante : ils ont 2 enfants en bas âge qui ne leur laissent pas un instant de répit. Ils font vraiment de leur mieux avec leurs enfants qui, comment dire, sont pleins de vie. Ils nous avaient prévenus à la réservation, ils ne nous proposeront pas la demi-pension ce soir. Ce n'est pas grave car il nous reste quelques réserves pour les cas extrêmes : potage déshydraté, boîte de sardine et restes du midi. Ils proposent tout de même de quoi faire le petit déjeuner du lendemain avec du pain frais. Tout est pour le mieux, les toilettes du bungalow sont aménagées en toilettes sèches, la douche ne fonctionne qu'avec du savon bio mis à disposition et il y a du savon de Marseille pour laver le linge... Et oui, l'eau est récupérée vers un petit bassin de décantation en contrebas de la maison avec des plantes qui purifient l'eau et ça marche bien.

Nous donnons notre écot pour la nuitée. Alexandra, la maîtresse du lieu est bien étonnée du montant que nous offrons généreusement : nous avons donné la même chose que pour une nuitée dans un autre gîte, ce qui nous paraît normal. Que peuvent donner les autres visiteurs ? Comme c'est gratuit, il y a bien sûr des abus. Alexandra nous fera le plus beau tampon de notre crédentiel : entièrement manuel et multicolore ! C'est vraiment le Chalet du Bonheur.

ETAPE 3 : SAUBOIRES - LANNE SOUBIRAN : 22 km

C'est le troisième jour, la fatigue commence à se faire sentir. Il reste peu de souvenirs de la marche. Nous longeons les étangs du Pouy, jolie réserve aquatique qui doit offrir sa fraîcheur quand il fait chaud mais ce n'est pas le cas ce matin. Nous passons à Manciet où nous nous arrêtons dans un Proxy pour refaire le ravitaillement. La dame en caisse, voyant nos sac à dos, nous signale gentiment que la passerelle est en travaux car un camion l'a ébranlée et, du coup, il faut passer plus loin dans le village. OK. En sortant du magasin, nous nous demandons soudain mais quelle passerelle ? C'est où "plus loin dans le village" ? Bon nous avançons et nous verrons le moment venu. Nous tournons dans la rue à droite où les voitures déboulent à toute berzinque (traduction du patois de ch'nord : toute vitesse). Et là, je comprends de visu : il y a une passerelle métallique pour piétons qui enjambe la rue : elle est bloquée pour travaux. Allons-nous faire demi-tour et repartir en ville ? Bah non, nous sommes un peu trop fatigués pour retourner sur nos pas. Nous profitons d'un moment d'accalmie des voitures pour traverser et rejoindre la sortie de la passerelle de l'autre côté de la rue. Et comme ça, nous ne quittons pas les balises du Chemin. Nous sortons de la ville et entrons dans une longue forêt.

Nous arrivons plus loin devant une église et son cimetière en plein milieu de la forêt. C'est calme pour une dernière demeure. Les chemins pour y parvenir ne semblent pas trop praticables, on pourrait croire que c'est abandonné mais il y a des monuments récents. Enfin, pour nous, il est trop tôt pour s'attarder ici...

Nous passons par Nogaro dont il ne me reste qu'un souvenir auditif d'une course de voiture ou de moto dans le lointain...

Dans l'après-midi, nous cherchons le gîte du soir. C'est cette maison ? non, encore plus loin. Cette ferme ? non encore un kilomètre. ça doit être là ? Non, encore 500 mètres. En fait, c'est surtout loin vers la fin. Comme disait Woody Allen, "c'est comme l'éternité : c'est long surtout vers la fin"... Nous arrivons enfin au Presbytère, une belle maison à colombages : c'est le nom du gîte que nous avions réservé. Une sémillante Marinette nous accueille et nous mitonne de bons petits plats. Elle est d'origine hollandaise ou belge ( je ne me souviens plus bien) avec un accueil bien chaleureux. C'est un dortoir. Nous sommes 3 dans le dortoir que nous partageons avec Daniel un savoyard (dont Je ne me souviens plus non plus du son de sa voix... Blague nulle) avec qui nous échangeons un peu les questions habituelles : "Vous venez d'où ? Vous allez où ?". En plus, lui aimerait savoir la météo à Saint-Jean-Pied-De-Port... c'est inhabituel.

La fatigue faisant, avec le calme qui arrive avec la nuit, nous nous endormons en toute quiétude.

ETAPE 4 : LANNE SOUBIRAN - AIRE SUR L'ADOUR : 19 km

Nous marchons sans y penser, le paysage ne reste pas dans nos yeux, il défile. Ce sont de grands champs qui viennent d'être labourés où des jeunes pousses commencent à pointer leurs dicotylédones. Ce sont des plaines immenses, on voit loin, peu d'arbres, un bosquet par ci par là, c'est bien monotone. Nous regardons en avant, en arrière, à la recherche d'autres marcheurs, nous pourrions parler un peu. Personne. Nous passons à côté de l'église Saint-Michel à Lelin-Lapujolle. Cette église a un clocher assez curieux : les cloches sont en extérieur, intégrées dans le haut du mur de façade, lui-même protégé par un grand clocher carré maintenu en équilibre sur le mur par un jeu de poutres obliques en dessous fichées dans le mur. C'est plus facile à voir qu'à décrire... Désolé. Mais le résultat est spectaculaire, croyez moi.

Puis, le chemin prend une grande ligne droite, le long d'une voie ferrée désaffectée. Nous cherchons désespérément de quoi s'assoir pour manger le midi mais sans succès : une pierre, un arbre couché feraient l'affaire mais il n'y a rien. Je me demande si nous ne pourrions pas nous assoir sur les supports des roues des grands arceaux qui servent à l'arrosage industriel des champs. Chrislaine préfère marcher. Enfin vers 13h00, un gîte d'Eauze (Chez Françoise) a installé un petit banc et une table en pleine campagne, juste à point nommé, pour faire une pub mais c'est sympa quand même. Nous en profitons. Quelques marcheurs passent. Nous leur proposons un peu de notre banc. "Non, merci, je ne mange pas le midi" (comment fait-il ?). Un autre, Arnaud, un autrichien dans un bon français un peu hésitant : "Je vais manger quand j'arriverai", un dernier s'arrête quand nous finissons notre repas. Nous lui laissons la place.

A peine repartis, nous nous faisons dépasser par une flèche : une petite Monique mécanique courte sur pattes et remontée comme un ressort. On dirait presque qu'elle vole en rase-motte tant elle a un pas rapide, petit et vif, une cadence de marche infernale. A peine le temps de lui dire 2 mots qu'on la voit déjà au loin avec nos grands yeux sidérés : on se croyait dans le dessin animé de Tex Avery "Bip-Bip et Vil Coyote" ou "Speedy Gonzales la souris la plus rapide de Santiago".

Nous passons ensuite par Barcelonne... Barcelonne du Gers bien sûr, juste avant Aire-sur-l'Adour, pas le lieu de mes vacances d'enfance.

Pour Aire-Sur-L'Adour, le dresseur de Pingouins au Sénégal nous avait préconisé d'essayer un nouveau gîte qu'il ne connaissait pas et qui lui paraissait bien sympa. Pourquoi pas : l'aventure, c'est l'aventure. C'est un très beau gîte dans une ancienne maison de maître, un beau jardin qui donne sur l'eau (l'Adour), un grand escalier monumental pour accéder aux chambres et aux dortoirs. Les lits dans le dortoir y sont placés dans des petites alcôves fermées avec de belles tentures pour garder une certaine intimité. Juliette et Vincent qui nous accueillent dans leur demeure dont ils sont très fiers, sont très à l'écoute des pèlerins et nous ont mitonné un bon repas après un punch de leur composition, rien à redire.

Nous rencontrons 2 femmes qui commencent leur chemin. Elles ont prévu de faire moins de kilomètres que nous par jour. Nous leur souhaitons "Ultreïa".

Chrislaine commence a être fatiguée de marcher et du poids du sac. Nous faisons un inventaire et là, je découvre avec stupeur que sa manie de récupérer les pièces cuivrées dans son porte-monnaie est venue avec elle. Ben oui, c'est important d'avoir l'appoint-chez-les-commerçants qui n'en demandent jamais. Elle transporte un porte-monnaie plus lourd qu'un tube de dentifrice parce qu'il contient plus d'un euro en mitraille. Je les transforme en tomates-cerises dans un magasin qui n'est pas trop content mais qui ne peut pas refuser...

S'il y a une chose à visiter dans Aire-sur-l'Adour, c'est bien la pâtisserie DAUGE. Pour le lendemain dimanche, j'achète des petits gâteaux en forme de croissant de lune aux pignons de pins. J'étais étonné que les gens fassent la queue en dehors du magasin pour acheter des gâteaux. Ce n'était pas pour acheter du pain, ils ne sont même pas boulangers, simplement Chocolatiers et Pâtissiers, une boutique vieillotte, rose et dorée comme une bonbonnière. Nous avons très bien compris le lendemain : leurs gâteaux sont plus qu'excellents. Même Chrislaine qui n'est pas fana des gâteaux en a pris et repris... Si j'avais su, j'en aurai acheté plus, il restait des pièces cuivrées...

ETAPE 5 : AIRE SUR L'ADOUR - PIMBO : 27 km

C'est une grande étape : 27 km. Nous allons tricher un peu, il y a un raccourci sur le chemin qui nous fait gagner 2 km. Nous n'hésitons pas. A Miramont-Sensacq, il y a une bifurcation pour couper une partie du chemin qui passe plus au sud. Comme je dis "Nous avons un sac à dos, nous ne pouvons pas aller à Miramont-Sensacq !". En fait, le paysage composé essentiellement de grand champ labourés sans arbre n'était pas très folichon, Chrislaine souffre de la cheville et comme il n'y a pas trop de circulation, donc nous faisons le raccourci sur route bitumée. Rien ne dit que le chemin officiel ne passe pas aussi par un peu de bitume. Nous faisons plusieurs petites pauses pour se ressourcer.

Les derniers kilomètres arrivent et nous croisons quelqu'un en face. Tiens, ça nous rappelle un peu notre aventure à Cajarc. Je demande :

- Où allez-vous ? Vous n'êtes pas dans le bon sens !

- Si, c'est le bon sens pour aller à Pimbo, je vais à Arthez-de-Béarn qui est après Pimbo.

- Ah oui, c'est bon, nous aussi nous allons à Pimbo mais qui n'est pas dans le bon sens ?

En fait, c'est lui qui est dans le bon sens. Nous avions fini le raccourci et remontions le chemin officiel en sens inverse. Nous avions raté la bifurcation vers un petit sous-bois à gauche de notre chemin. Evidemment, c'était mieux indiqué en venant du chemin officiel que venant du raccourci. Heureusement que nous avons croisé ce marcheur 3 minutes après notre erreur. Imaginez que nous serions retournés à Miramont-Sensacq en remontant le chemin officiel : on aurait eu plus d'un tour dans Sensacq (désolé).

Dans la forêt, il reste encore quelques belles descentes et autant de belles montées épuisantes et nous arrivons à Pimbo. Le marcheur était déjà plus loin devant nous. Il n'est pas encore arrivé au bout de ses peines, il lui reste encore 37 km pour Arthez-De Bearn : il trouvera surement un gîte entre deux.

Nous allons directement au gîte communal où il n'y a personne. Nous déposons nos affaires et nous prenons une petite douche vite faite. Il y a déjà là Catherine qui était déjà arrivée avant nous mais nous ne l'avions pas vue tout de suite car elle faisait sa lessive, c'est une allemande qui ne parle pas très bien le français. Elle nous aura adressé finalement que peu de mots mais elle est bien sympathique. Comme il y a plusieurs dortoirs, nous prenons un dortoir libre, comme ça, elle a son dortoir et nous avons le nôtre. Nous nous apercevons qu'il faut aller à la maison communale où il y a un restaurant qui fait l'accueil des pèlerins. A notre venue, le maître du lieu nous propose des boissons que nous payons. Nous nous installons à une magnifique terrasse avec vue sur les collines dans le lointain, découvrant une vue dégagée, calme et reposante. On aurait peut-être pu voir les montagnes des Pyrénées s'il y avait eu moins de bruine au delà des collines. Pour le moment à Pimbo, le soleil est présent et c'est bien agréable après cette grosse journée.

Nous retournons au gîte pour faire la lessive et profiter du soleil finissant pour faire le séchage.

Nous retournons ensuite au restaurant pour le repas, de l'agneau aux haricots, peut-être pour accélérer la vitesse du turbo sur le chemin le lendemain... Catherine ne nous accompagne pas au restaurant parce qu'elle est végétarienne et il n'y a rien qui retienne son attention gustative dans ce restaurant. Nous faisons un dîner en tête à tête. Nous revenons au gîte et nous endormons au calme.

ETAPE 6 : PIMBO - LARREULE : 19 km

Le lendemain, Catherine prépare le café, la table, les bols et tout le reste mais elle est tellement discrète qu'elle mange toute seule et part bien longtemps avant que nous nous réveillons. Ce n'est pas grave : aujourd'hui c'est un petit kilométrage. Nous ne faisons que 17 ou 18 km suivant les raccourcis à prendre. Au revoir Catherine et merci. La femme de ménage du gîte est surprise de nous voir encore sur place. Elle commence son travail par une pause cigarette, le temps que nous finissions nos sacs et le rangement (la vaisselle du matin....).

Nous repartons calmement et passons un village au nom imprononçable : Arzacq-Arraziguet avec deux Z comme dans zozoter..

Sur la route, nous nous faisons dépasser par une jeune fille d'une vingtaine d'années qui marche à bonne allure... Ce n'est pas comme la petite Monique à ressort : elle est plus grande et ses hautes jambes lui permettent un pas plus franc et volontaire que le nôtre. Un peu plus loin, nous nous faisons encore rattraper par une femme un peu plus âgée qui pourrait d'ailleurs être sa mère, le pas franc et décidé. Décidemment, nous devenons vieux... Nous essayons d'échanger un peu : "Bonjour..." Réponse : "Bonjour" et la course continue... Nous les retrouvons un peu plus loin avec un couple de cyclistes. Elles se sont arrêtées devant un arbre bien curieux, appelé l'arbre aux pèlerins que tout spécialement les cyclistes sont venus admirer et qui clôture leur long périple. Hormis les pinderlots (pendouilleries en patois de chez nous), coquilles Saint-Jacques, chapelets, bénitiers et colliers de fleurs, ce vieil arbre n'a rien de particulier si ce n'est son âge. Nous parlons avec les cyclistes, Un homme qui paraît âgé avec sa barbe blanche arrive à pieds mais ne semble pas très causant non plus... Chacun repart à son rythme donc, nous en dernier. Nous marchons jusqu'au midi. Toujours pas de chaise pour s'assoir, tant pis, nous arrivons au Moulin de Louvigny : il ne semble pas habité, les grilles sont fermées mais il y a un joli parapet sur le devant du parc qui peut aisément servir de chaise pour un pique-nique, ça fait l'affaire. L'homme à barbe blanche nous rejoint. Il avait fait un arrêt sieste quelques instants. Il partage notre banc improvisé et mange très frugalement. Nous apprenons que cet homme est le mari d'une des deux femmes qui nous avaient dépassés et l'autre est leur fille. En fait, dans cette famille, chacun marche à sa vitesse et se retrouvent le soir au gîte sans avoir beaucoup discuté entre eux. Nous qui cherchons toujours un "chien avec un chapeau" pour parler (expression de ch'nord pour dire qu'on parle avec n'importe qui ; la phrase exacte est : "un quien avec un capieau"), nous sommes bien étonnés mais bon.... Chacun fait son chemin comme il veut. En attendant, nous profitons d'une magnifique symphonie de grenouilles qui animent ce coin désert : elles sont au moins une trentaine à coasser de concert.

Le soir au gîte de Larreule, Patricia nous accueille et nous prépare un bon repas. Il y a plusieurs marcheurs à table dont la petite famille. Il n'y a pas vraiment de belles discussions comme on avait pu avoir à Montréal par exemple. Pour rendre l'ambiance plus conviviale, Patricia prépare un petit feu de bois pour nous sécher. Ghislain, le père de la famille jacquaire propose une partie de tarot. Patricia et son fils Pierre craquent et se mettent à table (la table de jeu). Quant à moi, ça fait longtemps que j'avais les cartes en main et trépignais d'impatience... Nous avons fait une belle partie de cartes.

Jeanne-Marie, leur fille, souffre d'une tendinite au pied et ses parents continuent malgré tout leurs 27 km par jour et aujourd'hui sous la pluie. Ils viennent du Puy-en-Velay et veulent aller jusqu'au bout, à Santiago. Je propose comme d'habitude mon massage de pied à l'arnica mais sans réellement améliorer la tendinite. Peut-être aurait-il fallu qu'elle boive un peu plus mais a priori ce n'est pas le cas. Leur sac à dos est déjà assez gros donc probablement un peu lourd : ils achètent la nourriture au dernier moment et portent très peu d'eau. Je propose aussi les massages à Isabelle la mère et aussi à Ghislain. Chrislaine s'inscrit à la fin de la liste d'attente.

Le dortoir est au premier étage sur un plancher qui craque mais ce n'est pas grave. Un homme dont on ne citera pas le prénom se couche très loin car il a tendance à jouer du vibrato nasal en mode grave et tonitruant durant la nuit et ceci totalement à son insu mais pas à celui de ses voisins... On le soupçonne de rêver trop fort à une chevauchée en Harlay-Davidson sans pot d'échappement. Il est loin dans la pièce, les fosses nasales aboient, la Chrislaine passe... une bonne nuit.

ETAPE 7 : LARREULE - MASLACQ : 28 km

La journée se déroule sous la pluie. La marche a été longue et fastidieuse. C'était comme le K-Way de Dany Boon : on tourne la tête mais on ne voit rien sur les côtés puisqu'il ne tourne pas avec la tête. Et cette pluie qui tombe, qui tombe, qui n'arrête pas. Au départ, les chaussures sont sèches puis se mouillent légèrement, insidieusement, imperceptiblement et elles finissent complètement trempées.

C'est usant... d'ailleurs, nous passons à Uzan où je ne peux pas m'empêcher de faire une photo caractéristique de mon humour délirant mais qui ne fait rire que moi...

Nous avons pris quelques raccourcis sur les conseils de Ghislain car la distance à l'origine était de 28 km. En prenant quelques routes où les voitures sont plus passantes, nous avons gagné 3,5 km dont un demi-kilomètre en bord d'une route départementale où les voitures passaient bien trop vite sur le macadam détrempé. D'un autre côté, sous la pluie, le paysage est vraiment médiocre.

Nous arrivons à Maslacq dans un très joli gîte, chez des agriculteurs où nous avons une petite chambre pour nous tout seuls avec des draps et des serviettes moelleuses ! Quel plaisir ! C'est un peu plus cher mais c'est à ce moment là où on comprend le bienfait du modernisme et de l'individualité. En plus la chambre est assez chaude : nous ne savons pas d'où vient la chaleur car il n'y a pas de radiateur mais il fait chaud et sec, ça fait un bien fou après la pluie continue et l'humidité qui nous a transpercés.

Nous en profitons pour faire une peu de lessive et faisons sécher nos serviettes microfibres. Généralement, elles sont assez sèches grâce à une astuce que nous a donné notre amie Dominique : avant de les utiliser en sortant de la douche, passer un gant de toilette pour rincer le corps une première fois puis utiliser la serviette microfibre. C'est super, la serviette est très peu humide et sèche très vite ! Mais à ce propos, où est mon gant de toilette ? je n'en ai pas besoin mais il faut le faire sécher... Malheureusement, il a été oublié dans le précédent gîte. Si on faisait une liste de tout ce que les pèlerins oublient, ce serait un bottin !

Les propriétaires nous invitent à mettre du papier journal dans nos chaussures. Quelle bonne idée : toute l'humidité est bue par le papier la nuit et le lendemain, les chaussures sont à nouveau sèches... jusqu'à la prochaine pluie.

Nous mangeons le soir des produits de la ferme avec un couple d'américains. Elle parle bien le français. Lui est addictologue et ne comprend rien à la langue de Molière. Ils font du vélo pour visiter la région. Nous échangeons sur de multiples choses, la dame en bon français et nous en mauvais anglais...

Petit problème très gênant pour nous et les propriétaires des lieux. Lors de notre passage dans nos toilettes, suite à quelques traces compromettantes que nous avons laissées dans la cuvette (je n'en dirai pas plus), nous utilisons la balayette réservée à cet usage. Et curieusement, plus nous nettoyons, plus il y en a ! En fait, le précédent occupant a fait ses gros besoins dans le réceptacle de la balayette. Nous n'avons pas de moyen pour nettoyer. Nous en parlons aux propriétaires et c'est un exercice de communication difficile : la dame qui a fait le ménage tient visiblement à sa réputation de propreté et c'est vrai que tout est propre. Elle ne comprend pas bien : non, ce n'est pas elle donc c'est.. Nous ? Heu non, pas plus, nous venons signaler. Effectivement comment peut-on imaginer une telle perversité ? Ça nous dépasse et la dame aussi. Nous restons anéantis, la dame reste soupçonneuse.

ETAPE 8 : MASLACQ - NAVARRENX : 22 km

Au bout de cette semaine, les mollets sont dérouillés et commencent à avoir besoin de leur dose d'activité quotidienne. Cependant, Chrislaine a la cheville qui enfle. Non, non, elle ne prend pas la grosse tête, c'est plutôt le pied qui ne prend plus son pied dans la marche... Pour alléger son sac à dos, je lui ai pris plusieurs paquets de son sac. En effet, pour ranger nos affaires dans le sac à dos, nous utilisons de grands sacs en plastiques pour rassembler les affaires : lot de sous-vêtements, lot de lavage, lot de maillots, le chaud, le froid, bref, nous organisons le rangement suivant notre feeling et Chrislaine se débrouille mieux que moi (ah, la supériorité cachée des femmes). Pour résumé, je prends quelques kilos de son sac pour le mettre dans le mien. Ça tombe bien : comme je suis têtu, elle dit que je suis une tête de mule... Donc, pourquoi se limiter à la tête ?

Nous passons le long d'un petit plan d'eau. Et là, la proximité de l'eau me donne une petite envie pressante. Je trouve un coin propice sur le bord du chemin, contre un talus entre deux taillis et je vois un petit animal qui s'enfuit rapidement là où le jet arrive. Il s'arrête en haut du talus. Je l'observe, je m'aperçois que c'est une petite souris qui se retourne vers moi, me regarde avec des grands yeux étonnés, voire peut-être même indignés. Désolé, je n'avais pas vu que ta maison était là...

Il drache (grosse pluie dans ch'nord) plus qu'il ne pleut dans ce coin. Pour manger le midi, ça ne va pas être joyeux... Sauf que... Bien sûr, à point nommé, nous découvrons un bel abri avec des fauteuils tissus et une table en plein air abrités sous une épaisse bâche. Un gîte voisin a mis ce rayon de soleil sous cette pluie incessante. Nous en profitons pour faire notre Pique-nique lorsque un couple vient voir le coin. Nous leur proposons de partager ce lieu exigu mais ils ne sont pas intéressés malgré notre insistance. Nous ferons un petit bout de marche avec eux un peu plus tard. C'est très amusant : Olivier ressemble à ces baromètres qui annoncent la pluie ou le beau temps avec le petit bonhomme au parapluie et la femme en tenue de soleil sauf qu'il a été monté à l'envers : chaque fois qu'il retire son poncho de pluie, il commence à pleuvoir. Comme il vient de le retirer, il ne le remet pas tout de suite (car il faut s'arrêter, descendre le sac à dos, ranger le poncho, recharger le sac sur les épaules : c'est pénible). Quand il se rend compte qu'il pleut trop et qu'il devient trop humide, il remet son poncho et là, la pluie s'arrête, laissant place à un peu de soleil. Alors, il ne veut pas le retirer tout de suite, mais comme il a chaud, il le retire et là, le cycle infernal recommence, il pleut à nouveau. Comme dit un nouveau dicton :

Olivier sort son poncho, 

Il va faire beau.

Olivier se dévêtit,

Retour de la pluie... (c'est pour l'humour, Olivier)

Nous sommes à côté de la route. Les voitures passent en faisant vraiment beaucoup de bruit. Vivement la campagne. Chrislaine a pris ses petites baskets pour alléger la marche et ça a l'air de pas trop mal se passer au niveau de la cheville.

Nous arrivons au gîte "Le cri de la girafe". Nous sommes accueillis par Maria et Fabian. Si je me rappelle mon enfance, la girafe (Sophie) fait "Pouet" quand on la mord. Apparemment, ce n'est pas le cas ici. Il y a des girafes partout dans cette vieille bâtisse restaurée. Il y a beaucoup de pèlerins déjà arrivés et le papier journal est difficile à trouver pour sécher les chaussures. Fabian prend quelques chaussures pour les sécher électriquement mais je ne suis pas dans le groupe des petits veinards.

Chrislaine a bien marché avec ses baskets. Cependant, la cheville est encore bien enflée. Maria fournit une poche à glaçons, je fais un massage à l'arnica, au beaume du tigre, un bandage de maintien.... Mais ça n'a rien fait.

Fabian court partout : il prépare un excellent repas avec une soupe aux croûtons et fromage frais. Ensuite un boudin du Béarn assez épicé mais excellent puis une délicieuse tarte pomme citron avec un peu de crème fraîche. Fabian s'excuse : d'habitude il fait du poisson, c'est une spécialité. Aujourd'hui son poissonnier a eu un problème de livraison et il a improvisé ce repas que certains vont trouver excellent et d'autres vont rechigner un peu. Rien a été jeté, les surplus non consommés sont allègrement passés dans les assiettes des gourmands. Nous nous souviendrons longtemps de la tête très surprise de notre ami Suisse Mikael. Il a fait une moue qui en disait long sur son appréciation du boudin qu'il a tout de même mangé malgré sa difficulté à le faire passer dans son gosier. Son visage parlait pour lui. C'était touchant. Il a commencé son voyage à Larreule le soir où nous y étions. Il était venu en avion jusqu'à Pau puis taxi et voulait faire Larreule-Santiago parce qu'il n'avait qu'un temps limité pour le faire le Chemin.

Au repas nous retrouvons Olivier et Marie-Pierre que nous avions croisé le midi à notre pique-nique. Ils n'avaient pas voulu s'arrêter avec nous le midi et finalement ils ont mangé debout un peu plus loin à l'abri de la pluie. Ce soir, nous mangeons quand même ensemble autour de cette table, et ils nous sont très sympathiques. Il y a aussi Béatrice une dame très extravertie qui dormira dans le dortoir mais prévient quand même qu'elle parle la nuit. Il y a aussi un autre couple que l'on ne connaît pas qui, très snob, ne voulait pas se mélanger : "Ah non, pas les dortoirs, c'est sale !". Pauvre femme ! (pauvre de richesse humaine bien sûr mais surement pas de finance).

Maria et Fabian propose de faire un lavage-séchage machine du linge du jour, chacun dans un petit sac spécial machine. Nous trichons un peu en mettant les sous-vêtements de la veille mais c'est ridiculement léger. Nous ne savons pas si le couple snob aura mélangé son linge avec le nôtre dans la machine. J'espère que non, je ne tiens pas à me retrouver avec leurs miasmes (c'est ironique).

Nous n'étions que trois dans le dortoir avec Béatrice, tous les autres avaient pris des chambres particulières. La nuit, nous avons eu droit à quelques paroles de Béatrice et surtout un grand cri qui n'était surement pas celui de la girafe. Je pense qu'elle s'en est réveillée elle-même. Moi, je ne dormais pas à ce moment là contrairement à Chrislaine qui ne souvenait de rien le lendemain.

ETAPE 9 : NAVARRENX - AROUE : 20 km

Nous quittons la ville fortifiée de Navarrenx. A la sortie, deux statues de pèlerins barbus ont été érigées. Chrislaine trouve qu'ils sont assez misogynes dans le coin : pas de femme, seulement des hommes pour faire le chemin et encore, les pèlerines, ils les ont sur le dos. (Ca doit être symbolique)...

Avec toutes les dernières pluies, le chemin ne s'est pas vraiment arrangé : boue, grosses flaques, torrents qui barrent le chemin... Ainsi, nous franchissons très difficilement une rivière en crue qui coupe le chemin. Il y a bien quelques cailloux glissants juste à fleur d'eau mais avec ses baskets, Chrislaine hésite beaucoup. Olivier et Marie-Pierre nous donnent quelques conseils pour enjamber : ils sont passés avec leurs grosses chaussures et je vois qu'ils ont les chaussures bien humides. Arrive un homme, Alain qui était avec nous au précédent gîte et que nous allons revoir plusieurs fois. Il franchit allègrement le torrent avec ses grandes jambes, se retourne puis essaye d'y jeter quelques pierres pour faire un pont mais les pierres sont instables, roulent et s'enfoncent. Il en faudrait beaucoup avant de pourvoir faire un passage à peu près sec. Je remarque un petit peu en amont qu'il y a un passage possible avec quelques pierres qui émergent et qui ont l'air d'être plus stables. Effectivement, il suffit d'enjamber quelques taillis, baisser la tête sous les branches d'arbustes pour y arriver puis faire deux-trois pas sur des cailloux à fleur d'eau pour passer la rivère plus calme à cet endroit. Chrislaine surmonte le torrent : victoire ! rien ne peut nous arrêter...

Nous arrivons dans des clairières déboisées complètement prises dans l'eau. C'est une horreur de boue. Il faut jeter des branches et des tiges de fougère et autres papyrus pour pouvoir se frayer un passage dans cette boue collante.

Enfin il ne pleut pas, c'est déjà ça. Je n'ose même pas le dire parce que avec ma chance, il risquerait de pleuvoir mais pour l'instant, le temps est plutôt beau. Il bruine un tout petit peu dans un air chaud et en plus, Olivier a gardé son poncho sur ses épaules : c'est bon signe. Pour tout dire, même mon bas de pantalon qui est en général l'éponge du poncho qui ruissèle dessus n'est presque pas mouillé.

C'est l'heure du repas, sous la pluie, ça va être difficile ? Et non, une petite entreprise de charcuterie a mis à disposition des pèlerins un chapiteau avec tables et bancs. Nous y retrouvons Marie-Pierre et Olivier ainsi que Béatrice. Sur un coin du chapiteau, il y a diverses boîtes de pâté en libre-service avec une tirelire. Pour remercier de l'abri, nous achetons quelques pâtés pour la route.

On rêve encore du gratin de poisson à l'oseille et au citron qu'on avait eu lors de la première étape. On essaiera de refaire la recette et aussi celle de la tarte pomme citron avec sûrement moins de crème fraîche. Chrislaine nous dit que l'on ira chez l'italien (magasin à Roubaix) pour acheter de la morue. Tout ceci nous paraît tellement loin aujourd'hui, nous avons l'impression d'être partis depuis plus d'un mois. On oublie tout sur le chemin : notre tracas quotidien, tout semble si loin. Nous avons même du mal à se rappeler qu'est-ce qu'on a fait hier ? qu'est-ce qu'on a fait avant hier ? Tout ne revient pas en mémoire, il faut un effort inouï pour retrouver la vie qu'on avait à la maison. Nous commençons à oublier, c'est une autre vie qui commence plus forte, plus intense avec des tracas très surmontables. C'est assez curieux comme ressenti. Je prends quelques notes pour m'en souvenir quand je ferai mon blog (c'était une bonne idée !).

Sur le chemin, nous rencontrons une dame qui nous parle un petit temps. Elle nous dit que tous les pèlerins sont égaux, le monde est beau et nous avons pensé que, oui, il y en a qui sont plus égaux que les autres : il y a ceux qui ont des chambres pour eux tout seul, draps et serviettes moelleuses, font porter leurs sacs et d'autres qui ont les dortoirs où il y en a qui ronflent, crient ou libèrent les gaz intestinaux, des sacs lourds... Enfin, notre budget nous permet de faire le chemin comme ça nous chante.

Nous arrivons à Aroue. Nous avons pris le gîte communal qui vient juste d'ouvrir et qui propose la demi-pension depuis cette année. Nous y retrouvons Ghislain, Isabelle et Jeanne-Marie qui sont là depuis belle-lurette. J'ai la surprise le soir de voir que Isabelle et Ghislain se massent mutuellement les pieds avec des huiles coupées d'huiles essentielles. Je ne peux que les encourager.

François et Mélanie nous accueillent, ils viennent de reprendre la gérance, c'est le deuxième jour où ils sont ouverts et ils ont choisis de faire la demie-pension. Pour un de leur premiers repas, ils ont fait merveille. Un bon repas avec en dessert une bonne mousse au chocolat en pot et des madeleines en forme de coquilles Saint-Jacques. Ils ont passé une soirée qui les a probablement fortement étonnés : Isabelle, Chrislaine et moi avons chanté Bourvil (de mémoire "Un oranger sur le sol Irlandais" et un petit début de "La tendresse"), nous avons raconté des petites histoires drôles, une belle soirée familiale dans la joie. Bon, c'était un petit peu sous l'emprise du vin, le petit jurançon sec du coin qui était vraiment excellent, merci Ghislain pour ton partage viticole, Isabelle pour tes sourires, Jeanne-Marie pour tes pieds qui avaient besoin d'être massés autant que mes mains aiment masser. Nous avions un dortoir pour chaque famille. C'était une soirée merveilleuse et magique qui restera longtemps dans nos mémoires. Merci François et Mélanie, bonne chance dans votre aventure.

Contrairement au message de cet homme (ancien gérant ou propriétaire du site ou  faisant partie du conseil municipal ou ... ?) qui est venu en début de soirée faire une salutation de propagandiste électoral, serrant la main à tout le monde et en vérifiant que tout allait bien. Mais, précise-t-il aux jeunes repreneurs, vous aurez du mal, vous n'y arriverez peut-être pas, bref, une expression vraiment pas encourageante. Comme  quoi, c'est difficile de céder sa place aux jeunes quand on devient vieux schnock... oups,  nous allons nuancer le propos : quand l'âge nous empêche de comprendre que demain ne sera plus fait avec nous.... Nous vous avons beaucoup appréciés François et Mélanie. Notamment votre choix de faire la demie-pension et de prendre la carte bancaire via votre portable qui a servi de terminal bancaire : une riche idée ! Bravo !

ETAPE 9 : AROUE - OSTOBAT : 23 km

Nous partons au soleil. Le matin, au sortir du gîte, nous avons vu sur les Pyrénées pour la première fois : les sommets sont enneigés, c'est magnifique. Le gîte est franchement bien placé, il donne vu sur les Pyrénées. Nous avons la chance de ne pas avoir de nuage ce matin, le poncho de pluie est rangé, nous sommes heureux, il y a enfin du soleil. Nous prendrons les raccourcis quand même parce que Chrislaine sent que le pied tire un petit peu : visiblement, ça ne peut pas guérir en marchant.

Nous prendrons le petit raccourci après Aroue puis un autre qui évite de passer à Saint-Palais. C'est dommage mais la cheville qui enfle n'est pas de bonne augure pour un trajet encore plus long. Le raccourci est d'ailleurs balisé avec un escargot jaune et bleu : c'est pour nous, nous n'allons pas vite.

Nous commençons à croiser beaucoup de troupeaux de brebis qui gambadent joyeusement en route vers leur pâturages. Elles font un écart quand elles nous croisent et ça fait un joli dessin fluide et mouvant.

Pour arriver à Ostobat dans les derniers mètres, il  y a un sentier sur le côté ou bien la route goudronnée qui est plus directe. Notre choix se porte sur la route  et nous avons bien fait. Nous apprendrons au gîte que le chemin était encore innondé et qu'il fallait enjamber des ruisseaux... Et encore, la veille, les chaussures de quelques marcheurs ont été immergées.

Nous arrivons au gîte, une ferme au nom imprononçable : Gainekoetxea. N'essayez pas, en basque, le X se prononce TCH et autres règles de prononciation inconnues : tout le monde sait comment ça se prononce mais on ne le dit pas. (Remarque : c'est plus difficile pour nous car dans notre patois, le CH se prononce QU). C'est un des plus vieils hébergements du GR 65. Cette ferme est assez connue car le propriétaire a un joli filet de voix et chante en basque de belles chansons du pays a capella et aussi l'hymne de Compostelle. Malheureusement, il a arrêté de chanter le soir, il ne le fait plus que le matin. Mais c'était très sympa mais moins envoûtant pour ceux qui ont du mal à se réveiller. Ils vont bientôt arrêter de tenir ce gîte car c'est beaucoup de travail et ils deviennent relativement âgés.

Nous y avons retrouvés Ghislain, Isabelle et Jeanne-Marie, et aussi Alain, Béatrice... Oliver et Marie-Pierre ont choisi un autre gîte dans Ostabat. J'ai fait attention dans le dortoir de mettre un peu de distance avec les personnes reconnue pour être bruyante la nuit. Je me suis mis près d'Alain mais il ronfle aussi, j'ai eu le droit à la stéréo cette nuit là. Ce n'est pas grave, la tolérance ne s'exerce pas que la journée : nous avons le droit d'être que ce que la nature a fait de nous.

ETAPE 10 : OSTOBAT - SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT : 23 km

Alors, pour une fois, nous sommes partis le matin de très bonne heure : il était 8h15. Nous sommes les derniers mais ce n'est pas grave, rien ne presse. Nous avons failli rattraper Ghislain qui était au téléphone mais il raccroche et le voilà reparti beaucoup plus vite que nous. Le Lièvre et les tortues... Chrislaine boîte-elle ? Et oui, toujours la cheville, dégonflée au matin, éléphantesque le soir avec une partie du mollet.

Dans un village où on fabrique l'etorky, le meilleur des fromages basques, ça bêle de partout. Je décide de m'approcher d'une étable qui a une porte grande ouverte pour enregistrer les sons pour un petit plaisir auditif. Quelle horreur ! Pour la vue, il n'y a rien à voir, c'est aussi sombre là-dedans qu'il y a une forte luminosité extérieure, les bêtes sont entassées avec peu de place. Le problème majeur, c'est que ça pue l'urine de mouton faisandée. J'ai pu enregistrer les bêlements mais heureusement, il n'y avait pas de capteur pour l'odeur ! J'en ai encore les poils du nez qui frisent.

Nous apercevons des toilettes publiques heureusement beaucoup moins odorantes. Nous nous arrêtons et une petite bruine commence à se faire sentir. Je prends mon poncho de pluie et je m'aperçois qu'il est déchiré de bas en haut sur le devant, ne tenant plus que par un maigre filet de plastique. Tagada, je sors dare-dare ma panoplie du petit bricoleur, avec scotch et super-glue. J'essaie de refaire une jointure entre les 2 morceaux de plastique, ça marche mais je doute de la solidité avec les bourrasques de vent. Enfin pour l'instant, j'ai une protection.

Nous repartons. Un jardinier est en plein travail avec son rotofil thermique dans son jardin le long de la route derrière une haute haie, nous n'apercevons que le rotofil. Soudain, le rotofil expédie un petit caillou sur le dos de la main de Chrislaine. Impossible d'arrêter l'homme dans son travail bestial, derrière le grillage, avec son casque anti-bruit, sa protection de visage, le bruit de sa machine, c'est un zombie privé de compréhension de son environnement : il ne s'est aperçu de rien. Chrislaine récupère un gros hématome à la main. Elle a de la chance qu'il n'a pas cassé l'os de la phalange. Je lui met du baume du tigre, un bandage... Elle pleure de douleur. Pas de chance : entre la cheville et les mains... Il faudra penser à lui mettre un casque.

Nous marchons, marchons sur la route, avec des successions de petites montées, de petites descentes, de grosses montées, de grosses descentes. Il est 13h lorsque nous arrivons à un petit endroit où se trouve déjà Marie-Pierre et Olivier. Ils ont trouvé un petit muret avec une maison qui nous met à l'abri du vent. Ils nous laisse la place puisqu'ils viennent de terminer leur repas. Nous leur contons nos malheurs alors ils restent un petit peu avec nous pendant notre petit repas, puis repartent un petit peu avant que l'on termine. Il reste environ 6 km à rallonge. Nous croisons des vachettes en liberté sur la route : Attention Chrislaine, ce n'est pas le moment de faire Intervilles ! Elle hésite à passer mais la vachette a encore plus peur d'elle avec son poncho jaune et lui laisse une large place.

Nous arrivons enfin à Saint-Jean-Pied-de-Port. il y a un accueil des pélerins, nous y entrons. Nous rencontrons Claude, homme bien sympathique, intarissable sur les aspects du Chemin.

Nous lui avons donné l'adresse de notre site internet et il le lira dans la nuit. Le lendemain, nous le revoyons tout content. Nous parlons beaucoup et justement de la Providence qu'il y a sur ce chemin. Il voit des centaines de pèlerins passer de toutes catégories sociales, des démunis comme des très argentés et il nous raconte des histoires qu'il a vécu. Notamment cette pèlerine qui venait sous la pluie sans rien sur la tête, avec très peu de bagage, protégée de la pluie par un simple sac poubelle d'où dépassait sa tête et ses bras. Elle dit en entrant : "Je n'ai rien à me mettre sur la tête" et justement, la veille, une pèlerine avait oublié son chapeau (ou était-il tombé d'un sac, on ne sait pas, peu de probabilité qu'elle revienne le rechercher ?). Toujours est-il qu'il y avait un chapeau disponible et c'était justement la bonne taille. Donc, cette pèlerine souhaitait tellement avoir un chapeau et voilà qu'il lui est offert !

Moi-même j'ai trouvé un poncho de pluie. Le mien était déchiré et les réparations commençaient à se défaire avec l'humidité. Le magasin spécialiste des marcheurs dans la rue principale de Saint-Jean-Pied-de-Port en proposait à 45 euros, un peu cher et en plus, c'étaient des capes à manches. Moi, je n'aime pas beaucoup ce genre car je préfère qu'il englobe le sac et qu'il soit ouvert sur les côtés pour l'aération du corps. Dans une cape fermée, on est plus mouillé à l'intérieur par la condensation de la transpiration qu'à l'extérieur sous la pluie. Un poncho, d'accord, ça fait bossu avec le sac à dos intégré, mais au moins ça protège et c'est bien aéré. Je désespérais d'en trouver un dans les autres magasins. Quand soudain Chrislaine dit : "Tu as vu le poncho de pluie dans le gîte ?". Hé oui, dans notre gîte, justement, tout ce que les pèlerins oublient ou abandonnent, ils en font un donativo : tu prends en libre-service et tu mets ce que tu veux dans la tirelire à côté (ça fait quelques sous aux hospitaliers ou ça sert quand certains n'ont pas les moyens). Il y avait donc là, dans les donativo, un poncho tout neuf à ma taille, avec capuche, ouvert sur les côtés, de quoi rendre un Jean-Michel heureux pour le prix qu'il voulait bien y mettre, pile poil.

Claude nous parle aussi de cette pèlerine qui avait perdu tout son argent. Elle était complètement désemparée jusqu'à ce qu'une personne anonyme de passage, comme ça, lui donne directement 100 €. Tout est impressionnant sur ce chemin... Il nous parle aussi du lâcher prise : Que nous arrive-t-il en dehors de notre zone de confort ? Est-ce que l'on est prêt à recevoir ? Est-ce que l'on prêt à donner ? Très philosophique mais très humain dans le sens de l'humanité et non dans le sens économique. C'est là où l'on touche la différence entre l'homo sapiens sapiens et l'homo économicus.

Nous prenons un mini-dortoir dans le même gîte que la famille de Ghislain et Isabelle, mais eux seront dans le dortoir juste à côté. C'est la dernière fois que nous les verrons. Demain ils partent vers Roncevaux. Jeanne-Marie restera ici pour montrer son pied un médecin qui déterminera si elle peut continuer le Chemin et retrouver ses parents qui vont continuer à avancer. Dans notre dortoir, il y a aussi Alain qui partagera notre mini dortoir et qui commence à souffrir d'un début de tendinite près de la cheville. Alors j'ai fait une série de massages à l'arnica ce soir là : Alain, Jeanne-Marie, Chrislaine... tous les éclopés du gîte...

Nous, demain, nous partirons vers Huntto à 5 km d'ici : c'est sur la route vers Roncevaux, comme ça, nous pourrons faire un peu de tourisme le matin en visitant les belles murailles de Saint-Jean-Pied-de-Port puis nous commencerons la montée vers le col pour les cinq premiers kilomètres. Beaucoup de personnes nous ont déconseillé de faire Saint-Jean-Pied-de-Port - Roncevaux en une seule traite car c'est traitre... Il y a 23 km de trajet dont les derniers 3 km en descente difficile ou 4 km en pente facile. C'est stratégique : la montée vous épuise, on est pressé d'arriver et il arrive souvent des accidents de genou, de pieds, bref, le corps lâche dans la descente. Il faut être jeune et encore... Donc nous avons décidé de faire une coupure dans la montée. D'autant plus que la visite de Saint-Jean-Pied-de-Port est vraiment intéressante.

Dans le gîte, ça s'agite, il y a plusieurs bandes de jeunes venus pour tenter la montée du col. Nous échangeons avec eux. Visiblement , le travail comme nous l'avons connu ne les intéresse pas beaucoup. Ils préféraient vivre leur vie au jour le jour et uniquement avec les contraintes qu'ils voulaient se donner. Ils n'étaient donc pas très fortunés. Ils ont été très impressionnés par le poids du sac de Chrislaine : 5 kilos. Elle passe pour une bourge... Eux, ils traînent des sacs de 20 kilos alors que les jeunes femmes sont vraiment menues. Ils ont le matériel de camping avec eux mais comme tout est détrempé, ils dorment exceptionnellement dans un gîte (qui leur à fait un prix). Nous ne mangerons pas dans le gîte ce soir bien qu'ils proposent la demi-pension : nous avons envie de restaurant. Nous y rencontrerons un homme seul à la table voisine qui a déjà fait le chemin en tous sens : bla bla bla...

ETAPE 11 : SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT - HUNTTO : 5 km

(On dit Huntto mais il est à Saint-Michel, route de Huntto.)

Le matin, nous visitons les fortifications à la Vauban, un peu un standard de toutes les vieilles villes françaises mais ça nous repose. Nous faisons restaurant le midi bien que ce ne soit pas une bonne idée avant de commencer une montée mais bon, il n'y a que 5 kilomètres.

Nous partons, le temps est mitigé. Nous recevons un mail d'Isabelle : ils sont arrivés, ils ont fait la montée dans le brouillard, ils n'ont pas vu grand chose, comme ça arrive assez fréquemment pour monter ce col.

Nous arrivons vite... à être en sueur avec cette route Napoléon qui grimpe bien.

Nous arrivons à un grand gîte avec un superbe coin restaurant avec vue sur les montagnes au loin, un gîte presque vide ! Malheureusement, beaucoup de marcheurs font Saint-Jean-Pied-de-Port - Roncevaux en une traite ou s'arrêtent à mi-chemin dans un nouveau gîte qui a ouvert récemment juste à mi-chemin. Notre gîte jadis bien fréquenté, n'a plus la cote... La propriétaire en est désespérée. Et pourtant les chambres sont superbes et modernes, de beaux sanitaires, un bon porto en apéritif, les repas sont succulents et bien servis. En plus, il y a un paysage vraiment magnifique. Arrivés tôt, nous voyons le défilé des marcheurs qui passent devant le gîte, pire qu'une autoroute.

Nous passons une nuit tranquille.

ETAPE 12 : HUNTTO - RONCEVALLES : 19 km

Le lendemain, le jour se lève sur des brumes basses qui cachent le fond des vallées, donnant à l'ensemble une douceur ouatée, un calme olympien. Puis le soleil commence à poindre et déverse ses couleurs orangées sur la végétation environnante : un régal pour les yeux.

Nous prenons un petit déjeuner copieux et partons nous joindre à ceux qui ont quittés Saint-Jean-Pied-de-Port à 6h du matin et qui commencent déjà à passer : il est 8h30 du matin.

Que dire de cette route Napoléon ? C'est une véritable autoroute à marcheurs. Il faut dire que de nombreux espagnols et personnes de tous pays commencent leur voyage vers Compostelle en partant de Saint-Pied-de-Port. Plus on monte, plus on voit le chemin en contrebas et c'est un vrai millepatte qui serpente le long des montagnes : le chemin est une succession ininterrompue de marcheurs avec leurs sacs à dos. Mais quel paysage ! Nous avons la chance d'être accompagnés d'un magnifique soleil et en plus, il fait frais, le vent est léger, un temps idéal pour la marche. Nous avons une petite pensée pour nos amis qui ont fait le chemin hier dans la brume. Nous leur envoyons des photos de ce qu'ils ont raté. Nous rencontrons de jolies fleurs, des chevaux avec une cloche au cou, comme pour les vaches, il y a plein de poulains. Nous passons devant la célèbre Fontaine de Roland, puis enfin le col. Nous choisissons la descente en pente douce qui est déjà bien pentue à certains endroits. Nous avons aussi une pensée pour notre amie Dominique qui s'était tordu le genou dans la descente difficile en raison de la fatigue de la montée qu'elle n'avait pas voulue écouter. Elle est restée coincée à Roncevalles (Roncevaux en français).

J'avais proposé à Chrislaine de prendre un bus vers Roncevaux si elle ressentait des difficultés avec sa cheville dans la montée. Mais, elle a l'impression qu'elle ne pourrait pas dire qu'elle ait fait le Chemin si elle ne fait pas tout à pieds. Du coup, elle marche et ne se plaint pas. Le Chemin commence à lui plaire, notamment ce besoin de vouloir aller toujours plus loin, de se dépasser.

Nous arrivons au monastère de Roncevalles. C'est une usine à pèlerins : il y a plus de 200 lits répartis 4 par 4 dans des dortoirs sur 3 étages du bâtiment. Ce sont des petites alcôves, 2 lits superposés à droite et 2 autres à gauche, au fond des grands casiers fermés (pour le sac à dos et autres affaires) avec une clé libérée avec une pièce de 1 euro récupérable comme dans les piscines, une petite lumière individuelle, 4 prises de courant et 4 ports USB, modernisme oblige. Les toilettes et douches hommes à droite, celles des femmes à gauche, tout est ordonné dans une discipline quasi militaire ou monastique : extinction des feux à 22 heures, réveil le matin par la musique et la lumière à 6 heures. Il faut dire que nous sommes passés dans le côté industriel du Chemin de Compostelle. Si en France, environ 50.000 personnes font le Chemin chaque année, ici, en Espagne c'est 200.000. Ce n'est plus la même échelle.

Lorsque nous arrivons, nous sommes orientés vers la réception, avec file d'attente, demande de passeport, attribution des numéros de lits, attribution d'un ticket pour le restaurant d'à côté le soir si on prend la demie pension, attribution d'un autre ticket pour le même restaurant si on prend le petit déjeuner le matin, demande du crédentiel, tamponnage, les sous, la monnaie. En un mot, ça dépote.

Nous trouvons nos lits mais il n'y a pas de couverture : c'est comme ça en Espagne, les draps sont là mais il n'y a pas de couverture. De toute façon, nous n'en avons pas besoin, il fait assez chaud dans ce monastère mais il faudra prévoir quelque chose quand nous ferons le reste du voyage.

Bref, nous voilà arrivés, nous avons été au restaurant voisin qui était très correct. A 22 heures tout monde commence à ronfler après la dure journée qui vient de s'achever. Si vous avez suivi et compris le fonctionnement très rigide du monastère, vous devez arrêter le récit de cette journée ici à partir de cet instant. Merci.

ETAPE 13 : RONCEVALLES - ZUBIRI : 20 km

C'est le matin, il fait encore nuit dehors, il est 6 heures et les haut-parleurs crachent déjà quelques décibels d'une musique moderne qui fait plus de bruit que de notes. La ruche commence à s'agiter : le temps que j'émerge de mon sommeil qui est toujours difficile à me quitter (je dis souvent que je me lève à 7 heures le matin mais je me réveille à 9 heures), c'est une révolution dans les dortoirs : il y a ceux et celles qui courent après les toillettes, après les douches, leurs amis, qui remplissent leurs sacs dans le couloir pour éviter de trop déranger les autres dormeurs encore affairés dans les alcôves à l'espace restreint... Je me souviens d'une jeune fille assise calmement en plein milieu du couloir, se massant les pieds avec une pommade graisseuse, comme un sportif avant la compétition et tous les gens qui passaient autour d'elle à droite, à gauche, les uns avec des serviettes, des sacs, du PQ, dans tous les sens, et avec ça, noyés dans la musique, il y avait le bourdonnement des cris, des rires, des appels d'une alcôve à l'autre dans toutes les langues que l'on puisse imaginer. Et dans tout ça, il y a un zombie qui essaie de rassembler ses esprits et rassembler ses affaires : tiens, où sont les tickets pour le petit dej ? Où j'ai mis le passeport ? ai-je bien rangé le tube de dentifrice ? Un des hommes qui partage notre alcôve annonce fièrement que ce soir, il sera à Pampelune : 40 km ! Grand bien lui fasse...

Les dents sont propres, le sac à dos rempli, nous partons au resto pour le petit déjeuner. Le hall d'entrée est une foire au sac à dos et bâtons de marche. Le petit déj avalé, chacun arrive à retrouver ses affaires quand même. En Espagne, le petit déjeuner n'est pas servi dans les gîtes, du coup, les premiers cafés ouverts qui se trouvent après les gîtes sont remplis de marcheurs. Tous les bistrots que l'on rencontrera, seront pris d'assaut. L'Espagne offre l'avantage de proposer des tarifs moins chers qu'en France. Ainsi, tout le monde boit un coup à la première terrasse venue plutôt que de porter beaucoup d'eau.

Le passage des rivières bien en crues avec les précédentes pluies se fait sur des petits poteaux prévus à cette effet. C'est assez amusant, on dirait un jeu de marelle ou des créneaux de remparts. Le Chemin suit aussi des lignes de strates rocheuses qui donnent un relief particulier : les parties les plus tendres partent avec les eaux de pluie et les parties plus dures restent plus proéminentes ce qui donne un aspect bien curieux au chemin : tantôt des escaliers quand les strates sont perpendiculaires au chemin, tantôt en oblique où plus difficile pour la marche quand elles sont parallèles.

Nous rencontrons un autre Alain, entrepreneur dans le Bordelais avec qui nous parlons beaucoup sur le chemin. Effectivement, il va à la même vitesse que nous : ce pauvre homme a un problème de genou, il boîte et descend les pentes avec un temps infini en s'appuyant sur son bâton. Il a bon espoir parce que son frère et son épouse vont venir le voir demain avec une genouillère. Nous les verrons à Zubiri.

Nous arrivons à Zubiri. Après le méga dortoir de Roncevalles, nous cherchons une chambre individuelle. En effet, on ne peut pas réserver de chambre en Espagne : il y a de la place ou il n'y en a pas, vous le savez quand vous demandez sur place. Après être tombés sur 2 dortoirs sans chambre particulière, nous cherchons encore. Une dame un peu âgée nous accoste dans la rue en français approximatif : "Vous cherchez une chambre ? - Oui - Je vous propose à 2 pas d'ici une chambre pour 2 pour 30 euros". Nous nous regardons : est-ce un traquenard ? une exploitation du touriste ?. Nous donnons notre accord. Autre question : "Matrimoniaux ? - Si" (c'est pour savoir s'il faut un grand lit ou 2 petits lits séparés). Elle nous emmène dans un bel immeuble. Elle fait remarquer qu'il y a un grand "P" sur l'immeuble pour indiquer "Pension". Nous entrons, passons dans un bel ascenseur, elle ouvre une porte qui donne sur un petit appartement : à gauche les toilettes, la cuisine et en face, dans le couloir central, de part et d'autre des portes de chambres. Elle nous en ouvre une qui découvre une très jolie chambre dans un style espagnol qui fait un peu vieillot chez nous. Voilà, ce n'était pas un traquenard mais une belle opportunité, encore un effet du hasard : nous avons eu exactement ce que nous cherchions. Et en plus, il y a un petit resto en bas de l'immeuble.

A Zubiri, en nous promenant, nous avons rencontré Ben. C'est un népalais toujours souriant qui habite en Allemagne. Il parle un peu le franglais comme moi. Nous communiquons par notre téléphone portable en nous montrant des photos. Nous échangeons sur ce que nous faisons, il parle de sa chorale de Noël en Allemagne. Il s'émerveille de tout. Nous échangeons nos numéros de téléphone.

ETAPE 14 : ZUBIRI - PAMPELONA : 20 km

Le chemin passe vite aujourd'hui : c'est le dernier jour de marche, le corps est habitué, marcher ne demande pas plus d'effort que parler.

Nous nous arrêtons dans un petit bistro vers 10 heures pour déguster un beau morceau de tortilla faite sous nos yeux et ceux des 40 ou 50 pèlerins qui discutent partout où il y a de quoi s'assoir autour de ce bistro près de la rivière. Je suis impressionné par le nombre d'oeufs qui sont entrés sous forme d'omelette dans cette gigantesque tortilla maison avec les patates et les autres ingrédients. Tout ça retourné plusieurs fois dans une poêle grand format.

Plus loin sur le chemin, je suis aussi impressionné par la grande poubelle d'une résidence explosée dans un arbre à un mètre cinquante au-dessus d'une rivière. Les crues ont été extrêmement fortes dans le coin.

Il y a aussi sur ce chemin des croix avec quelques tristes épitaphes : Le Chemin de madame X s'est arrêté ici. Nous espérons arriver au bout.

 Les faubourg de Pampelune sont très étendus. Marcher en ville est beaucoup moins intéressant. Il y a le bruit, les odeurs, la vue et aussi des petits bistros pour se rafraîchir. Il y a aussi cette curieuse maison toute sertie de coquillages.

Nous arrivons à Pampelune en même temps qu'un petit groupe de marcheurs avec qui nous partageons un moment. En plein milieu d'une conversation avec une dame du groupe, le temps que je fasse une photo, et hop, le groupe bifurque vers une autre destination que la nôtre, fin de la conversation ratée. Au revoir... Nous avons décidés de prendre une chambre dans un hôtel dans le centre ville pour 2 nuits : nous avons respecté notre planning, il nous reste une journée d'avance, nous allons pouvoir faire un peu de tourisme dans cette grande ville.

L'hôtel est situé en plein milieu du quartier ancien et pas très loin de la gare routière pour aller vite prendre le bus le surlendemain. Notre chambre est située entre deux salles de bains... C'est un peu bruyant. Je me regarde dans une glace : je trouve que j'ai perdu un petit peu d'épaisseur. Je repense à la période où je faisais 12 kilos de plus, le poids de mon sac sur le dos en permanence, ça devait être dur, je ne me rendais pas compte à l'époque. Maintenant, le sac à dos semble vraiment très lourd sur le dos. Si j'avais encore 10 kg de moins à porter, ce serait idéal : je pourrais gambader fièrement, je suis sûr que les marcheurs que l'on voit qui galopent devant nous avec deux petits sacs à dos, des grandes jambes et qui pèse 50 kg tout habillé, n'imaginent pas ce que c'est que de porter tout ce poids. Mais il me serait très difficile de diminuer ma charge d'autant car j'ai une carrure qui me semble difficile d'amenuiser.  Chrislaine s'est affinée aussi.

Le lendemain, nous visitons Pampelune. Nous découvrons la cathédrale qui est immense. Ils font payer l'entrée ! Nous ne savions pas pourquoi mais maintenant si. C'est gigantesque : elle renferme aussi un musée avec des trésors incroyables, pleins de statues du 12e siècle, pleins de souvenirs extraordinaires. Effectivement, les églises ont toujours renfermés des oeuvres d'art mais en France, la Révolution est passée par là et a explosé ce patrimoine (pauvres Jihadistes qui explosent aussi leur patrimoine, leur enfants ne connaîtront pas l'histoire de l'art de leur pays). Je me demande comment on peut être pèlerin pour Compostelle et ne pas s'arrêter ici. Certains font le Chemin en courant, 40 km par jour sans jamais s'arrêter pour un peu de tourisme, c'est une façon de faire, plus sportive, mais nous n'en voyons pas l'intérêt. Chacun sa route, chacun son chemin... En plus, ce n'est pas une question d'économie : ici, il y a des auberges de jeunesse pour 7 € seulement la nuit. Il y a tellement de belles choses à voir : une citadelle type Vauban, des parcs, nous avons même visité une première église que l'on pensait être la cathédrale tant elle était grande : sur le côté de cette église, à partir du transept, il y a une deuxième église accolée.

Il y a un marché couvert à côté de l'hôtel. Nous y faisons quelques courses, de beaux légumes pour faire une soupe quand nous rentrerons : mini-artichauts, haricots, fèves, tomates... Nous remarquons aussi un panneau qui semble faire la fierté d'une boucherie. Je traduis sur une appli de mon portable : "Viande de poulain". Je commence à comprendre pourquoi nous en avons tant vu le long du chemin de cette dernière étape. Je n'en parle pas à Chrislaine qui refuse de manger du cheval... Nous passons notre chemin.

Nous profitons d'un moment de liberté de cette journée de petites pluies éparses, les pieds et le dos légers.

Le retour se passera sans encombre.

Nous continuerons bientôt : plus que 700 km